Raspail en bande dessinée… travail de Jacques Terpant

La bande dessinée a souvent la réputation d’être un art narratif mineur tout juste capable de faire rire les enfants, sourire les adultes, et, parfois, d’offrir des adaptations de sciences fiction intéressantes… Pourtant, je n’arrête pas de le dire, dans la bande dessinée, on trouve tous les genres littéraires, des plus simples aux plus complexes, des plus structurés aux plus abstraits… voire, dans certains cas, aux plus poétiques, aux plus artistiques, aux plus extraordinaires…

Puisque nous sommes en janvier, mois du grand festival international de la bande dessinée d’Angoulême, il me semble judicieux de vous inviter à découvrir ces bandes dessinées qui présentent des visages différents de ceux dont on parle toujours. J’ai choisi pour illustrer mon propos de vous présenter le travail exceptionnel de Jacques Terpant adaptant les romans de Jean Raspail…

Pour ceux qui ne connaissent pas les romans de Jean Raspail, je ne donnerais que quelques éléments. Ce romancier est un défenseur des causes perdues, d’un idéal ancien très proche de la chevalerie moyenâgeuse. Il aime donner à ses personnages du caractère, leur transmettre des missions incroyables et inaccessibles, les plonger dans un monde qui ne les comprend pas, qui ne peut pas les comprendre comme ils sont… Une de ses grandes interrogations est basée sur la frontière, la limite du connu, ce qui existe au-delà…

Dans Sept Cavaliers, sa première adaptation en trois volumes, Jacques Terpant – et donc Jean Raspail – nous montre un Margrave agonisant qui envoie une compagnie de cavalier pour une dernière grande mission. Un Margrave est un noble qui dirige une région frontalière – marche – dans l’Empire. Ici, on ne sait rien de la nature de l’empire, peut-être sommes-nous en Europe centrale, aux confins nordiques avec la Russie ou encore ailleurs… Qu’importe ! Là où nous sommes, les nouvelles n’arrivent plus, les ambassadeurs sont partis, la fille du Margrave est partie et on ne reçoit plus de nouvelles d’elle. La mission est donc simple : allez jusqu’au bout et revenez, si c’est possible, avec des nouvelles ; comprenez ce qui est en train de se passer !

Le chef de la mission est le colonel-major Silve de Pikkendorff. On le dit de la branche franco-balte de cette grande famille princière. Mais comme à chaque fois avec Jean Raspail, être aristocrate ne signifie pas être riche, être bien né, avoir une vie protégée… mais bien recevoir une mission devant laquelle tout intérêt personnel disparaitra. La devise des Pikkendorff est simple : suivre d’abord ses propres pas. Silve va accomplir sa mission, il va aller au loin vers les frontières du pays avec ses compagnons et la bande dessinée de Jacques Terpant va nous conter ce voyage incroyable…

Ce travail est assez magique. En effet, dans un premier temps on a le sentiment que Jacques Terpant a respecté profondément le roman de Jean Raspail, puis on découvre une histoire différente en ce sens que l’on n’a pas l’impression d’une relecture mais bien d’une lecture, enfin, parce que nous avons le sentiment que cette série de bande dessinée est venue enrichir nos images de la lecture romanesque. Nous vivons une sorte d’aller-retour continu entre le roman et la bande dessinée et c’est tout simplement exceptionnel. On est d’autant plus surpris quand on apprend que Jean Raspail a laissé Jacques Terpant réaliser seul cette adaptation…

Un instant, j’avais imaginé que cette série resterait seule, sans suite. C’était beau, mais l’auteur ne prendrait pas le risque de continuer, il y avait trop de périls potentiels… Et je me trompais sévèrement ! Jacques Terpant a continué, il a pris un second roman, il a même pris le risque de mettre un sous-titre à cette seconde excursion dans le monde romanesque de Raspail, La saga des Pikkendorff…

Nous voilà donc cette fois dans le Royaume de Borée. Dès le premier tome, dès la première page, l’émotion m’a saisi et une larme a coulé sur mon visage… Cet univers boréal est tout simplement fascinant et lumineux, beau et infini. On sent que la narration de Terpant va nous plonger dans une contemplation et que les actions ne seront que prétextes à nous obliger à réfléchir, à penser, à nous remettre en question. Que ferions-nous, si nous étions, nous aussi, habitants de Ragen ? Oserions-nous dépasser les limites, aller au-delà du connu ? Aurions-nous peur du petit homme ?

Oktavius de Pikkendorff devient commandant de la place de Ragen. Un endroit isolé à la frontière, une ville en paix et sans inquiétude. Dès son arrivée, Oktavius veut se tourner vers la zone inconnue. Il veut l’observer, s’en protéger, être vigilant. Il ne faut pas sombrer dans l’inaction, il faut être toujours prêt ! C’est dans cet univers que va naitre l’attente de la rencontre avec l’autre, celui qui est différent. Dangereux ou pas, la question n’est pas là. Il ne doit pas nous surprendre !

J’ai été touché et bouleversé par ces deux premiers tomes – il y en aura quatre – du Royaume de Borée qui sont encore plus forts que les trois volumes de Sept Cavaliers. Je trouve que Jacques Terpant est devenu comme une sorte de Raspail en bandes dessinées. Il pense, il raconte, il dessine, il nous immerge dans l’univers des frontières comme Jean Raspail l’aurait fait s’il écrivait des bédés et non des romans. Mais c’est probablement une bonne chose d’avoir les deux : un nous écrit de très beaux romans, l’autre les adapte magnifiquement en bandes dessinées, quant à nous lecteurs, nous n’avons même pas à choisir tant les deux sont agréables à lire !

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Sept cavaliers

D’après le roman de Jean Raspail

Scénario et dessin de Jacques Terpant

3 volumes chez Delcourt

Série terminée

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Le royaume de Borée

D’après le roman de Jean Raspail

Scénario et dessin de Jacques Terpant

2 volumes chez Delcourt

Série en cours

Au tour d’Alix de revenir !!!

On dit que la bande dessinée se porte bien, mais reconnaissons que cette santé apparente cache peut-être des difficultés plus importantes qu’on ne le croit. La santé financière est souvent maintenue par des sorties en très grand nombre dont certaines auront bien du mal à se frayer un chemin jusqu’aux lecteurs, qui, de toutes façons, n’ont pas un budget illimité et qui devront faire les choix que les éditeurs n’ont pas pu – voulu – faire !

Les grandes maisons sont ainsi en survie artificielle ou sous perfusion et la maison Casterman, par exemple, est confrontée à des difficultés certaines. Son rachat et son entrée dans le prestigieux groupe Gallimard n’est en rien symbole de fin de crise… Quel sera l’avenir de la bédé dans ce nouvel univers ? L’avenir le dira mais les inquiétudes sont bien réelles…

Pendant ce temps-là les reprises continuent à envahir les librairies. Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter les nouveautés avec Michel Vaillant, Blake et Mortimer, Alix… La survie du neuvième art passerait-elle uniquement par le maintien en activité des héros des années cinquante et soixante ? Ces reprises sont-elles toujours de qualité ? Cela crée-t-il un marché qui nuit aux ventes de nouveautés pures ? Enfin, question capitale, ces reprises sont-elles de bonnes bandes dessinées agréables à lire et à ne pas manquer ?

