Chalon dans la rue : Fertile des Metalovoice

Les Metalovoice, un nom qui fait rêver certains Chalonnais, j’en fais partie et je ne m’en cache pas ! Chaque fois que je suis allé à un de leurs spectacles, je suis sorti bouleversé, secoué, retourné, perplexe, convaincu, admiratif, envieux même d’une certaine façon.

Bouleversé car ces spectacles, et le dernier n’échappe pas à cette règle, nous prennent aux tripes, nous attrapent au plus profond de nous, ne nous laissent aucun échappatoire, nous ramène au cœur des problématiques humaines. Quand nous étions jeunes, nous pensions seulement à : quand est-ce qu’on mange, où on dort, qui paye… certes, c’est un peu schématique mais pas loin de la réalité. Avec les Metalovoice, les questions sont plus profondes mais plus tenaces : d’où venons-nous, avec qui cheminons-nous, où allons-nous, sommes-nous libres, pourquoi travailler, qu’allons-nous devenir demain, dans un an, beaucoup plus tard, pourquoi les autres… Oui, on peut appeler cela les questions existentielles, philosophiques, métaphysiques… Choisissez votre mot, avec les Metalovoice, on est libre. Libre d’aimer ou pas le spectacle, libre de la comprendre d’une façon ou d’une autre, après tout, c’est ça la vie. Nous sommes différents, sur une même planète, nous la traversons ensemble…

Convaincu ? Oui, convaincu d’être en face d’une troupe qui ne se contente pas de jouer un petit spectacle écrit à la va vite sur un coin de table… Ici, on sent la profondeur d’une écriture qui a dû prendre son temps. On est là avec un spectacle qui dit peu – certains le trouveraient presque taiseux – mais qui dit beaucoup car quelques gestes, quelques notes et quelques objets peuvent en dire plus que de longues phrases…

Envieux ? Oui, je me suis souvent dit en sortant d’un spectacle des Metalovoice que c’était exactement le type de spectacles que j’aurais aimé écrire ! Mais, voilà, pour cela il faut avoir leur histoire, leur richesse, leur talent… et ce n’est pas le cas !

Fertiles, leur dernier spectacle, celui que j’ai pu voir vendredi matin en plein soleil – oui, il n’y a pas eu que des grèves, de l’orage et de la pluie durent ce festival 2014 – m’a enchanté et ravi. Il y a du mouvement, de la surprise, de la musique, des percussions sauvages et débridées, des hommes et une femme, des messages forts, de l’émotion et surtout un regard lucide sur notre monde, notre société, notre avenir… Oui, il faut maintenant agir avant qu’il ne soit trop tard ! Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Non !!! Il n’est jamais trop tard pour entrer en résistance, pour créer des liens, pour refaire une communauté solidaire… A vous de choisir !

Dit comme cela, on peut avoir peur d’un spectacle politicien, d’un texte de propagande, d’un spectacle du in d’Avignon… Euh, non, là c’était pour rire ! En fait, c’est juste un beau spectacle d’environ une heure que vous devriez aller voir d’autant plus que la compagnie devrait jouer demain dimanche si le temps le permet…

Chalon dans la rue : les intermittents en colère, le public solidaire !

Grosse manifestation dans Chalon avec artistes, techniciens et public. La culture est en danger et ils veulent la défendre ! Du coup journée avec très peu de spectacles, mais sous le soleil la bonne humeur règne encore…Mais, comme toujours il faut savoir arrêter le mouvement de grève (oui, il s’agit bien d’une grève des spectacles) avant que le lien entre public et artistes ne casse…En attendant, jouez à trouver où est Charlie… ;) Heureusement, dans une manifestation d’artistes, il y a des artistes… Un véritable spectacle !

Chalon dans la rue : Opéra Mobile !

Imaginez que vous arriviez sur une place de Chalon et que vous assistiez à une vente aux enchères d’esclaves ! Oui, je dis bien vente de deux femmes réputées esclaves ! Cela peut surprendre d’autant plus que pour attirer l’attention et exciter l’envie des acheteurs potentiels, les deux femmes se livrent à un combat lyrique assez étonnant…

Heureusement, vous êtes à Chalon dans la rue, le grand festival des arts de la rue et cette vente inhumaine n’est qu’un leurre pour faire écouter au plus large public un art parfois trop enfermé dans les grandes salles obscures, un art élitiste et distant, un art oublié à l’école et dans bien des familles…

Pourtant, mercredi après-midi, lors de la répétition générale, les enfants de deux centres de loisir étaient là et une de mes petite voisine m’a dit à la fin du spectacle : J’ai adoré ! Oui, une petite fille de 9 ans, probablement jamais mise en contact avec les grandes voix et les airs les plus célèbres de l’opéra, venait de tomber sous le charme de deux artistes lyriques et d’une accordéoniste…

Alors que j’étais un peu réticent sur la qualité narrative du spectacle pensant que tout n’avait pas été assez travaillé, cette fille venait de m’ouvrir sur une réalité : l’art lyrique est accessible à tous à condition de mettre en contact artistes et spectateurs, ce qu’a remarquablement fait la compagnie du Théâtre Frenesi de Suisse avec son spectacle Opéra Mobile !

Comme cette initiation aux grands airs de l’opéra ne dure qu’une demi-heure, il est grand temps, non seulement d’y aller, mais aussi d’y emmener toute la famille !

