Depuis quelques mois, depuis que nous sortons progressivement de cette période pandémique qui a secoué fortement nos habitudes, les organisateurs d’évènements, de spectacles et de festivals s’interrogent avec parfois effroi sur la question qui pour eux est existentielle : comment faire revenir le public vers ces évènements qu’il a indiscutablement délaissés ?
Souvent, ces personnes qui cherchent désespérément la solution à leur angoisse professionnelle, constatent que le public s’est bien refermé sur lui, s’est globalement recentré sur ce qu’il croyait essentiel, a oublié la vie sociale… Du coup, chacun se demande ce qui est essentiel dans nos vies, ce qui est indispensable, ce qui est vital…
Si l’envie de trouver une solution chez les philosophes pointait le bout de son nez chez nous, je conseillerais volontiers d’aller faire une promenade livresque chez l’ami Blaise Pascal… Mais attention, il ne faudra pas se contenter de quelques lignes…
Tout d’abord, Pascal est capital, précis et autoritaire : nous ne devons pas nous laisser distraire ! Alors, certains affirmeront qu’il est donc essentiel de stopper les distractions de tous genres, les spectacles, les festivals, la télévision, la lecture… Se recentrer sur soi serait une bonne chose et le covid aurait au moins provoqué cela à défaut d’autre chose…
Seulement, Pascal va plus loin et il constate que nous pouvons nous laisser distraire par nous-mêmes. Se replier sur soi n’est pas une position de refus du divertissement, c’est plutôt une illusion, nous sommes abusés et distraits par nous-mêmes, par nos sens, nos ressentis… Ce n’est pas loin d’un orgueil, une vanité… Comme si nous étions le centre du monde !
Alors, comment ne pas se laisser distraire tout en intégrant l’humanité, en la convoquant à nos côtés pour éclairer nos choix, nos vies, nos destinés ? C’est là que le spectacle vivant peut retrouver du sens et qu’il peut apparaitre aux uns ou aux autres essentiel, vital, indispensable…
L’artiste est une sorte d’éponge qui intègre le monde, la vie, le vécu des uns et des autres. Dans le spectacle, il le restitue d’une façon ou d’une autre provoquant chez le spectateur l’interrogation, mécanisme parfois accompagné de rires et de pleurs, de sentiments de toutes natures qui permettent d’intégrer profondément les éléments apportés à la réflexion humaine…
Certes, tous les spectacles ne règlent pas toutes les questions existentielles de l’être humain mais depuis les antiques dramaturges, reconnaissons que presque tout a été dit et pensé. Chaque période, chaque culture, chaque artiste se permet juste de traduire, retranscrire, reformuler les éléments de réflexion pour un public qui évolue et prend là ce dont il a besoin… Il n’est plus dans une distraction futile, il est profondément dans un enrichissement humain durable et solide… Il n’est plus refermé sur lui, il est ouvert aux autres, à l’humanité toute entière !
Alors, le spectacle vivant n’est plus une activité humaine secondaire mais bien un moment de qualité ou chacune et chacun peut venir s’alimenter. Il n’est pas question non plus de vouloir à tout prix classer les spectacles en supérieurs ou inférieurs car devant chaque expérience, chaque performance, chaque situation, chaque temps fort artistique… chacun de nous pourra trouver de quoi progresser, évoluer… Et il en faut pour tout le monde sans que ce soit péjoratif ! Il ne faut rien sous-estimer, rien survaloriser, tout le spectacle vivant dans sa globalité est essentiel, à chacun de trouver ce qui est vital pour lui !
Aussi, quand un établissement culturel comme l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône, scène nationale de qualité, présente sa prochaine saison, il s’agit bien d’un moment essentiel qui va permettre à chacun de trouver ce qui pourra lui faire du bien en humanité… La musique, la danse, le théâtre, les marionnettes, le cirque, la lecture… Tout peut conduire au beau, tout peut accompagner notre vie, tout est porteur d’humanité…
Alors, à chacun de saisir sa chance !
[La présentation de la saison a lieu vendredi 24 juin, la soirée est gratuite mais il faut réserver à l’Espace des arts]
[La tarification permet au plus grand nombre d’en profiter, y compris le jeune public avec un dispositif spécifique]
[La photographie est de Laurent Philippe]