Oui, les questions ne manquent pas au moment d’ouvrir le dernier Alix de François Corteggiani et Marco Venanzi ou le premier album de la saison 2 des aventures de Michel Vaillant de Denis Lapière, Marc Bourgne et Benjamin Bénéteau. Pourtant, j’ai ouvert ces albums et je vais vous en parler en commençant aujourd’hui par ce dernier Alix, L’ombre de Sarapis

Ceux qui me suivent depuis quelques années savent pertinemment que je suis un lecteur des aventures d’Alix depuis longtemps. Comme tous les aficionados de cette série, j’ai mes petits préférés de l’ère Jacques Martin. Pour moi, si je devais en garder deux ou trois, il y aurait Le fils de Spartacus, La griffe noire, Le tombeau étrusque… Cela m’en fait au moins un de commun avec François Corteggiani qui avoue que ses deux albums inoubliables sont La griffe noire et Les légions perdues…. Oublions un instant  – pourtant c’est presque impossible – le grand créateur Jacques Martin pour revenir aux reprises, ou, plus exactement, à la vie d’Alix au-delà du travail du grand maître…

Une première remarque s’impose : Jacques Martin avait, de son vivant, commencé à travailler avec des jeunes auteurs, il a composé en suivant le casting de très près, une écurie, une équipe, un team, un studio de qualité pour faire vivre ses héros bien après lui. Ainsi, Alix, Lefranc, Jhen, Orion, Loïs, Kéos sont encore d’actualité pour les lecteurs…

D’actualité ? Peut-être, mais avouons que ce sont surtout les anciens lecteurs du Journal de Tintin qui se précipitent en premier sur ces albums ! Personnellement, je trouve d’ailleurs que certains albums furent d’une grande qualité tandis que d’autres furent un peu plus légers. Dans les réussites je pense à L’Ibère que j’avais dévoré comme ceux dont je parlais plus haut…

Avec ce nouveau venu, L’ombre de Sarapis, nous allons retrouver nos deux héros principaux, Alix et Enak, en Egypte, avec une héroïne que nous avions déjà croisée dans Ô Alexandrie, un album dans lequel on avait pu constater de façon évidente les qualités d’un petit jeune, Rafael Morales. Ce dernier   aura collaboré avec Jacques Martin sur cinq albums d’Alix avant de se consacrer aux Voyages d’Alix même si maintenant il se donne une série plus personnelle, Hotep.

Mais cette héroïne, crierez-vous en cœur ? Il s’agit bien sûr de la reine Cléopâtre dont on pourrait bien penser – à juste titre – qu’elle s’est donnée à Alix l’espace d’une nuit… Ne lui avait-elle pas déclaré : « Tu auras toujours une place dans mes rêves »… et c’était après une nuit endiablée que Jacques Martin n’avait pas osé nous décrire en profondeur… Autre temps, autres mœurs, et je regrette parfois que les aventures d’Alix soient si soft dans certaines phases…

Cette fois, c’est César, oui le grand César, qui va envoyer Alix en mission : « Mon fils Césarion a disparu. Enlevé ! », et il est impératif de le retrouver. Certes, ce fils né des amours entre César et Cléopâtre vivait chez sa mère et on ne parle nulle part de la pension alimentaire qu’il versait à cette reine acariâtre… Alix va donc prendre le chemin de l’Egypte avec son ami Enak pour tenter de retrouver ce Césarion…

François Corteggiani, scénariste de ce nouvel album d’Alix

Cette aventure dans un pays dont on a beaucoup parlé l’an dernier est très bien construite. Un scénario solide qui renoue avec les grandes machinations et trahisons qu’aimait bien Jacques Martin. Cléopâtre est toujours sensuelle à souhait et plusieurs fois on se demande si elle ne devrait pas s’occuper plus d’Alix que de politique où elle semble plus manipulée que manipulatrice…

Et ce petit Enak que l’on croyait très innocent…ne voilà-t-il pas qu’il regarde avec beaucoup de tendresse et passion cette belle Isadora. Cléopâtre devra même se faire accompagner de la belle jeune Egyptienne quand elle se rendra au triomphe de César… Pour un peu, Les aventures d’Alix deviendraient chaudes et réservées aux adultes !

Rassurez-vous, amis lecteurs, Alix reste Alix ! Et le restera ! Ceci étant acquis, j’avoue avoir pris beaucoup de plaisir dans cette lecture et je finis par me demander si certaines de ces reprises ne sont pas l’occasion de prouver que les héros de bandes dessinées, les vrais, les grands, ne peuvent pas mourir car ils nous appartiennent définitivement. Les auteurs peuvent se succéder, les histoires continuent et le talent des uns ou des autres, transforment les albums en réussite ou pas…

Marco Venanzi, dessine Alix pour notre bonheur…

Le dessinateur Marco Venanzi – certains l’avaient découvert et apprécié avec de nombreux albums de la série Masquerouge dont il en avait repris le dessin derrière André Juillard à partir du quatrième – montre qu’il est aussi très habile dans les histoires de l’Antiquité. Avec Le testament de César, il avait montré quelques imperfections, cette fois, avec un très bon scénario, il réalise un excellent travail ! On attend la suite…

Et le lecteur repart avec sa dédicace…

Le duo Venanzi-Corteggiani nous offre donc un album de qualité, à lire, bien sûr, par tous les fans du Journal de Tintin et de cette série mythique, mais aussi à découvrir par de plus jeunes lecteurs qui pourraient là comprendre que ce personnage d’Alix est définitivement un grand incontournable de la bande dessinée…

Un coup de cœur, quoi !

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L’ombre de Sarapis
Scénario de François Corteggiani
Dessin de Marco Venanzi
Personnage créé par Jacques Martin
31ème aventure d’Alix
Editions Casterman
ISBN : 9782203025424

Le retour de Michel Vaillant

Je n’ai jamais été un grand lecteur des aventures de Michel Vaillant, personnage créé par Jean Graton en 1957 dans Le journal de Tintin, le magazine jeunesse de Raymond Leblanc. Il faut dire que cette histoire de pilote automobile ne me donnait pas envie. OK, ça tourne, ça se bouscule et au bout d’un moment, il y a un vainqueur et des perdants… Et, parfois le gagnant est Michel Vaillant !

En fait, je suis de mauvaise foi car un album m’avait marqué dans ma jeunesse, celui où les voitures de course étaient remplacées par des camions : Route de nuit. Il s’agit là du quatrième album de la série et il était sorti en 1962… Cette histoire m’avait tellement touché que lorsque je faisais du vélo je me croyais au volant d’un camion semi-remorque… Et après, je ne rouvrais pas un Michel Vaillant pendant de longues années… Je voyais de loin les couvertures en librairie, je découvrais la série parallèle, sans l’ouvrir, Julie Wood (à partir de 1976)…

Et voilà que l’on annonce un redémarrage de la série cette année ! Je me suis dit qu’il était temps de comprendre un peu mieux ce Michel Vaillant et ses amis. Du coup, j’ai ouvert un tome de l’intégrale, le volume 17, et je me suis plongé dans L’affaire Bugatti (1991) puis Une histoire de fous (1992)…

Bien sûr, pour tous ceux et celles qui n’aiment pas les courses automobiles, la série ne présentera probablement pas les attraits nécessaires pour vous séduire totalement. Pour autant, il serait injuste de l’enfermer seulement dans le monde du sport automobile. Pour l’aspect réalisme, précisons que Jean Graton s’est toujours entouré d’une équipe complète pour réaliser ses bandes dessinées. Il s’agit bien d’un Team Graton comme il y avait les Studios Hergé ou Peyo…  Philippe Graton, fils du créateur, est lui-même entré dans l’équipe et travaillera avec son père à partir de l’album Le maitre du monde (1993), histoire qui est aussi dans ce même volume de l’Intégrale.

Mais la saga des Vaillant est avant tout, du moins à mon avis, une histoire familiale avec des personnages liés entre eux par le sang, puis par l’amour et, parfois, même, la haine, la jalousie… On a le père Henri, le patriarche qui tente de veiller au grain, qui a des valeurs éthiques indiscutables. Il a le fils ainé, Jean-Pierre, l’ingénieur pointu, l’organisateur et logisticien de qualité, celui qui est souvent dans l’ombre mais diablement efficace. Enfin, on trouve Michel le pilote, le sportif, le héros généreux et fidèle, courageux et honnête. Il est toujours prêt à relever les défis au nom des valeurs fondamentales de la vie. C’est un grand ! Tout simplement…

Il y a les proches… Françoise, la journaliste, devenue madame Michel Vaillant. Mais aussi Julie Wood, Steve Warson, tantôt ennemi tantôt ami, qui finira par être un des plus proches amis de Michel malgré son caractère de chien… On peut aussi citer Yves, Gabrièle, Pierre… Il faut aussi parler des « méchants » car il n’y aurait pas une bonne bande dessinée sans ces terribles personnages toujours prêts à violer les règles élémentaires du savoir-vivre…  Il y aura donc Ruth, celle qui a aimé, à sa façon, Steve Warson, et qui est aussi pilote et Bob Cramer, l’américain qui pilotera au Mans la fameuse voiture 13… C’est au sein de l’écurie Leader que l’on retrouvera ceux qui contestent de façon totale et absolue une quelconque prédominance Vaillant… tous les coups sont permis…