Ces trois artistes vont se produire jeudi, vendredi, samedi et dimanche, à Chalon :

Jeudi 24 juillet 2014

11h Place de du Théâtre – PASTILLE 43
14h Place du Cloître – PASTILLE 39

Vendredi 25 juillet 2014

10h15 Place du Cloître – PASTILLE 39
14h Place du Cloître – PASTILLE 39

Samedi 26 juillet 2014

11h Place de du Théâtre – PASTILLE 43
14h Place du Cloître – PASTILLE 39

Dimanche 27 juillet 2014

14h Place du Cloître – PASTILLE 39

Chalon dans la rue : Igor Hagard, véritable sacre ferrovière…

Dès mercredi après-midi – en fait le premier spectacle du festival avait lieu à 11h – le festival Chalon dans la rue proposait des spectacles et des répétitions générales. De nombreux chalonnais et festivaliers en ont profité et c’est ainsi que j’ai pu aller à la gare écouter Igor Hagard de Pierre Sauvageot.

En 1913, le 29 mai pour être précis, un nombreux public parisien se précipite pour écouter et voir le nouveau ballet d’Igor Stravinsky. L’argument est simple, la célébration de l’arrivée du printemps par des primitifs qui immolent une jeune vierge au soleil… La soirée ne fut pas de tout repos pour le compositeur, pour l’orchestre, pour les danseurs… Michel Winock raconte très bien cela dans son ouvrage Les derniers feux de la Belle Epoque, chronique culturelle d’une avant-guerre, 1913-1914, et comme l’été c’est fait pour lire, à vous d’en profiter !

Mais vous entrerez encore plus dans ce récit si vous allez au spectacle Igor Hagard – spectacle avec billetterie – une symphonie moderne, calquée sur la partition de Stravinsky, mais exécutée de façon originale et en lien avec le chemin de fer, le voyage, le métal…

J’avoue avoir passé, malgré un soleil qui me cuisait à feu vif, un moment magique. Certes, je fais partie des amateurs de musique contemporaine, mais là j’ai trouvé que nous avions une proposition pour aller au-delà de la musique, dans un ballet imaginaire incroyable et surprenant…

Deux remarques entendues dans le public m’ont confirmé dans la réussite de ce projet. D’une part, une jeune fille qui disait à son amie : « c’est bizarre, chaque fois j’étais emportée dans mes rêves, dans mes pensées. J’essayais de résister et je repartais. » Pourquoi résister ma grande, la musique est une invitation au grand départ et il faut se lasser prendre !

Une autre disait à son mari : «  Rien à voir avec le Sacre du printemps de Stravinsky ! » comme ce public de 1913 qui disait avec colère : « Rien à voir avec de la musique ! » Oui, cette dame me donnait la certitude par sa critique que le travail de Pierre Sauvageot, compositeur atypique et surprenant qui a décidé de mettre la musique dans l’espace public pour qu’elle ne dessèche ni ne meure dans les salles obscures de concerts, est réussi et qu’il a donné une sorte de prolongement au Sacre du Printemps après un siècle passé. Merci !

Quant à vous, irez-vous grossir la liste de ces farfelus qui sont là sur leur transats avec leurs casques en train de voyager de façon immobile ?

Chalon dans la rue sous haute tension…

Le festival transnational des arts de la rue de Chalon-sur-Saône – on dit généralement Chalon dans la rue – a commencé hier soir, mercredi 23 juillet 2014. Je dis bien commencé et non comme d’habitude a été ouvert officiellement car la cérémonie d’ouverture a été quelque peu chahutée par les intermittents du spectacle… à tel point que le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, n’a pu prendre la parole muselé par les techniciens et artistes en colère !

Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône, et Pedro Garcia, directeur du festival Chalon dans la rue

La grève a été votée lors d’une assemblée générale – 75% se sont exprimés pour la grève lors de la première journée du festival, journée du jeudi – ce qui d’ailleurs ne signifie pas une absence totale de spectacle mais plutôt une incertitude réelle avec des annulations, des spectacles coupés, des extraits… Grande tristesse pour le public, mais aussi pour les compagnies et artistes…

 

Le public ? Hier, durant l’inauguration houleuse, j’étais à côté d’une famille – papa, maman, deux enfants adolescents – qui venaient de Lille et qui participaient à ce festival pour la première fois. Ils ont pris un gite, ils sont venus dès samedi dernier pour prendre la mesure de la ville, visiter les richesses locales, déguster le vin célèbre de la côte chalonnaise… Ce sont leurs vacances qui sont en jeu ! Ils sont là en train de se dire et s’il n’y a pas de spectacle, qu’est-ce que l’on va bien pouvoir faire ? Et ils ne sont pas les seuls… tandis que les chalonnais comme moi peuvent au moins rentrer chez eux prendre un livre et lire…

Mais si cette famille festivalière est inquiète – on peut le comprendre – les intermittents du spectacle ont le sentiment d’être abandonnés, pas l’espace d’un festival, mais pour le restant de leur vie. Je ne veux pas traiter ici de tout ce dossier complexe des intermittents ni de toutes les difficultés de tous les précaires du monde du travail car ce dossier concerne aussi les intérimaires de toute nature comme ils le disent lors de leurs interventions publiques.

