Quelle affaire pour seulement 30 deniers !!!

La bande dessinée est un art narratif complexe, hybride et qui a atteint une certaine maturité qui lui permet depuis quelques années d’aborder tous les sujets ou presque. Il n’est donc point étonnant de la voir s’engouffrer dans les thèmes complotistes après avoir été s’aventurer dans l’ésotérisme, l’uchronie, et les deux combinés !

Jean-Pierre Pécau, après avoir livré les secrets de l’histoire de l’humanité dans Histoire secrète, série remarquable qui n’est que de la fiction, je le rappelle à tous les lecteurs, a décidé de se relancer dans une incroyable aventure jouant sur l’histoire, le complot, l’ésotérisme, l’espionnage et le sentiment… Oui, il a voulu faire tout à la fois pour une grande fiction dessinée par celui qui est devenu au fil des années son ami, Igor Kordey. Il faut dire qu’ils ont écrit ensemble plus de trente albums de bande dessinée (en particulier Histoire secrète), ce qui n’est pas rien vous en conviendrez !

Le thème est simple, d’une certaine façon. Beaucoup se souviennent de l’histoire de Judas. Il trahit son ami Jésus pour trente deniers puis, désespéré, il jette ces pièces et va se pendre. Mais il y a d’autres versions : « Il existe encore de nos jours à Jérusalem un terrain vague que ni les croisés, ni les Turcs, ni les autorités israéliennes n’ont voulu rendre constructible : c’est le champ du potier ou le champ du sang. On dit que c’est ici que Judas se suicida après avoir acheté ce lopin de terre avec les 30 pièces d’argent de sa trahison. C’est une légende bien sûr, mais on peut noter que nulle plante ne pousse sur cet arpent de terre sèche et que les animaux l’évitent… » Et c’est ainsi que la série commence !!!

Que sont devenues ces 30 pièces d’argent ? D’où viennent-elles ? N’auraient-elles pas des pouvoirs particuliers ? Pourquoi certains hommes se sont-ils alliés pour les récupérer ? Pourquoi sont-elles si dangereuses ?

Mais comme il ne s’agit pas d’un ouvrage historique sur les 30 deniers, il fallait que Jean-Pierre Pécau trouve un moteur incroyable pour plonger ses personnages dans une aventure incroyable, pour bousculer, contraindre le lecteur à lire le premier album jusqu’à la dernière bulle, mettre le lecteur dans un tel état qu’il ne pourra plus vivre paisiblement jusqu’à la sortie du dernier album de la série… et il y en aura probablement beaucoup (le chiffre exact ne semble pas encore fixé). On va donc se retrouver en compagnie de Xavier Gral, un homme qui a déjà terminé sa carrière d’agent secret français, qui a perdu son épouse dans des conditions particulières que l’on découvre au fur et à mesure, et qui a une fille, Laureline. Cette dernière est gravement malade, en phase quasi terminale diraient les médecins si on leur demandait leur avis. Xavier est prêt à tout pour sa fille et c’est justement ce que vont exploiter certains en mettant sur sa route la détentrice d’un des deniers, celui qui permet sinon de vaincre la maladie, du moins de prolonger la vie des malades, le fameux denier qu’avait utilisé François Mitterrand pour terminer son deuxième mandat.

Je vois votre surprise mais je vous rappelle que nous sommes bien dans une fiction complotiste où tout est possible, explicable et que ce que vous allez lire dans ces albums n’est en aucun cas la vérité historique, quoi que…

Xavier va donc tout faire pour sauver sa fille et quand la « guérisseuse » est assassinée, que le denier est volé, notre ancien agent est définitivement prêt à reprendre du service pour avoir l’usage de ce denier qui représente la vie de sa fille…

Dans le second album paru, Xavier va découvrir une société secrète, les Régents, un groupe de banquiers né sous la Renaissance en Italie et qui gère le monde des finances. Occasion de comprendre les finances internationales de Law jusqu’aux traders d’aujourd’hui, mais là encore, attention, ce n’est que de la fiction. Quoi que, on peut imaginer le jeune Jérôme Kerviel ait eu en sa possession un denier d’abondance et que le jour où il se l’est fait voler il ait tout perdu… simple hypothèse, bien sûr !

Dans ce second volume, on a la confirmation que les deniers sont probablement plus que trente et que les candidats à la possession sont nombreux et prêts à tout, y compris le crime !