Dans L’affaire Bugatti, nous sommes dans une histoire d’escroquerie où les voitures ne sont qu’un objet de convoitise et on aurait pu trouver cette histoire avec d’autres objets que des voitures de courses. C’est l’occasion pour l’auteur de nous parler de la saga automobile Bugatti, une marque qui fait encore rêver aujourd’hui…

Dans Une histoire de fous, nous prenons le chemin d’une course mythique où tous nos champions vont s’affronter de façon originale car les motivations individuelles remplaceront les objectifs d’écurie… c’est l’occasion de préciser que certains pilotes bien réels fréquentent les mêmes circuits que Michel Vaillant. Pour certains d’entre eux, il s’agit de véritables amis de Jean Graton, et on peut citer dans cette catégorie un certain Jacky Ickx présent dans cette histoire…

En 2007, à l’occasion de la sortie du soixante-dixième album des aventures de Michel Vaillant, Philippe Graton, qui a repris seul les destinées du personnage, décide de clore la première saison des aventures de Michel Vaillant. Il n’enterre pas Michel Vaillant, il décide d’en confier le futur, la deuxième saison, à une équipe avec qui il restera en contact : un grand scénariste, Denis Lapière, et un duo de dessinateurs, Marc Bourgne et Benjamin Beneteau… Et on annonce le premier épisode de cette série pour le 16 novembre…

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Intégrale de Michel Vaillant
Tome 17
Jean Graton et Philippe Graton
Editions du Lombard

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Au nom du fils
Michel Vaillant, Saison 2
scénario: Philippe Graton et Denis Lapière
dessin: Marc Bourgne et Benjamin Benéteau
couleur: Christian Lerolle
Dupuis (à paraitre en novembre 2012)

Pour découvrir Hamlet dans la rue !

Un public assidu et concentré malgré la soleil

Un public assidu et concentré malgré le soleil

A tous ceux qui croient, de bonne foi, que la bande dessinée ou le théâtre de rue détruisent les grands classiques, je voudrais dire que bien souvent c’est par ces médias spécifiques que des jeunes marchent à grands pas vers la culture… J’ai une fille qui est devenue grands amatrice d’opéra après avoir assisté à un Carmen dans la rue et qui a lu Hamlet après un spectacle de rue… Alors, avant de critiquer, il faut lire et aller voir… ce que nous avons fait, comme chaque année, lors de Chalon dans la rue !

Batteurs-16Le théâtre de rue est un art particulier qui reprend, certes, une grande partie des canons du théâtre classique mais en se les appropriant d’une façon spécifique. Certaines compagnies ont développé un art particulier en établissant des liens indéfectibles entre art de la rue et théâtre classique, et c’est le cas des Batteurs de pavés, une remarquable compagnie helvète.

Deux excellents acteurs

Deux excellents acteurs

Tout d’abord, ils vont chercher leur inspiration dans le théâtre classique et nous avons encore en mémoire le spectacle Macadam Cyrano – directement inspiré d’Edmond de Rostand – et qui avait eu un succès considérable à Chalon en son temps… Les voici de retour, cette fois, avec Hamlet, la grande tragédie de Shakespeare !

Hamlet en personne, qui l'eut crû ?

Hamlet en personne, qui l'eut crû ?

Pour travailler dans la rue, il faut d’une part raccourcir le temps du spectacle car une tragédie de presque quatre heures, en anglais de surcroît, cela ne serait pas acceptable. Ensuite, il faut un minimum d’acteurs. La troupe n’est venue à Chalon qu’avec deux acteurs, ce sera un peu juste puisqu’il y a une trentaine de personnages dans la pièce d’origine, et donc il faudra du renfort pris dans le public. Enfin, Hamlet est un prince du Danemark et il faudrait des costumes de cour, chose impensable dans la rue, il faudra donc quelques attributs bien caractéristiques pour identifier les personnages…

Ophélie et sa belle perruque

Ophélie et sa belle perruque

Voici donc comment deux acteurs dotés d’une énergie incroyable déclenche un spectacle dynamique et incroyable avec l’aide d’un public qui est prêt à tout et qui illustre bien ce que certains savent depuis longtemps : lors d’un spectacle, le public doit surtout être disponible avec son imagination prête à foncer…

La reine d'Angleterre en personne...

La reine d'Angleterre en personne...

J’avoue que l’on s’est bien amusé avec ces deux helvètes perdus sur notre asphalte illuminé de soleil. Il faisait chaud dans nos têtes, mais le cœur battait à cent à l’heure grâce aux Batteurs de pavés qui ont su nous faire rompre les amarres d’avec la réalité…

Le couple royal du Danemark

Le couple royal du Danemark

« Vengeance ! Vengeance ! » Criait Hamlet tandis que la reine du Danemark, mère de Hamlet, disait avec conviction « Ouiiii ! ». Comme le but était quand même de faire rire avec une tragédie, nous n’étions mêmes pas étonnés d’entendre Ophélie murmurer « Glouglou », avant même qu’elle ne se noie…

Duel fatal à la cour

Duel fatal à la cour

Merci aux deux des Batteurs de pavés présents à Chalon dans la rue et grand merci à tous les spectateurs qui se sont prêté au jeu de ce spectacle fou qui a eu beaucoup de succès…

Bravo à tous ces artistes !

Bravo à tous ces artistes !

Plus de renseignements sur http://www.batteursdepaves.com

Un grand spectacle de la compagnie Kumulus, à Chalon dans la rue

Il y a des spectacles qui sont plus qu’un amusement, plus qu’un simple moment de passé à se distraire, car ils nous invitent à réfléchir, à comprendre, à agir…
Silence encombrant 4
La compagnie Kumulus nous avait déjà, du moins pour certains d’entre nous, offert un spectacle extraordinaire avec Les pendus. C’était une pièce de théâtre très « bavarde », une pièce écrite qui ne laissait aucune place à l’improvisation des artistes, et dont le public sortait silencieusement, incapable d’enchainer derrière le moindre spectacle. Il fallait que chacun cherche un sas de récupération, souvent abimé dans son for intérieur…
Silence encombrant 21
Pour beaucoup, revenir à un spectacle de la compagnie Kumulus, c’était prendre le risque de s’exposer, encore une fois, à la sagacité de ces femmes et hommes qui nous entrainent dans de grands spectacles de rue qui ne laissent personne indifférent !
Silence encombrant 11
Et tout commence devant un container d’ordures où la société de consommation a entassé ses déchets. Les rebuts, les objets abandonnés sont nombreux et il y a parmi eux, aussi, des êtres humains. L’humain, quand il a servi, quand il est usé, quand il ne peut plus rendre le moindre service, est rejeté – maison de retraites, chômage, rues – comme le plus grand ou le plus riche des objets, tous appelés à être remplacés dans la foulée par un objet – ou un humain – de meilleure qualité, de meilleur rendement…
Silence encombrant 8
Et c’est là que l’on commence à percevoir le poids de ce spectacle. Ce rebut, ces encombrants, sont vivants ! Les êtres humains, d’abord, certes vieux, usés, malades, lents, sont encore capables de choisir dans le container des objets, de leur donner une mission, un rôle, même si nous nous éloignons très vite de l’usage habituel, du moins de celui que lui avait donné le fabricant, le diffuseur, le vendeur…
Silence encombrant 19
Les acteurs sortent, sans jamais se lasser ces objets et les trainent, les glissent, les lancent, les installent… sans un mot ! Et c’est bien là que nous voyons que la troupe a souhaité changer de registre après Les pendus. Un spectacle « bavards » est suivi d’un spectacle taiseux…
Silence encombrant 2
Silencieux ? Non, pas vraiment, soyons honnêtes. En fait, nous assistons pendant toute la durée du spectacle (1h40) à une symphonie étonnante. Chaque bruit est là pour se lier à celui d’à-côté en créant ainsi une harmonie objective qui porte le spectateur. Quand le glissé, le frotté, le percuté, le tombé, le lancé se combine on obtient des mouvements symphoniques admirables. Ici, pas d’allegro, plutôt du moderato. Car, c’est l’éloge de la lenteur, du temps économisé, de la récupération qui submerge la foule qui, un instant avant, courrait pour ne pas raté le spectacle…
Silence encombrant 28
Tout dans le festival est boulimie, comme dans notre société, et, soudain, nous revenons à l’essentiel. Les objets nous alourdissent, nous enchaînent, nous rendent esclaves. On a beau être usé par le travail et la vie, réduit à trier les déchets… nous trouvons encore le moyen de tenir à ces déchets, nous voulons les garder, les collectionner, les installer, capitaliser en quelque sorte… Comme ces habits que les acteurs gardent sur eux, manteaux sur pulls, chapeaux de toute nature, accessoires qui embellissent ou dénaturent le tout…
Silence encombrant 20
D’où pourrait venir la libération totale, celle qui nous affranchirait de ces objets et de ce matérialisme ambiant ? Les acteurs vont nous montrer le chemin car, au fur et à mesure du spectacle, ils vont s’alléger des objets, qu’ils laissent trainer et de leurs vêtements. Cette nudité va les libérer, les alléger, jusqu’au moment où ils pourront quitter les lieux du tri des déchets et redevenir des femmes et des hommes libres !
Silence encombrant 43
Je précise bien qu’il ne s’agit pas d’un spectacle érotique et que la mise à nu est totalement symbolique…
Silence encombrant 48
Le spectacle n’est plus joué à Chalon, il faudra attendre le 26 juillet à Alençon, le 2 août à Périgueux, le 16 septembre à Cergy-Pontoise ou le 13 octobre à Port-Saint-Louis pour passer un tel temps de spectacle, hors du commun mais aussi hors du temps…
Silence encombrant 47
J’ai tout simplement adoré, a-do-ré !!!