 

Pour ceux qui ne connaissent pas le dossier, pour ceux qui sont persuadés que les intermittents sont des fainéants qui encaissent de l’argent toute l’année sans travailler, pour ceux qui prétendent que ce sont les intermittents qui creusent le trou des caisses de chômage, je voudrais raconter une petite histoire vraie d’une modeste troupe de marionnettistes… Il était une fois, une grande ville qui organisait une semaine spéciale marionnettes. Elle chercha les troupes professionnelles spécialisées dans cet art narratif et trouva sans trop de difficultés la troupe en question. Elle lui demanda, que dis-je, lui commanda, une création pour une date donnée. Il fallait une création, donc pour cela elle mit en place une semaine de résidence. Une résidence est une période où la troupe vient travailler sur place et pendant laquelle tous les intermittents présents et indispensables à la création sont payés. Une semaine de travail et une création, où est le problème me direz-vous ?

En fait, la ville paye « royalement » une semaine de travail mais la création a duré plus, beaucoup plus que cela, et sans financement. Car nos intermittents ont écrit le texte de la pièce avant d’arriver, ce qui signifie : une idée transformée en texte – un peu comme un conte – par une personne de la troupe. Le texte est corrigé, puis donné aux autres membres de la troupe qui font des remarques, proposent des amendements, jusqu’au moment où le texte convient à tous. A partir de ce moment-là, l’auteure qui est aussi la scénographe, dessine des planches d’illustrations pour donner un cadre, une consistance, une chaire, une incarnation à cette histoire. C’est là que va commencer la semaine de résidence : découpage du texte, réalisation des marionnettes et décors, manipulation des marionnettes, répétition du spectacle avec lumière, son… Une semaine n’a pas suffi pour cela. Il fallut enchainer encore quatre jours et tout cela sans aucune journée de pose mais sans être payé plus, la résidence n’était que d’une semaine… Et, enfin, le spectacle fut joué dans cette semaine entièrement consacrée à la marionnette ! Le régime des intermittents du spectacle c’est cela : pour un jour travaillé et payé – généralement sur les bases du salaire minimal, ne rêvez pas – il faut presque en compter deux travaillés et non payés ! Donc, contrairement à certaines affirmations ou idées reçues, l’intermittent travaille en fait beaucoup plus que d’autres et le régime spécial permet de corriger quelque peu ce qui est parfois une injustice… Mais le public n’y pense pas toujours – encore qu’hier lors de cette cérémonie de non ouverture il y avait de très nombreux spectateurs solidaires – et les commanditaires de spectacles – je pense là en particulier à certaines collectivités territoriales – ne cherchent qu’à payer au moins cher les spectacles les plus aboutis, les plus spectaculaires, les plus originaux…

 

Mais, peut-être que certains préfèreraient une société, une vie sans spectacle, sans artiste ? Pas moi ! Je suis de ceux qui seront là pour guetter toute la journée les spectacles joués, qui soutiendront les artistes, qui pousseront les pouvoirs publics à trouver une solution juste et équitable avec tous ces travailleurs qui ne peuvent pas travailler en continu mais qui ont pour autant le droit de vivre décemment !

Répétition générale d’Opéra Mobile

Je ne dis pas pour autant qu’il n’y a pas quelques abus. Oui, certains, en particulier des grosses entreprises médiatiques, ont utilisé le régime des intermittents du spectacle pour financer ce qu’elles auraient dû prendre en charge, mais, à ce que je sache, quand un conducteur dépasse la vitesse autorisé sur une route, est-ce que l’on ferme la route, est-ce que l’on interdit à tous les conducteurs de rouler ? Il est donc urgent de reprendre ce dossier en toute honnêteté, il n’est jamais trop tard, mais il faut le faire dans le respect de tous !

 

En attendant, bon festival à tous, y compris à toutes ces compagnies qui ne roulent pas sur l’or et qui sont venues présenter le travail de ces « maudits intermittents » à un public qui n’attend que cela et aux commanditaires qui viennent là faire leur marché…

 

Que le spectacle continue ! Show must go on !

Estivales de Brou… je vous y donne rendez-vous !

C’est en 1989 que sont nées les Estivales de Brou. Au départ, un simple partenariat franco-suisse pour valoriser les jeunes chanteurs, puis à partir de 1996, un véritable festival pour mettre en valeur le chant lyrique. Depuis, c’est devenu un rendez-vous essentiel de notre région pour tous ceux qui aiment le chant lyrique – sous toutes ses formes – ou qui acceptent de le découvrir l’espace d’une soirée…

 

Depuis plusieurs années, je choisis un spectacle avec une de mes filles – celle qui adore le chant lyrique, bien sûr – et nous allons du côté de Brou pour oublier la vie quotidienne et ses aléas, pour rêver portés par des voix exceptionnelles, pour découvrir des œuvres oubliées, pour passer un bon moment, tout simplement…

Cette année, nous avons choisi l’opérette viennoise La chauve-Souris, de Johann Strauss. Johann Strauss ? Mais lequel ? Le fils, celui que l’on nomme Johann Strauss II. De cette grande famille de compositeurs viennois – le père et ses deux oncles sont aussi compositeurs – il est indiscutablement le plus célèbre et, probablement, le meilleur. On lui doit, entre autres, Le beau Danube bleu (valse), Une nuit à Venise (opérette) et Cendrillon (ballet). Les estivales de Brou ont décidé de renouer avec l’opérette cette année et c’est La Chauve-Souris qui a été présentée deux fois devant un public dense et attentif, parfois même emballé et réactif…

Je ne vais pas vous résumer en détail l’intrigue de cette opérette. Comme toujours dans ce type d’œuvre, les histoires ne sont pas extraordinaires, le suspense est très limité mais reconnaissons qu’elle est bien à la hauteur de nombreuses œuvres d’Offenbach, le grand maitre dans ce domaine. On dit d’ailleurs que c’est Offenbach lui-même qui aurait conseillé à Strauss de se mettre à l’opérette…

 

La trame est simple : un bourgeois quelque peu volage et superficiel est victime d’une blague d’un de ses amis qui se venge d’une plaisanterie passée qui l’avait vu traverser Vienne pour rentrer chez lui, au petit matin, déguisé en chauve-souris, d’où le titre de l’opérette.