A partir de là, surtout dès le début du troisième volume, les lecteurs fanatiques d’espionnage, de complot, de magouilles cachées, vont jubiler – et j’en suis – tandis que les lecteurs rationnels et classiques vont se sentir un peu perdus, largués… C’est l’une des raisons pour laquelle je suis persuadé que nous sommes fondamentalement en présence d’une bande dessinée pour adultes, voire même pour adultes avertis et préparés car les allusions historiques, politiques, religieuses, ésotériques sont très nombreuses !!!

Vous l’aurez bien compris, j’adore cette série et je suis dans l’attente de l’album suivant dès que j’en ai terminé un. Heureusement, Igor Kordey dessine vite et bien. Il lui faut environ deux mois pour dessiner un album ce qui permet au lecteur d’espérer ainsi une série qui serait terminée en deux ans. On est dans un tempo de série télévisée, ce que revendique totalement Jean-Pierre Pécau qui est persuadé que c’est le rythme de la création de ce début de vingt-et-unième siècle. Le lecteur ne veut plus prendre le temps d’attendre trop longtemps pour avoir la suite de ses histoires. De plus, les scénarios de Pécau sont si complexes que si le délai devient trop long, il faut envisager de tout relire avant de passer à la nouveauté, or, le nombre d’albums étant trop importants, une telle démarche est presque impossible pour une personne ayant un emploi du temps normal… Non ?

Venons-en pour terminer notre analyse de la série Les 30 deniers, à la narration graphique d’Igor Kordey ! Certains n’aiment pas son graphisme, mais tous reconnaissent qu’il est diablement efficace : tout ce qui est indispensable à la compréhension du récit est là, y compris dynamisme, violence, vitesse… oui, il est très fort et il sait plonger ses lecteurs immédiatement dans le tempo du récit de Pécau. C’est d’ailleurs fascinant comme ces deux auteurs travaillent, se complètent, s’enrichissent… Un duo total qui pourtant travaille beaucoup à distance. Igor habitait au Canada, puis maintenant en Croatie et donc c’est Internet qui fait le lien entre les deux. Pourtant, pour le lecteur, on a le sentiment d’une même envie de raconter, de dépayser, de distiller les indices, de plonger dans le mystère, de torturer en quelque sorte le lecteur, de le faire attendre, de le piéger, de le manipuler… Quel talent, tout simplement !!!

Voilà donc une belle idée de lecture, de cadeau, de partage…

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Série Les 30 deniers

Scénario de Jean-Pierre Pécau

Dessin d’Igor Kordey

Couleurs de Len O’Grady

 

Tome 1 : Savoir

ISBN : 9782756040967

 

Tome 2 : Oser

ISBN : 9782756040974

 

Tome 3 : Vouloir

ISBN : 9782756040981

Des livres pour la jeunesse… quand il fait froid !

Il y a des ouvrages que l’on ne peut lire qu’à certaines saisons, surtout quand il s’agit de livres principalement destinés à la jeunesse. En effet, comment expliquer à un enfant que c’est normal de lire une histoire de Père Noël en plein mois de juillet. Inversement, on évitera en plein hiver de lui faire découvrir les joies de la plage, de la mer, de la natation en eau vive…

Voilà pourquoi il est temps de vous préparer à lire certains contes d’hiver, c’est la saison et, à défaut de réchauffer le petit blotti dans son lit, il trouvera normal de voir évoquer la neige, le froid, le givre, les bonhommes de neige et, bien sûr, le Père Noël ! Trois ouvrages pour illustrer mon propos et vous donner envie de répondre à la demande d’histoires de votre petite tête blonde – ou pas – dès ce soir !

Je commencerai par Mon petit Père Noël de Gabrielle Vincent. Cette extraordinaire artiste est morte il y a maintenant déjà presque 15 ans et je me souviens toujours de sa douceur, de sa gentillesse, de sa simplicité. Je ne l’ai vue qu’une seule fois, au salon du livre jeunesse de Montreuil, mais c’est comme si c’était hier tant cette rencontre m’a touché ! Aujourd’hui, chaque fois que j’ouvre un de ses livres, je pense à elle et je passe un excellent moment.