Silence encombrant de la compagnie Kumulus
www.kumulus.fr

Chalon dans la rue, un festival à ne pas manquer !

Prise de pied-11Sortir, quand on est une famille, n’est pas une sinécure. Il faut, d’abord, et ce n’est pas rien, se mettre d’accord sur le point à atteindre – spectacle, monument, musée, sommet au point de vue inégalable, lac à l’eau tempérée, restaurant au prix accessible et j’en oublie beaucoup – surtout quand on a à la maison des adolescents indécis, des vieillards grognons ou des bébés pleurnichards. Tout cela peut vous sembler exagéré, mais rassurez-vous, j’ai trouvé la solution à tous vos problèmes, surtout si vous êtes dans le Chalonnais ces jours-ci. Il est grand temps de venir découvrir Chalon dans la rue !

Un véritable festival populaire

La convivialité lors de l'inauguration 2012

La convivialité lors de l'inauguration 2012

Oui, c’est bien par là qu’il faut commencer car c’est une foule immense qui vient chaque année voir les spectacles, arpenter les rues, applaudir les artistes, y compris les plus petits et obscurs que l’on croise la guitare à la main à un carrefour. Cette foule est nombreuse tout simplement parce que les spectacles sont nombreux et variés, parce qu’il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges. Elle aussi nombreuse parce qu’il existe des parcours pour les enfants, pour les personnes à mobilité restreinte, pour ceux qui ont des handicaps visuels ou auditifs. Oui, Chalon dans la rue c’est pour tout le monde !

Festival populaire car il s’agit des arts de la rue – théâtre, danse, cirque, jonglerie, chant, arts plastiques, performances physiques – sont des arts qui touchent depuis toujours un très grand public. Qui n’a pas de souvenirs d’une fanfare dans son village, du passage d’un cirque, d’un jongleur poétique un soir sur la plage ? Nous avons tous succombé, au moins une fois à un artiste de rue et depuis nous attendons avec impatience les récidives… C’est le fondement populaire de Chalon dans la rue, nous aider à retrouver ce bonheur !

Un public bon enfant, sage et discipliné...

Un public bon enfant, sage et discipliné...

Enfin, ne le cachons pas, Chalon dans la rue est une grande manifestation populaire parce qu’il n’est pas obligé d’être nanti financièrement pour apprécier un spectacle. Beaucoup de spectacles sont gratuits, car appartenant au In donc financés par l’organisation du festival et ses sponsors et partenaires, tandis que pour tous les spectacles du Off, le prix est laissé à l’appréciation du public : vous payez en fonction de vos moyens et votre ressenti du spectacle… rien ne vous empêche d’être généreux, quand vous le pouvez, quand vous le voulez !

La rue du public, point d’entrée du festival

Le point de passage et d'accueil des publics, des familles en particulier

Le point de passage et d'accueil des publics, des familles en particulier

C’est bien dans l’école maternelle de l’est que vous rencontrerez Patricia et son équipe et que vous pourrez construire votre parcours festivalier, que ce soit pour une demie journée ou une journée entière, que ce soit seul ou avec vos enfants, que ce soit en bandes d’amis ou en amateurs éclairés des arts de la rue…

Si le matin, vous arrivez avec votre croissant, on vous offrira le café et vous pourrez échanger avec ceux qui ont découvert des petites merveilles de spectacles et qui vous donneront les idées qui ensoleilleront votre journée…

Enfin, vous trouverez tous les parcours existants et disponibles avec de très bonnes fiches pratiques, des plans…

Et avant de repartir, Grégoire vous servira un de ses cocktails sans alcool avec sa machine alliant boisson et musique !

Ecoutez votre verre de jus de fruits !

Ecoutez votre verre de jus de fruits !

Que le spectacle commence !

Et c’est ainsi que vous vous retrouverez sur le bitume chalonnais à la recherche du spectacle qui vous enchantera…

Emotion et sensations fortes

Emotion et sensations fortes

Aujourd’hui, j’ai pu ainsi assister à une sorte d’enterrement avec le sourire mais dans le recueillement, j’ai croisé une bien drôle de machine à musique, vu danser une troupe sur la place de la mairie, failli me faire écraser par un chameau, avant de prendre place pour un majestueux spectacle de trois heures…

Chalon ou ailleurs...

Chalon ou ailleurs...

Ce dernier, Beau travail, production de la compagnie 1 Watt, était une appropriation de l’espace urbain par une troupe. C’était un spectacle entre théâtre burlesque et symphonie absurde urbaine en objets mineurs, entre performance physique et artistique – le spectacle durant trois heures, la performance est aussi du côté des spectateurs – et entre installation précautionneuse et destruction organisée… Bref, un drôle de moment dans un spectacle atypique avec des artistes hors du commun… Et je serai complet en précisant qu’il s’agit d’une troupe du Gard !

Drôle d'installation !

Drôle d'installation !

A vous de collectionner vos souvenirs, de consolider votre imaginaire et de partager avec vos enfants et proches car le spectacle est toujours une façon d’échanger, de se construire, de grandir, d’être plus humain !

Magie d'un soir

Magie d'un soir

Bon Chalon dans la rue 2012 !

Vedette d'un instant

Vedette d'un instant

Découvrir la biodiversité à la Citadelle de Besançon…

La Citadelle Vauban

La Citadelle Vauban

Nos ancêtres n’avaient point besoin de définir le mot biodiversité pour en prendre pleinement connaissance et conscience. En fait, si on parle de nos ancêtres agriculteurs, soit la majorité d’entre eux si on se replace cinq siècles en arrière. Car si on s’intéresse à ceux qui nous ont précédés au dix-neuvième et vingtième siècle, les comportements sont moins évidents… Nous ne nous intéresserons ici qu’aux espèces vivantes animales et végétales pour simplifier notre propos. Mais la biodiversité est aussi une façon de parler et étudier les gènes, les microbes, les écosystèmes…

La biodiversité

Chaque espèce, même végétale, a sa place et son rôle

Chaque espèce, même végétale, a sa place et son rôle

La biodiversité est une façon de regarder et considérer le monde : une multitude d’espèces vivantes différentes et une place utile pour chacune d’entre elles. On ne peut concevoir un développement durable qu’avec un véritable respect pour toutes les espèces vivantes, chacune nous permettant de vivre durablement sur cette planète… une espèce qui disparaît n’est pas un fait divers, une anecdote ou une anomalie, c’est un déséquilibre dramatique qui se met en place sur la planète et dont les conséquences peuvent avoir des répercussions sur de nombreuses autres espèces…

Il faut reconnaître que nous ne sommes pas, nous les hommes, capables de tout comprendre et tout prévoir. Quand nous pêchons de façon intensive en mer, nous épuisons une espèce qui finit, parfois, par disparaître. Nous mettons alors une espèce en difficulté, celle qui se nourrissait de cette dernière en voie d’extinction, tandis que nous mettons en danger celle qui était mangée par l’espèce qui était nourrissait celle en voie d’extinction… Même si cela est un peu schématique, quand une espèce disparaît, cela perturbe toutes les espèces ou presque…