 

Côté musique, un grand nombre d’airs connus que vous vous surprendrez à fredonner car si on ne connait pas La Chauve-Souris, du moins pour beaucoup d’entre nous, certaines mélodies sont arrivées jusqu’à nos oreilles à travers la publicité, des compilations, des spectacles de danses de salon… Oui, l’ouverture, en particulier, vous rappellera sans doute quelques grands moments de la valse viennoise !

 

Cette opérette, dansante à souhait, a d’ailleurs été adaptée en ballet par Rolland Petit en 1979 et c’est probablement là que se situe mon seul regret – et celui de mon épouse, présente aussi – car les chanteurs ne savaient pas assez bien danser. On aurait aimé, au moment des quelques mouvements valsés, soit que les chanteurs – dirigés par un chorégraphe – soit une groupe de danseurs exécutent une véritable belle valse. La musique était là et je crois que cela aurait parachevé le spectacle, transcendé la soirée…

Pour la partie lyrique – pour moi la plus importante – j’avoue avoir été charmé par Marilyn Clément, Léa Sarfati et Pascal Terrien, mais un peu déçu par Claude Calvet. Marilyn Clément, soprano, n’était pas une inconnue car nous l’avions déjà écoutée à Brou dans la Tosca en 2012. Ce fut donc une confirmation. Quant à Léa Sarfati, soprano, ce fut une découverte. Il faut dire que nous n’avions pas choisi en 2013 le spectacle de Brou où elle chantait – La chatte métamorphosée en femme – et je finirais presque par le regretter…

 

Voici donc une soirée bien agréable et comme à chaque fois que je viens vous parler des Estivales de Brou, ce n’est pas vous dire d’y aller – elles sont maintenant terminées – mais pour vous conseiller de ne pas oublier d’y aller l’année prochaine !

 

http://www.estivalesdebrou.net/

Mais puisque nous parlons de Brou et comme l’été c’est fait pour lire, c’est aussi l’occasion de vous dire qu’il existe un ouvrage magnifique sur cette abbaye de Brou et sur Bourg en Bresse, un livre de Marie-Dominique Poiret et Marie-Dominique Nivière, avec des photographies originales de Hervé Nègre, le tout publié par l’association des amis de Brou…

Il était une fois l’Orient Express… exposition jusqu’à fin août 2014 !

C’est à une belle exposition que je vous invite aujourd’hui. Il était une fois l’Orient-Express, cela commence comme un conte, comme un roman, comme une belle histoire. c’est vrai que c’est aussi un catalogue – donc un livre – qui est plus qu’un souvenir de l’exposition de l’Institut du monde arabe (IMA), exposition qui se tiendra encore jusqu’au 31 août 2014.

Le plus surprenant dans cette exposition est le fait d’avoir installé une locomotive et quatre wagons du mythique train devant le bâtiment de l’Institut du monde arabe comme si nous étions en Égypte, à la gare du Caire, au moment où le train arrivait de Paris via Venise, Belgrade, Constantinople…

Cette exposition est fondamentalement littéraire puisque la simple évocation de ce nom de train, l’Orient Express, vous met en contact avec de grands écrivains : Pierre Loti – qui a voyagé avec ce train plusieurs fois pour rejoindre la Turquie, pays qu’il aimait beaucoup – et Agatha Christie – qui a si bien immortalisé ce train en faisant une scène de crime – qui l’utilisait aussi pour rejoindre son mari en pleines recherches archéologiques au Moyen-Orient…

Mais ce train est aussi un support majeur de voyage et d’ouverture car il reliait de façon quotidienne Orient et Occident, les deux cultures si proches et si éloignées. Si proches car il n’est pas nécessaire de franchir de longs et dangereux océans pour passer de Paris, Munich, Venise ou Vienne à Constantinople, Beyrouth, Bagdad ou Le Caire ! Si éloignées car le temps ne s’écoule pas de la même façon du côté des gens pressés de la Bourse de Paris ou à la terrasse du Péra Palace de Constantinople… L’Orient, c’est prendre son temps, savourer chaque minute comme une minute pleine et positive, sentir la chaleur, regarder les couleurs, découvrir que la vie peut avoir un autre goût, une autre saveur…

L’exposition comme le catalogue vous invite à rencontrer des personnages si différents que le lecteur/visiteur en perd la tête : personnels politiques et diplomatiques, écrivains, journalistes, artistes, espions, archéologues, riches inactifs en vacances, couples en voyage de noces, jeunes pousses en voyages exploratoires ou années sabbatiques…

Le début de l’exposition se déroule directement dans des wagons de ce train mythique qui ont été rénovés et qui permettent de sentir, de comprendre, de toucher -  pas les objets bien sûr – ce que qui a bien pu fasciner ceux qui ont eu la chance de voyager dans cet Orient Express… Dans la seconde partie de l’exposition, celle qui se déroule dans l’IMA, on peut aussi voir de nombreux extraits de films ayant pour cadre ce train : Le crime de l’Orient Express de Sydney Lumet, Une femme disparait d’Alfred Hitchcock ou Bons baisers de Russie de Terence Young… pour n’en citer que quelques-uns…

Si le cinéma nous a beaucoup marqué car il fut le premier à nous faire entrer dans ces luxueuses cabines en compagnie souvent de fort belles femmes ou hommes – il n’y a pas de raison d’être sexistes ici – il ne faut pas oublier la littérature qui encore aujourd’hui utilise ces trains de nuits pour camper des crimes, des trafics et autres actions d’espionnage. Il faut donc évoquer La Maldonne des sleepings de Tonino Benacquista, Le nouveau crime de l’Orient-Express de Gérard Delteil ou Le roman de l’Orient-Express de Vladimir Fédorovski…

Cette exposition, ce catalogue, cette évocation estivale sont donc invitation au cinéma et à la lecture. Cinéma car tous ces films sont accessibles, au moins en DVD, et les livres sont tous en librairie et en bibliothèque. Alors comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture ! Quant à l’exposition, elle est ouverte tout cet été à Paris à l’Institut du monde arabe… Bonne visite !

Rencontre avec un dessinateur, Christophe Regnault à Chalon-sur-Saône

L’Antre des bulles est une librairie spécialisée dans la bande dessinée de Chalon sur Saône. La bande dessinée sous toutes ses formes, dans tous ses états, avec tous ses genres… On y trouve donc des mangas, des albums classiques pour la jeunesse, des séries contemporaines, des romans graphiques, des histoires venant du monde entier, des comics, des reportages… Oui, la bande dessinée est beaucoup plus qu’un genre secondaire des arts narratifs, bien plus profonde, plus précise, plus scientifique, plus politique, plus drôle, plus prenante, plus policière, plus historique… que vous ne pensez, tout simplement !

Historique ? Oui, la bande dessinée peut vous accompagner dans l’Histoire, celle avec un grand H, de France ou d’ailleurs, de façon grand public, ou, parfois même, de façon très pointue. Par exemple, les éditions Glénat ont choisi de proposer une série, Ils ont fait l’histoire, pour redonner le goût de l’histoire aux lecteurs de bandes dessinées. Pour cela, il fallait arriver à pousser à travailler ensemble des historiens et des auteurs bédés. Pour chaque album, on a ainsi de véritables auteurs, une équipe d’historiens et un personnage important de notre histoire qui va prendre vie… et c’est là que l’on s’aperçoit que l’histoire est bien souvent plus forte, plus violente, plus passionnante que la fiction !

 

L’antre des bulles ayant choisi d’inviter Christophe Regnault le samedi 28 juin de 14h à 18h, c’est à son Philippe le Bel que nous allons nous consacrer… Cet album est signé Mathieu Gabella au scénario, un auteur confirmé qui a scénarisé chez Delcourt, entre autres, la très bonne série La licorne, série historique et fantastique autour du personnage d’Ambroise Paré. Du côté des historiens, on retrouve Etienne Anheim et Valérie Theis, et ils ont choisi de donner de ce roi un portrait le plus complet possible, sans se limiter aux clichés qui sont pourtant nombreux. Enfin, précisons, avant d’ouvrir l’album, que les éditeurs sont deux, Glénat et Fayard. S’il n’est pas surprenant de trouver Glénat dans une aventure historique, reconnaissons que la présence de Fayard dans le monde de la bande dessinée était plus improbable. Mais cet éditeur qui s’est illustré et s’illustre encore avec la publication de très bons ouvrages historiques, est là comme une caution scientifique – l’histoire est bien une science – et que la maison d’éditions doit se dire que redonner goût à l’histoire, y compris en utilisant la bande dessinée, c’est reconstruire un lectorat possible pour ses grandes biographies qui m’ont fait rêver, qui mon porté durant toute ma jeunesse…

Philippe le Bel, d’ailleurs est bien présent chez Fayard avec le remarquable ouvrage de Jean Favier que j’ai dévoré à l’époque en quelques heures. Cet ouvrage reste pour moi un ouvrage magistral et pertinent et je ne peux qu’en conseiller la lecture même si l’ouvrage n’a pas connu une diffusion extraordinaire car il a manqué une version de poche… heureusement, on le trouve encore en bibliothèque et d’occasion !

 

Philippe le Bel est un roi qui a connu une grande notoriété car c’est lui qui s’est trouvé confronté aux Templiers. Cet ordre richissime, puissant et mystérieux est mort de sa guerre contre le roi de France, sans que l’on connaisse aujourd’hui tous les tenants et aboutissants. La renommée du roi a été boostée par l’œuvre littéraire de Maurice Druon, Les rois maudits. Certes cette saga n’a pas à proprement parler la solidité historique d’une biographie comme celle de Jean Favier mais sa diffusion à la télévision dans une adaptation restée célébrissime a beaucoup fait pour noircir l’âme de Philippe le Bel sans pour autant rehausser celles des Templiers, de la famille royale ou du pape…

 