Voilà pourquoi depuis de nombreuses années des scientifiques se battent pour que l’on respecte mieux et de façon plus rigoureuse les différentes espèces animales. L’Union internationale pour la conservation de la nature classe les différentes espèces de la façon suivante : espèces disparues, espèces disparues mais survivant en élevage, espèces en danger critique d’extinction, espèces en danger, espèces vulnérables, espèces quasi menacées, espèces faisant l’objet de préoccupations mineures, espèces sur lesquelles les données sont insuffisantes, et, enfin, les espèces non évaluées…

Zoos et parcs animaliers

La fête au zoo lors d'une naissance

La fête au zoo lors d'une naissance

Un certain nombre de parcs animaliers et de zoos, de muséums naturels et de réserves, se sont donnés comme mission de participer à un travail de consolidation de la biodiversité (protection d’espèces, accompagnement de la reproduction d’espèces, préparation et accompagnement de réinjection d’espèces dans la nature…) et d’information et de sensibilisation du public aux problèmes rencontrés par les différentes espèces…

Parmi ces lieux œuvrant pour une biodiversité bien comprise, acceptée et vécue par tous les êtres humains, on trouve, en particulier, le muséum d’histoire naturelle au cœur de la Citadelle Vauban de Besançon.

Une citadelle Vauban transformée en laboratoire ?

Il ne faut probablement pas aller jusque-là, mais depuis la rénovation complète des lieux et sa réorganisation en muséum vivant, dynamique et pédagogique, vous allez trouver là de quoi cheminer vers la compréhension totale de la biodiversité avec un aquarium de rivière, un insectarium, un noctarium, un jardin zoologique et plusieurs espaces d’expositions plus classiques.

Il est difficile de résumer autant de lieux, de collections vivantes ou pas et de tout dire d’autant plus que le visiteur ne pourra pas tout voir et tout comprendre. Il devra faire des choix, choisir un thème ou un autre, se plonger à fond dans une visite sans vouloir faire la visite à cent à l’heure ce qui ne lui apporterait rien… Chaque partie du muséum vous enrichira, à vous de bien choisir votre périple !

Insectarium

Gentille ou méchante ?

Gentille ou méchante ?

Comme ils nous gênent ces petits insectes qui se glissent au fond de nos cuisines, dans nos jardins, dans nos placards, dans nos jardins… La biodiversité commence par la connaissance des espèces, la perception de leurs rôles, la maitrise de la façon de les écarter de notre chemin sans les détruire massivement…

On peut ainsi comprendre comment dans certains pays on choisit son araignée, on l’installe avec respect dans sa maison pour se protéger des moustiques… Les araignées ont un pouvoir de répulsion et de fascination et il est intéressant de voir des petits garçons admirer pendant de longues minutes quelques mygales tandis que des filles tremblantes n’osent pas entrer dans l’insectarium…

Aquarium

Le petit protégé, l'apron du Rhône

Le petit protégé, l'apron du Rhône

Deux éléments ont retenu mon attention dans ce domaine. Tout d’abord, l’apron du Rhône. En effet, si ce n’est qu’un tout petit poisson de rivière qui ne se rencontre plus que dans trois cours d’eau (Loue, Durance et Ardèche), j’ai compris qu’il était le symbole d’eau pure que nous n’avons presque plus. Par contre, j’ai pu entendre un spécialiste m’expliquer comment, ici, à Besançon, on avait pu comprendre sa vie, sa reproduction et comment ainsi, on était en train de sauvegarder son espèce…

Qui veut des câlins ?

Qui veut des câlins ?

Mais si les connaissances sur l’apron peuvent paraître complexes pour les plus jeunes visiteurs, le bassin extérieur où l’on peut caresser quelques carpes autres poissons rouges ou noirs, réjouira les plus petits, du moins s’ils ont le courage de mettre la main dans le bassin… je recommande un vieux gros poisson noir qui adore se faire caresser le ventre, du moins c’est ce qu’il m’a dit à l’oreille…

Noctarium

Les rongeurs mal-aimés

Les rongeurs mal-aimés

Immersion interdite aux éléphants ne supportant pas de voir passer une petite souris entre leurs pattes, car ici la place est offerte aux rongeurs de toute nature, des plus petits aux plus gros, y compris les rats de nos égouts.

Le visiteur devra attendre que sa vision soit habituée à cette lumière de nuit tombée et il restera dans le silence complet s’il veut voir ce que font ces petites bêtes quand nous dormons profondément. J’avoue que les rats d’égouts m’intriguent beaucoup car ils sont, du moins sur ce que j’en ai vu et compris, à la fois assez « intelligents » et bien organisés socialement. Finalement, ceux que l’on présente assez souvent comme nos ennemis, seraient peut-être ceux qui nous ressemblent le plus, allez savoir ?

Parc zoologique

Sa majesté le lion d'Asie

Sa majesté le lion d'Asie

Non ! Vous n’entrez pas dans un zoo comme les autres, vous n’allez pas vous promener bêtement au milieu de cages avec des animaux qui seraient là emprisonnés pour que vous puissiez juste les observer, les admirer, les plaindre…

Toujours digne...

Toujours digne...

Bien sûr, il y aura des fauves qui feront l’admiration de tous, mais, par exemple, c’est la première fois que je voyais un lion d’Asie, espèce qui a presque disparu et dont les derniers spécimens en liberté sont dans la forêt de Gir en Inde.

Retenez un peu Obélix !

Retenez un peu Obélix !

Il y a une très belle collection d’oiseaux, de marsupiaux, de singes sans oublier quelques individus comme ces sangliers des Visayas, animal sauvage d’Asie du Sud-Est…

Une belle journée en perspective

Oui, je peux vous conseiller de passer la journée dans cette citadelle de Besançon – monument qui reçoit le plus de touristes de toute la Franche-Comté – car les enfants y seront très heureux. Il faut bien une belle journée entière pour tout voir, surtout que durant l’été vous pourrez avoir la possibilité d’avoir des ateliers avec un médiateur scientifique qui vous offrira toutes les explications voulues !

Pendant que les enfants se passionneront pour la biodiversité – il n’est d’ailleurs pas interdit aux parents d’en profiter – les parents à tour de rôle pourront eux visiter le musée remarquable de la résistance et de la déportation qui, particularité non négligeable, a été créé par une jeune femme allemande !

Toujours fascinant à observer !

Toujours fascinant à observer !

Vous trouverez des informations complémentaires sur :
www.citadelle.com

Chrétien de Troyes à l’honneur au château de Germolles…

L'entrée à la manière chateau-fort

L'entrée à la manière chateau-fort

Au cœur de notre belle Bourgogne, il y a le château de Germolles, palais ducal de Marguerite de Flandre. Comme un évènement littéraire s’y prépare, nous y avons fait escale, occasion de découvrir un haut lieu de la plus belle région du monde (sans aucun parti pris, bien sûr).

Germolles ? Vous ne connaissez pas ? Vous ne savez pas de quoi on parle ? Allez, laissez-vous faire et découvrons ensemble une demeure ducale, un trésor local, une opération de sauvegarde du patrimoine bourguignon qui mérite toute notre attention… Certes, le château est assez surprenant pour le visiteur qui s’y rend pour la première fois. Il y a des traces de château fort, l’entrée, des restes du Moyen-âge, cellier, chapelle, tour, et une demeure plus classique qui fut construite en plusieurs temps…
Matthieu Pinette a accepté de nous recevoir pour nous parler du château, des travaux en cours, des animations prévues… Que du bonheur, car il est passionné par cette demeure…

Le batiment aujourd'hui

Le batiment aujourd'hui

Matthieu Pinette, comment se retrouve-t-on à la tête d’un tel château ? Le goût ? La passion ? Les compétences ?

C’est ce que l’on pourrait penser au départ, mais c’est avant tout une aventure familiale puisque ce château est devenu au dix-neuvième siècle une demeure familiale. Lorsque, il y a quelques années, mes parents ont souhaité prendre une retraite paisible, la question s’est posée de savoir ce qu’il fallait faire. J’ai proposé un projet de gestion culturelle et patrimoniale et c’est ce projet qui a été accepté par l’ensemble des propriétaires. J’ai quitté ma carrière professionnelle – Matthieu Pinette, conservateur en chef du patrimoine a été successivement directeur des musées d’Autun, Besançon et Amiens – et je suis maintenant à temps complet à la gestion, à l’accueil, à la visite, au développement de cette demeure qui est, ne l’oublions pas, une des plus belles demeures ducales de Bourgogne. C’est un joyau unique qu’il faut découvrir impérativement !

Le cellier tel que Marguerite de Flandre le découvre

Le cellier tel que Marguerite de Flandre le découvre

Matthieu Pinette, j’étais venu ici il y a quelques années et en revenant, je trouve de nombreux changements. On voit des travaux d’envergure et on aimerait savoir comment vous avez pu lancer ces projets. On fait des plans ? On se laisse aller à son imagination ? C’est complexe ? Coûteux ?

Vous avez raison de soulever cet aspect car effectivement on ne peut pas échapper à une rigueur, une préparation, des plans. On ne peut pas faire ce que l’on « veut » comme cela d’autant plus que Germolles est classé aux Monuments historiques. Mais en fait, dans notre cas, ici, ce que l’on veut est assez proche de ce que voudraient les Monuments historiques. Mais il faut planifier les travaux, les opérations, car l’argent ne tombe pas du ciel. Il faut aussi planifier longtemps à l’avance car il faut passer par un architecte en chef des monuments historiques qui commence par faire une étude préliminaire. Elle est suivie d’une étude préalable qui a pour but de dégrossir ce que l’on va faire, dans quel ordre, combien ça va coûter… Et seulement on peut en arriver aux travaux proprement dits. Ce sont ces phases de préparations qui permettent de faire des choix. Par exemple, nous voulions faire des travaux sur la chapelle haute et les tours, mais on a été obligé de faire cela en deux tranches, d’abord la chapelle haute que vous avez pu visiter et maintenant on va commencer les tours, du moins j’espère que l’on va pouvoir commencer l’année prochaine…

La chapelle haute avec sa couverture

La chapelle haute avec sa couverture

Alors, parlons justement de cette chapelle haute puisque les visiteurs peuvent la découvrir autre que ce que j’avais vu il y a une dizaine d’années…

On avait beaucoup travaillé sur ce château. On a pu donner à l’architecte des documents qui permettaient de comprendre comment il était avant certaines destructions, dont celle qui a laissé cette chapelle du haut sans couverture et sans lien avec le reste du château – incendie au dix-neuvième siècle – ce qui a été capital pour faire les choix de restauration.

Cette chapelle haute était au premier étage et à l’époque il y avait un deuxième étage. Nous ne voulions pas rétablir entièrement tout ce qui avait disparu, mais seulement trouver une solution pour rendre à cette chapelle son aspect d’antan. On pouvait restituer la voute en bois, ce que l’on a fait. Les enjeux n’étaient pas considérables car on savait que la voute était en bois et on connaissait sa forme. Mais la question qui demeurait était de savoir comment faire à l’extérieur… Il fallait protéger le bois sans tout reconstruire. Avec l’architecte, on a décidé de mettre du cuivre. Tout d’abord parce que c’est un métal noble, mais aussi parce que une matière pérenne qui protège bien ; enfin, cela permettait d’avoir un toit dont immédiatement on détectait que ce n’était pas un toit du Moyen-âge tout en respectant une époque puisque le toit en métal existait bien, comme pour les cathédrales de Beauvais et Châlons en Champagne par exemple. Cela a permis de restaurer sans faire du faux, seulement du différent qui protège mieux l’authentique. Et c’est ce que l’on va faire maintenant avec les tours à l’entrée du château.

Le nouveau plafond de la chapelle haute

Le nouveau plafond de la chapelle haute

On comprend bien l’ampleur des travaux commencés et en cours, l’envie de redonner de la vie cette demeure, mais qu’en est-il du public ? Est-il au rendez-vous ?

En 2011, nous avons eu plus de 8500 visiteurs. C’est à la fois bien puisque nous sommes partis il y a six ans de 2200. 2011 est donc notre record d’affluence, mais c’est en même temps très peu si on regarde l’intérêt du lieu. Germolles est le seul palais des ducs de Bourgogne existant encore, il reste encore de très nombreux éléments très significatifs ce qui en fait, en France, l’un des rares palais princiers moyenâgeux restant en aussi bon état. Le seul problème, c’est que comme c’est une exception, comme les gens connaissent bien les châteaux forts qui eux en France sont assez nombreux, quand ils visitent Germolles, ils ont du mal à imaginer qu’il s’agit d’un palais du Moyen-âge. A la limite, ils préfèrent visiter un château fort banal, avec des tours, plutôt que de venir à Germolles. Bizarrement, la rareté extrême du lieu le dessert… Par contre, ceux qui viennent en sortent enthousiastes, on a même du mal à les faire sortir…

Matthieu Pinette au travail

Matthieu Pinette au travail

Est-ce que vous avez des visites de classes, des projets avec des établissements scolaires de la région ?

J’avais encore une classe ce matin même. Nous avons de très nombreuses classes de Saône-et-Loire, mais aussi d’ailleurs. Ce matin, c’était une classe de Côte d’Or. Nous avons beaucoup de classes de cinquième en particulier car c’est le niveau où l’on étudie le Moyen-âge, en histoire mais aussi en français avec le texte de Chrétien de Troyes. Mais comme nul n’est prophète dans son pays, il est intéressant de noter que les seules classes qui ne viennent jamais au château sont celle de notre commune…

Le printemps dans le parc

Le printemps dans le parc

Venons-en à votre animation, Un air de Moyen-âge, qui va donner un air de fête à votre château, même s’il ne s’agit pas d’une fête moyenâgeuse comme cela existe ailleurs. Vous avez voulu faire quelque chose de culturel, de littéraire, d’original…

Yvain n'est pas encore là...

Yvain n'est pas encore là...

Depuis six ans nous organisons des activités culturelles, conférences souvent de haut niveau. Mais on a décidé de faire sur un weekend, une animation plus festive, une évocation du Moyen-âge un peu plus légère. Cette année, pour notre troisième édition, nous nous sommes appuyés sur le texte de Chrétien de Troyes, Yvain le chevalier au lion. Donc le samedi 12 mai, l’évocation sera pédagogique et didactique, car il y aura la lecture entière, intégrale du texte. Une vingtaine de lecteurs et lectrices vont réaliser ce temps fort. Le texte n’est pas très long, il faut compter environ trois heures. Les gens vont pouvoir venir de façon libre, certains resteront en continu, d’autres pourront venir beaucoup moins de temps. Ce sera l’après-midi, s’il fait beau, dans le parc du château, s’il pleut dans une des salles en fonction du monde… A chaque fois, on a pensé au confort du spectateur car c’est important de pouvoir écouter trois heures de lecture dans de bonnes conditions. La lecture se fera dans un français respectueux du texte original mais accessible à tous. Le même après-midi, deux conférences auront lieu pour le public qui veut aller un peu plus loin. Une évoquera Yvain, Chrétien de Troyes et introduira cette lecture et ce texte particulier. La seconde, elle parlera des représentations d’Yvain avec bien sûr en vedette, une sculpture que l’on trouve dans le château de Germolles. Enfin, le soir, aura lieu à 20h00 un concert par un ensemble, Astéria. On ne les voit pas souvent car ils vivent à New York. Il s’agit d’Ylvia Rhyne, chanteuse, et Eric Redlinger, luthiste et chanteur. Ils chantent le répertoire musical de la cour des ducs de Bourgogne et c’est une évidence de les entendre dans ce palais de Germolles. Cette fois-ci, ce sera de la musique héroïque, une musique rare mais prenante. Il est impératif de réserver pour ce concert.