Le scénario de Mathieu Gabella ne se focalise pas ni sur la lutte à mort contre les Templiers ni sur les affrontements papauté-royauté.  Le choix a été fait de nous proposer une vision beaucoup plus complète du roi, de son administration, de son époque… Il faut dire que ce roi est certainement un des personnages les plus étranges de son temps et on peut le regarder de plusieurs façons différentes : le roi avec le sens chrétien de la royauté française ; le premier technocrate à la française ; l’homme qui s’est entouré de plusieurs spécialistes, des finances à l’organisation du royaume ; le grand chasseur ; l’homme de pouvoir qui n’admet que difficilement d’être contredit ; le chrétien dont on ne sait rien sur sa propre foi… Bref, autant de Philippe le Bel, autant d’éclairages divergents sur une des grandes personnalités de notre histoire de France…

Ce roi est aussi un personnage avec son éducation, son caractère, ses proches. La grande force de cet album est basée sur la qualité du scénario qui rend le roi ni bon ni mauvais, ni égoïste ni généreux, ni objet de vénération ni personne à haïr toutes affaires cessantes… Ce Philippe intrigue, mérite d’être compris, percé, et remis dans son contexte… Cela devient passionnant comme un drame grec à l’ancienne…

 

Le dessin de Christophe Regnault intrigue au départ. J’ai craint, du moins un instant, de retrouver une narration graphique à l’ancienne comme dans l’histoire de France en BD de chez Larousse. Heureusement, très vite, on sort de ces ornières pour trouver un rythme solide, un graphisme solide, des personnages crédibles. L’histoire est dépoussiérée et le récit passe de l’illustration simple à la bande dessinée à proprement parler.

 

Je dois donc dire que j’ai beaucoup apprécié cette biographie, cette aventure, ce portrait… Cela donne envie de replonger rapidement dans le Philippe le Bel de Jean Favier ou celui plus récent de Georges Minois. On a aussi envie de découvrir rapidement les autres albums de cette série : Vercingétorix, Jean Jaurès, Charlemagne, Saint Louis…

 

Donc, n’hésitez pas à rencontrer Christophe Regnault à Chalon-sur-Saône, le samedi 28 juin, entre 14h et 18h, occasion de repartir avec un album et une magnifique dédicace ! C’est à l’Antre des bulles, 6 rue au change.

 

Philippe le Bel

Scénario de Mathieu Gabella

Dessin de Christophe Regnault

Conseils historiques : Etienne Anheim et Valérie Theis

Série Ils ont fait l’Histoire

Editions Glénat et Fayard

ISBN : 9782723495783

Et si on lisait sur Le Pen et le Front National ?

Après les résultats électoraux des municipales et des européennes, il est classique de tourner son regard vers le Front national pour comprendre, critiquer, stigmatiser, donner des leçons, tirer les enseignements, prédire l’avenir des prochaines présidentielles, construire de nouvelles alliances, remettre en cause les partis politiques traditionnels… Bref, le FN est au cœur de la politique française !

 

Deux grandes écoles se présentent à nous. Une dirait qu’il faut réformer en profondeur la France et l’Europe pour que l’électorat de rébellion, de révolte, de contestation, disparaisse de fait et que le FN revienne à son assiette normale, c’est-à-dire moins de 5%. La seconde parlerait plutôt de formation, d’information, de sensibilisation, partant du principe que tous les électeurs frontistes seraient des ignorants, des apprentis sorciers, des antidémocrates… Bien évidemment, comme toujours, la vérité n’est pas là, du moins, elle réside un peu dans chacun des deux camps. Reste alors à comprendre et pourquoi ne pas le faire avec des livres, une fois de plus. Non ?

Trois ouvrages, pour ne pas chercher à tous les citer, peuvent apporter des éléments de réponse. On pourrait ouvrir en premier le dernier essai de Jean-François Khan, Marine Le Pen vous dit merci ! Dans son livre, avec ses idées et son style, Jean-François Khan nous montre que les acteurs politiques n’ont pas encore trouvé le bon moyen de combattre le Front. Des erreurs parmi d’autres : ne pas avoir compris que Marine Le Pen était réellement différente de son père – l’un est de l’ancienne droite, l’autre est leader d’un parti populaire qui prend des idées à droite et à gauche – car on peut dire que Marine Le Pen est probablement une femme politique qui tente de renouer avec les origines du fascisme ; ne pas avoir donner dans les médias et dans la politique un véritable espace de critique du libéralisme – car il n’y aucune raison de penser que seul le FN soit capable de critiquer le néolibéralisme – et d’avoir étouffé les petits partis en laissant juste deux gros partis se partager la scène politique, le FN se retrouvant le seul porteur de la critique de la société ; enfin, la meilleure solution pour désarmer le FN serait de faire en sorte que la société aille mieux, beaucoup mieux… et ce n’est pas simple ! Le débat à la télévision entre Jean-François Khan, Aymeric Caron et Natacha Polony

Le second ouvrage est celui de Philippe Cohen et Pierre Péan, Le Pen, une histoire française. Alors, bien sûr, certains critiqueront d’emblée cet ouvrage car co-signé par Pierre Péan, un homme qui s’est déjà illustré en étudiant Mitterrand, Le Monde, Chirac, le Kossovo… et à chaque fois on a le sentiment qu’il donne des leçons, des leçons aux lecteurs ou même à la France. L’autre auteur est Philippe Cohen qui, entre autres, a écrit une biographie discutée sur BHL. Leurs points clefs sont surtout dans les faces obscures de Le Pen : son rapport à l’Algérie Française, l’usage de la torture, la façon dont il a construit sa fortune personnelle, son antisémitisme… L’enquête est poussée sur ces dossiers mais parfois elle est limitée car il manque une vision d’ensemble sur l’extrême droite, le FN et Jean-Marie Le Pen… C’est donc plutôt un livre qui permet de creuser le sujet et non un livre global. Heureusement, cette étude existe et on va l’ouvrir maintenant…