La chapelle où priait Marguerite de Flandre

La chapelle où priait Marguerite de Flandre

Merci Matthieu Pinette de nous avoir accompagnés ces quelques minutes et nous espérons que cet air de Moyen-âge va attirer du monde pour récompenser vos efforts. Encore bravo pour ce que vous faites de cette demeure importante de notre histoire bourguignonne…

Pour en savoir plus :

samedi 12 mai 2012
Ce nouveau rendez-vous entend aborder l’œuvre de Chrétien de Troyes de façon « didactique ». La lecture intégrale du roman et deux conférences permettront de faire connaissance avec ce texte majeur. Un concert viendra clore la journée, comme pour restituer au roman son atmosphère musicale.
14h30 : lecture in extenso du roman de Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au Lion, par une dizaine de lecteurs sous la houlette d’Anne Prost-Cossio, comédienne.
15h30 : Yvain peint et sculpté : représentations du héros de Chrétien de Troyes, par Matthieu Pinette, conservateur en chef du patrimoine.
17h30 : Yvain ou le Chevalier au Lion : un roman aux origines, par Patrick Huet, professeur de Lettres modernes, Lyon.
20h00 : concert Le corps s’en va mais le cœur vous demeure. La chanson chevaleresque à la fin du Moyen Âge, par Sylvia Rhyne et Eric Redlinger, ensemble Astéria.

http://www.chateaudegermolles.fr

Magnifique restauration d'une tour

Magnifique restauration d'une tour

Le lancement de l’année Pierre Benoît

Un jeune académicien français

Un jeune académicien français

Pierre Benoît est un romancier français qui est né en 1886 et qui est mort en 1962, il y a exactement cinquante ans. Cet écrivain qui fut l’un des plus lus de son vivant au vingtième siècle méritait un hommage particulier. Au cœur des célébrations multiples que seule la France sait créer, les éditions Albin Michel ont décidé de donner un lustre particulier à un cinquantenaire qui aurait pu passer inaperçu. Quoi de plus normal qu’une si grande maison d’éditions joue ce rôle moteur, elle qui a su éditer tous les romans de Pierre Benoît à l’exception d’un seul, le premier, Koenigsmark ? Il était d’autant plus normal de la retrouver à l’investigation de la fête que Francis Esménard, petit fils d’Albin Michel, président des éditions du même nom, a lui-même connu Pierre Benoît lors de ses vingt-cinq dernières années…

L’hommage d’un éditeur

L’année 2012 sera donc bien l’année Pierre Benoît ! Comment un éditeur peut rendre plus présent un auteur alors que ses œuvres sont entrées doucement dans l’oubli ou la désuétude apparente ? Probablement, en rééditant quelques-uns de ces romans pour inviter des jeunes lecteurs à les découvrir. Mais quand un romancier a signé quarante-deux romans, par où fallait-il commencer ce travail de dépoussiérage, de réhabilitation, de mise en lumière ? Certes, on peut comprendre que l’éditeur ne pouvait pas matériellement tous les choisir ! Il fallait faire un choix et c’est ainsi que trois textes sont restés sur la table d’Albin Michel : Mademoiselle de la Ferté, Axelle et la Châtelaine du Liban. J’entends déjà les experts hurler en meute… Comment ? Mais pourquoi n’avoir pas choisi L’Atlantide, Le roi lépreux, L’île verte, Le puits de Jacob ? Tout simplement parce que trois titres seront, eux, réédités par Le livre de poche, avec leurs couvertures initiales : Kœnigsmark – mais qui ne pouvaient être choisis par Albin Michel – qu’accompagneront L’Atlantide et Le Roi lépreux.

Quelques souvenirs...

Quelques souvenirs...

Pour les trois ouvrages choisis par Albin Michel, on a demandé à Floc’h, dessinateur de bandes dessinées, de réaliser trois couvertures avec une illustration comme lui-seul sait les scénariser. Pour un peu, on en oublierait presque les couvertures jaunes qui ont accompagné tant de lecteurs de ma génération, ces couvertures que l’on repérait chez les bouquinistes et qui nous ont permis de découvrir un romancier qui était déjà décédé quand nous avons eu ses romans en main…

Trois personnalités du monde des lettres pour préfacer ce grand romancier

9782226240033FSRestait à trouver des noms pour écrire les préfaces ? Trois écrivains s’y sont collés avec, à mon avis, des résultats de qualité différente. Je commencerai par citer Eric-Emmanuel Schmitt qui a placé, tout de suite la barre très haut avec Mademoiselle de la Ferté. J’adore sa préface, en particulier le début, à tel point que je ne peux pas résister de vous en citer quelques lignes :

«J’aime beaucoup la femme qu’il était. Ou plutôt les nombreuses femmes qu’il fut. Car Pierre Benoît, ce colosse sans cou aux épaules carrées, contenait dans sa carcasse d’aventurier, derrière ses traits épais, sous ses costumes taillés pour un grand bourgeois cossu, de multiples créatures, des vamps fatales, des vierges exaltées, des meurtrières bourgeoises, des intrigantes, des naïves, de pitoyables ou farouches abandonnées. Il n’avait pas un harem. Il était un harem. »

9782226240019FSLe second à poser ses mots non loin de ceux de pierre benoît fut Frédéric Vitoux. Ce que j’ai aimé chez lui c’est qu’il se pose la question qui m’habite depuis que quelque lectrice amie d’un site de critique est venue susurrer  à mon oreille cette question surprenante : et si tu reprenais le temps de te plonger dans un roman de Pierre Benoît ? Comme le dis très bien Vitoux, pourquoi rouvrir ces romans qui ne sont pas les mieux écrits du vingtième siècle et qui, pourtant, nous ont enchantés dans notre adolescence ? N’y a-t-il pas le risque d’être déçu ? La conclusion est à la hauteur de ce que je pense :

« On est heureux. On a la nuit devant soi. Ils ne sont pas si communs les livres qui ont le privilège de nous rendre heureux ! »

9782226240026FSReste la troisième préface, celle qui m’a le moins touché, celle d’Amélie Nothomb. Pourtant, aucun a priori contre elle de ma part, non, juste de la déception. Mais je n’insisterai pas car c’est tout simplement parce qu’elle n’a pas eu la chance de bercer son adolescence avec ces romans de Pierre benoît. C’est un peu comme si elle avait lu La Châtelaine du Liban comme un archéologue découvre une pièce rare tandis que nous la lisons comme un homme qui retrouve sa boite à secrets dans un grenier… La première trouve une belle œuvre qui a survécu au temps – « Je souhaite aux autres vivants d’avoir un jour d’aussi belles rides » – tandis que nous nous revoyions dans notre force de l’âge en train de fantasmer sur une certaine Athelstane…

Une soirée de lancement à Paris

Les couvertures que nous connaissons bien

Les couvertures que nous connaissons bien

C’est un peu par hasard que je me suis retrouvé assis dans une petite salle pleine de monde au cœur du Centre National du Livre. En effet, c’est là, dans une des Mecque du livre, que nous étions invités à une grande et belle évocation de Pierre Benoît.

C’est ainsi qu’en l’espace de deux heures nous avons pu entendre Francis Esménard, actuel président des éditions Albin Michel, puis Michel fils de Marcelle, la femme bien aimée de Pierre, qui a pris la parole à 82 ans pour évoquer quelques instants tendres de celui qui avait été auprès de sa mère durant les vingt dernières années de sa vie. Ce furent les deux témoins de la vie de Pierre Benoît et j’avoue avoir apprécié d’être ainsi confronté à des vraies images de l’auteur…

9782226240156FSEnsuite, il y eut un peu de regard biographique avec Gérard de Cortanze, auteur d’une importante biographie de Pierre Benoît, Le romancier paradoxal. On a pu ainsi comprendre le rôle de la maman, l’envie de Pierre de toujours écrire et mettre en scène sa vie, les erreurs qui ont été faite sur ses idées parce que l’on ne prenait pas le temps de remettre le personnage dans son époque, enfin, une bonne explication de ce que fut pour lui les semaines passées en prison lors de l’épuration, moment que Pierre Benoît supporta comme la plus grosse injustice qui pouvait lui être faite.