Valérie Igounet, historienne et chercheuse au CNRS, écrit l’histoire du Front National, de 1972 à nos jours. Certes, il ne s’agit pas d’histoire avec du recul, mais bien d’histoire immédiate, c’est-à-dire une histoire avec risque car il n’y a pas encore tous les éléments et preuves dont on a besoin pour faire de l’histoire avec un grand H. C’est un livre passionnant car on découvre, entre autre, la création du Front national, la façon dont Jean-Marie Le Pen a fédéré autour de lui une multitude de groupuscules, comment il a échoué à intégrer Ordre Nouveau et comment dès les premières années le FN a connu des scissions, des trahisons, des reconstructions… Et alors que personne n’aurait misé un kopek sur sa réussite, l’auteure montre l’ascension du FN, le premier coup d’éclat avec les premiers élus, la présidentielle de 2002 et la toute qu’il emprunte pour arriver en 2014… C’est à lire pour comprendre mais cela ne donne, bien sûr, aucune solution politique pour enrayer le FN aujourd’hui.

 

Voici donc trois ouvrages qui traitent, chacun à sa façon, du Front national. Et maintenant, que faire ? Pour les démocrates, il est grand temps de comprendre que lutter contre un parti ce n’est pas attaquer les électeurs de façon violente et dénigrer systématiquement les personnes qui n’ont pas les mêmes idées que soi ! Il faut comprendre que les électeurs, les populations, l’humanité, a surtout besoin de pouvoir vivre, s’épanouir, tisser des relations, bref, vivre tout simplement. La politique, c’est ce qui va permettre de pouvoir vivre, de l’individu isolé à la collectivité la plus grande. Or faire de la politique c’est comprendre les besoins humains, c’est fabriquer le système qui respecte chacun, c’est construire et non détruire… Que ces trois ouvrages vous montrent où nous en sommes et que chacun comprenne bien que la montée du FN est l’échec des autres politiques, que l’avenir passera par une reconstruction politique en toute transparence et lucidité ! Deux axes doivent porter cette action : réflexion sur ce que l’on vient de vivre et élaboration d’un projet plein d’espérances. Dans le cas contraire, reconnaissons-le, ces , trois lectures n’auront servi à rien !

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Marine Le Pen vous dit merci ! Jean-François Khan, Plon

Le Pen, une histoire française, Philippe Cohen et Pierre Péan, Fayard

Front National, de 1972 à nos jours, Valérie Igounet, Seuil

Encore des ouvrages et des idées de lecture à l’occasion du centenaire du début de la première guerre mondiale !

Je sais que certains se lassent des célébrations de la grande guerre, la préférée de Georges Brassens, la grande tuerie qui a saigné à blanc l’Europe, mis à mal les grands empires coloniaux tout en provoquant de nouvelles relations mondiales. Il faut bien comprendre que pour beaucoup cet anniversaire, cette célébration n’est pas l’occasion de chanter la guerre et les conflits armés. C’est plutôt l’occasion de provoquer à la réflexion sur l’histoire, la guerre en général et les relations entre les hommes. Comprendre ce qui s’est réellement passé en 1914, c’est peut-être – espérons-le – se donner des armes pour éviter les guerres aujourd’hui ou demain. Les évènements en Ukraine démontrent, si besoin était, que les guerres ne sont jamais loin de nos vies… les dernières années l’ont illustré de Sarajevo à Bagdad, de Kaboul à Bangui, de Tbilissi à Grozny…

Présenter des livres, c’est inviter à lire et à réfléchir sur cette grande guerre en compagnie des auteurs qui ont pu vivre ce conflit, qui ont rencontré les témoins, qui ont senti le conflit à travers une terre, une région, une ville, ou, enfin, d’auteurs qui ont plongé leurs fictions dans cet univers guerrier. Tout existe et chaque résultat est différent et mérite notre attention…

La guerre 1914-1918 par ceux qui l’ont faite

En 1968, lors de l’anniversaire des cinquante ans de la fin de cette guerre, Jacques Suffel, spécialiste de la littérature du dix-neuvième siècle, a proposé un choix de textes d’auteurs qui avaient participé à ce conflit. Le choix est essentiellement réalisé sur des qualités littéraires indiscutables et du coup la plus part de ces textes sont d’auteurs reconnus par ailleurs : Apollinaire, Barbusse, Dorgelès, Genevoix, Giraudoux, Mac Orlan, Maurois, Péguy, Kessel… Certes, on retrouve aussi quelques textes de ces grands militaires qui écrivaient aussi comme Pétain, Galliéni ou Foch, mais ce ne sont pas les meilleurs.