Enfin, ce fut une discussion plus ouverte avec François Taillandier et Bruno de Cessole. Peut-être un peu moins dense, elle permet néanmoins quelques beaux échanges entre tous les participants de la soirée quand il fut question des femmes héroïnes des romans de Pierre Benoît. Ces femmes poussaient-elles à l’abstinence ou à l’appétence ? On a alors bien senti que certains lecteurs avaient lu ces romans comme les préfaciers dont nous parlions plus haut. Oui, tous ceux qui adolescents ont rêvé en compagnie d’Axelle, Alberte, Antinéa… rejettent définitivement les mots d’abstinence tout en ayant bien compris que suivre certaines femmes chez Pierre Benoît n’assurent pas le bonheur paisible au coin du feu…

En conclusion, j’ai passé une très belle soirée en compagnie d’une foule assez importante compte tenu de la nature du thème de la rencontre. La moyenne d’âge, sans faire offense aux personnes présentes, était assez élevée et du coup on peut s’interroger sur la possibilité de ces rééditions de trouver de nouveaux lecteurs. Mais, cela, c’est l’avenir qui nous le dira…

Rencontre avec Stephen Desberg (janvier 2011)

Stephen Desberg

Stephen Desberg

Stephen Desberg est un auteur belge de bédé qui a démarré sa carrière dans le Journal de Tintin, pas étonnant pour un des artistes de la bande dessinée franco-belge. Il était à Angoulême en janvier 2011 pour le lancement de la série Sherman série qu’il scénarise pour le dessinateur Griffo. La série restant d’actualité, nous avons décidé de vous présenter cet entretien pourtant déjà ancien…

COUV IRS 1Shelton : Quand on suit vos parutions, nombreuses au demeurant, on se demande comment le scénariste fait pour suivre toutes ses histoires sans se mélanger les crayons…

Stephen Desberg : En fait certaines histoires sont déjà écrites depuis longtemps et ce sont les dessinateurs qui terminent les albums au fur et à mesure. Sherman, par exemple, je l’ai écrit d’une traite. Les six albums à la suite. C’est tout un univers particulier et cela permet d’être concentré sur tous les aspects, tous les détails de la série. Pour les personnages et leurs caractères, cela permet de ne pas perdre le fil de ce que l’on veut raconter, de rester cohérent et crédible. Si je mélange les séries, Scorpion, IRS ou Sherman, il y a le risque de me perdre et d’égarer par là même le lecteur. J’essaie de plus en plus quand j’entame un projet de le terminer ou du moins d’aller assez loin pour ne pas avoir de soucis dans la suite de l’écriture. Mais pour un projet comme Sherman, il valait mieux écrire les six albums en une seule fois.

COUV IRS All watcherShelton : Quand on vu sortir en librairie la série IRS All watcher, on s’est demandé s’il s’agissait seulement d’une opération financière. Pourquoi avoir voulu décliner cette série IRS ?

Dessin de Vrancken

Dessin de Vrancken

Stephen Desberg : Dans IRS, la série principale, il y a des choses que je ne peux pas faire. Je ne peux pas mettre Larry sur le côté pour qu’il ne soit qu’un des personnages de la série parmi les autres. Donc tout part de mes envies et de ma passion pour le feuilleton à l’américaine. Dans IRS All watcher, je voulais faire une série limitée, qui raconte une histoire complète, avec toute une série de personnages que je voulais développer progressivement. Larry n’est qu’un de ces personnages, ce qui n’aurait pas été possible dans la série principale. Cela permet aussi de construire le scénario autrement, de faire dessiner les albums par des dessinateurs différents et j’espère que le plaisir que nous avons eu touchera aussi les lecteurs.

[La série IRS All watcher comporte sept albums différents, tous sortis, dessinés par quatre dessinateurs, Bourgne, Queireix, Mutti et Koller]

sherman1
Shelton : Venons-en maintenant à cette série Sherman. La première planche du premier album pourrait presque être la dernière planche d’une histoire, l’aboutissement d’un rêve : un homme que l’on ne connaît pas encore est sur le point de voir son fils devenir président des Etats-Unis…

sherman-t1-05Stephen Desberg : La première intention était de traverser la deuxième moitié du vingtième siècle avec un même personnage. Un personnage principal serait connu avant la guerre, puis on le verrait traverser la guerre et on le retrouverait après ce conflit. Cet objectif m’a amené à travailler sur les années trente qui me passionnent beaucoup, sur la crise financière, sur la montée du nazisme et c’est ainsi que je me suis intéressé à l’implication des financiers américains dans la machine de guerre allemande. Je trouvais que c’était un angle d’attaque original et captivant. Une idée menant à une autre, mon récit s’est construit petit à petit, et j’ai choisi un aspect polar pour faire entrer le lecteur dans du concret même quand les évènements peuvent être complexes. Un personnage, Sherman, va occuper le devant de la scène de l’histoire mais on comprend rapidement qu’il cache quelques secrets, qu’il n’est pas lisse, et c’est ce qui va motiver le lecteur dans sa recherche de la vérité. Le lecteur va au bout de sa lecture pour savoir, comprendre, connaître Sherman dans sa vérité absolue. Dès le départ, on va assassiner son fils, lui dire qu’on va le ruiner et faire disparaître sa fille, et reste alors six albums et cinquante ans d’histoire pour comprendre qui peut lui en vouloir autant et pourquoi, pour découvrir ce qu’il a pu faire pour mériter une telle vengeance. Nous sommes dans du polar sans aucun doute !

Shelton : Et comme dans ce type d’histoire, vous passez votre temps à semer des fausses pistes, des indices foireux, des anecdotes sans importance dans l’histoire. Vous jouez avec le lecteur…

sherman-4Stephen Desberg : C’est le plaisir de cette écriture, facilitée d’ailleurs par le fait de travailler sur les six albums d’un coup. Je sais où je veux en venir, je pose mes jalons et le lecteur ne sait pas ce qui aura de l’importance ou pas. Il doit tout lire, tout absorber et on l’entendra parfois dire « Ah, oui, c’était donc ça ! ». En plus Sherman, ce n’est pas l’histoire que d’un personnage mais de toute sa famille. Donc, il fallait mettre tous les éléments pour que chaque personnage, chaque destin, soit crédible ! D’où les nombreuses tranches de vie, comme dans une saga familiale.

Shelton : Pourquoi, comment avez-vous choisi Griffo pour dessiner Sherman ?

Planche d'Empire USA par Griffo

Planche d'Empire USA par Griffo

Stephen Desberg : On se connaissait depuis longtemps et on se rencontrait souvent en se disant que l’on allait travailler ensemble… Nous avons eu cette opportunité pour la série Empire USA. Il a dessiné le premier album, celui qui a donné le ton pour les autres dessinateurs. Puis, comme un des dessinateurs prévus a eu un souci, il a pris le relais et en a dessiné un second. C’est aussi lui qui a fait un gros travail sur les couvertures de la série et donc fort de cette expérience commune je m’étais fait la réflexion qu’un projet comme Empire USA aurait pu être entièrement assumé par lui. Lui, seul, j’entends, car il travaille vite et bien. J’avais donc cette idée de faire un projet sur six albums avec lui ce qui donne en plus de la cohérence de l’histoire, un ensemble graphique de bonne tenue et plus personnelle. Rester  plus qu’à accorder nos agendas, attendre que nous soyons tous les deux libres, ce qui a fini par arriver.

Shelton : Mais le projet lui convenait-il ?

Stephen Desberg : Le projet que j’avais en tête résonnait chez lui qui n’avait encore jamais dessiné cette époque. Je ne peux pas dire que j’ai été surpris en voyant arriver ses premières planches – je connaissais déjà bien son travail – mais j’ai été un peu bluffé. Si moi j’ai écrit d’une seule traite, il faut savoir que Griffo a fait la même chose pour son story-board, ce qui assure une cohérence, une unité graphique de qualité. J’ai pu lire les six albums à la suite ce qui est réellement exceptionnel et formidable pour un scénariste. Cette ébauche est d’une telle qualité que je suis certain quand les six albums seront sortis que nous publierons une intégrale de l’histoire avec en bonus le story-board de Griffo. Sa spontanéité est tout simplement admirable. Ce qui m’a ravi aussi est de voir son implication dans l’histoire, réaliser comme il sentait bien les personnages… dans le sixième album, sans trahir le suspense, il y a une scène émotionnelle forte et j’avoue avoir été totalement touché, bouleversé alors que c’est ma propre histoire. Je trouve que c’est un dessinateur qui rend très bien les expressions, les sentiments des personnages et c’est très important pour le lecteur. Certes les mises en scènes, les atmosphères, les décors, tout cela est important mais si les personnages ne véhiculent pas les intentions du scénario dans les regards, les attitudes alors cela ne peut pas fonctionner. Avec Griffo ça fonctionne parfaitement !

Hommage de Desberg à Griffo son dessinateur !

Hommage de Desberg à Griffo son dessinateur !

Alors il ne vous reste plus qu’à plonger dans cette série Sherman dont cinq albums sont déjà sortis en librairie.