La présentation des textes est organisée de façon chronologique est c’est plutôt une bonne chose pour tous ceux qui n’ont pas entièrement les idées claires sur l’ordre des batailles de la Marne à Verdun, de la Somme à la Champagne…

Textes rassemblés par Jacques Suffel, préface de Maurice Genevoix, introduction de Pierre Gaxotte, présentation d’Henri Duvillard, editions Plon, 1968

Les Poilus, lettres et témoignages des français dans la Grande Guerre (1914-1918)

Dans cette anthologie très touchante, Jean-Pierre Guéno, historien réputé, nous offre de très nombreux textes qui font revivre de l’intérieur la guerre. Dans de très nombreux cas, il s’agit de lettres, délivrées en totalité ou pas, qui donnent directement la parole aux Poilus, c’est-à-dire aux soldats, connus ou pas, écrivains ou pas, qui parlent de leur guerre. Certes, on sait bien qu’il y avait une censure qui empêchait la liberté d’expression totale, mais dans l’ensemble on est immergé instantanément dans ce conflit avec une multitude de petits détails qui rendent les sensations encore plus fortes…

« On est dans une boue faite d’eau, de terre et de cadavres putréfiés »

« Il y a beaucoup de Poilus qui se font encore évacuer aujourd’hui pour pieds gelés. Quant aux miens, ils ne veulent pas geler malheureusement car je voudrais bien une évacuation aussi… »

« Je voudrais vivre pour vous tous, mais si je devais tomber, Dieu pourvoirait à votre bonheur »

« Je reste le seul commandant de ma compagnie »

Édifiant, tout simplement, et cela rappelle à qui en besoin que la guerre n’est pas un jeu vidéo, elle est sale, violente, sanglante, dramatique…

Lettres choisies et présentées par Jean-Pierre Guéno, Mission centenaire 14-18, Document Librio, ISBN : 9782290074633

Le feu

Si je prends le temps de vous parler de ce roman c’est tout simplement parce qu’il est représentatif de plusieurs évènements et réactions liés à cette guerre. Tout d’abord, Henri Barbusse est un homme de lettres qui a déjà une quarantaine d’années au début de la guerre. Il est volontaire pour intégrer les troupes malgré des problèmes de santé bien réels. Il rejoint difficilement son unité et passe vingt-deux mois comme soldat d’escouade. De cette expérience il s’inspire pour écrire son roman, Le feu. Le texte est publié en feuilleton quotidiennement dans l’Œuvre. Quelques mois plus tard, après une parution chez Flammarion, il obtient le prix Goncourt 1916.

Au-delà de l’expérience, des sensations décrites, n’oublions pas qu’il s’agit d’une guerre romancée et donc qu’il ne faut pas prendre le roman pour un récit strictement historique. De nombreux combattants s’y retrouvèrent tandis que d’autres déclenchèrent quelques polémiques pour rectifier quelques faits historiques. Son texte n’en demeure pas moins un excellent roman de guerre, un témoignage humain de ce grand conflit de 1914-1918.

Comme de nombreux anciens combattants de cette guerre, Henri Barbusse devint pacifiste et adhéra au parti communiste. Il est mort en 1935 lors d’un voyage à Moscou et Staline fut suspecté de l’avoir fait empoisonné…

Le feu suivi de Carnet de guerre est édité en livre de poche, ISBN : 9782253047414

La guerre des autres, numéro spécial de Courrier international (2014)

A force de toujours voir l’histoire par notre lunette française, nous finissons par oublier que ce fut une guerre mondiale impliquant des dizaines de pays d’une façon ou d’une autre. Ce numéro spécial de la revue Courrier international va participer à changer notre regard sur le conflit en prenant deux axes différents. D’une part, en parlant de très nombreux pays différents, d’autre part en le faisant avec des articles de la presse internationale et non spécifiquement française. Pour ceux qui pratiquent la revue, c’est assez classique, pour les autres, c’est assez décapant !

Citons les grands chapitres de ce numéro spécial : La guerre des grands, la guerre des petits, la guerre des empires… Enfin, n’oublions pas un portfolio final très émouvant avec des petits articles sur les acteurs de cette guerre dont les descendants sont au comité de rédaction de la revue…

Au bilan, un regard très pertinent sur les petits pays qui ont vécu cette guerre entrainés par les puissants sans avoir à y gagner ou y perdre et qui ont souffert de cette guerre et l’effort consenti par les colonies des grands européens, régions du monde qui furent souvent cruellement marquées par un conflit qui ne les concernait pas du tout… Indiens, Pakistanais, Marocains, Sénégalais, Australiens… ils furent bien nombreux à donner leur vie dans la Somme, dans les Dardanelles ou du côté de Verdun…

Hors-série juin-juillet-août 2014

Apocalypse, La 1ère guerre mondiale

Un album illustré documentaire de qualité qui accompagne la série de cinq épisodes de 52 minutes qui a été réalisée pour France 2. De nombreuses archives ont été utilisées, mises en couleur et le tout est assez édifiant et instructif. L’ouvrage, lui, est porté par plus de 150 documents visuels et cartes, le tout nous permettant de mieux percevoir l’ampleur et la violence de ce conflit.

Ce documentaire, du moins la version livre, est accessible à un très large public, à partir de 12 ans environ. La division en grands chapitres – Furie, Peur, Enfer, Rage et Délivrance – permet une approche progressive, pédagogique et historique. Comme tous les outils de vulgarisation, certains lui reprocheront de trop simplifier et d’autres d’être parfois trop pointu pour le grand public. Moi, je pense qu’il est juste comme il faut pour participer à ce centenaire, c’est-à-dire pour aider tout le monde à bien comprendre ce qui est arrivé, pourquoi et comment, et, surtout, percevoir les façons dont on pourrait éviter des récidives guerrières dont les peuples ont fini par se lasser même si…

Documentaire d’Isabelle Clarke et Daniel Coste, éditions Flammarion, ISBN : 9782081329942