Son petit Père Noël est une histoire d’une tendresse étonnante, d’une poésie incroyable, d’une profondeur comme rarement on en trouve dans les livres pour la jeunesse. Une petite fille voit un Père Noël descendre du ciel un 24 décembre. Rien de surprenant à cela, sauf que ce Père Noël n’a rien à donner ! Du coup, la fille touchée par ce dénuement, va lui offrir un cadeau… Rôle inversé, réflexion sur le bonheur d’offrir, une histoire à contrecourant du consumérisme qui nous submerge, surtout à l’approche des périodes de fête… Et c’est aussi les prémices des Noël de crise, allez savoir…

Le Père Castor, vous savez celui qui raconte sans arrêt ses histoires, celui qui a fasciné tant d’enfants, est une source permanente de contes en tous genres. J’avoue avoir même tendance à penser que ce label éditorial, cette collection crée en 1931 par Paul Faucher, a contribué à faire vivre le patrimoine culturel français… Arrivera-t-il à fêter son centenaire ? En tous cas, voici deux ouvrages qui prolongeront la vie d’ouvrages plus anciens…

Le Père Castor raconte ses histoires de Noël nous propose 14 histoires sur ce thème, toutes illustrées. Certaines sont ancrées dans le passé lointain et nous viennent des contes anciens tandis que d’autres sont plus contemporaines. Il en est de même avec les illustrations qui sont très différentes d’un conte à l’autre.

Il faut toujours dire si on a une petite préférée et je vais assumer mon choix en vous disant que j’ai beaucoup aimé Un Noël tombé du ciel, inspiré directement d’un conte polynésien. D’ailleurs, je dois bien avouer que dans ce cas-là, c’est un Noël sans neige… mais en Polynésie, de l’autre côté de la planète…

Enfin, pour clore ses histoires rafraichissantes, je vous propose d’ouvrir Le Père Castor raconte ses contes de l’hiver avec 7 histoires différentes à écouter en pull et chaussettes, ou dans son lit avec une bouillotte !

C’est dans ce dernier recueil que l’on trouve une version de la fameuse moufle, un conte russe, réapproprié, raconté et illustré par Robert Giraud et Olivier Latyk. J’aime beaucoup l’illustration car je la trouve à la fois moderne, dynamique et sympathique…

Si on fait le calcul de l’ensemble de ces histoires de saison, cela fait 22 récits et je m’aperçois que l’on pourrait presque faire une sorte de calendrier de l’Avent vivant : une histoire par jour durant les 22 jours qui précèdent Noël. N’est-ce point là une idée qui devrait être mise en œuvre dans toutes les familles ? Lire une histoire à l’enfant que l’on aime est quand même beaucoup plus sympathique que de le laisser manger tout seul un petit bout de chocolat industriel acheté dans un hypermarché. Non ? Voilà qui devrait changer dans certaines familles la préparation de Noël et pourquoi ne pas garder Mon petit Père Noël pour clore ce cheminement ? Dans tous les cas, trois beaux livres parfaitement adaptés à ces périodes hivernales qui précèdent les grandes fêtes de fin d’année !

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Mon petit Père Noël

Gabrielle Vincent

Editions Grasset Jeunesse

ISBN : 9782246499817

Le Père Castor raconte ses histoires de Noël

Editions Flammarion

ISBN : 9782081337350

Le Père Castor raconte ses contes de l’hiver

Editions Flammarion

ISBN : 9782081310292

Palmarès du festival BD de Chambéry 2014 !

Le festival de bandes dessinées de Chambéry a rendu son verdict, du moins en ce qui concerne les prix qu’il attribue chaque année. Certes, les journalistes et les médias ont retenu de façon un peu exclusive le bras d’honneur de Philippe Druillet (à prendre selon les uns au premier, au deuxième ou au centième degré), prix récompensant son œuvre entière, alors que le palmarès renferme quelques bonnes œuvres à découvrir pour ceux qui ne les auraient pas encore ouvertes, lues, dévorées…

Je vais donc me permettre deux coups de projecteur personnels en commençant par Patrick Sobral et ses Légendaires. Au départ de la série, il y a maintenant quelques années, j’avais discuté avec un auteur modeste, prudent et très sympathique. Il aimait ses personnages, il avait confiance mais était dans l’attente de la réception de sa série par le public. J’ai lu, j’ai aimé, j’ai été surpris de l’envol de la série et quand j’ai rencontré Patrick au dernier festival d’Angoulême j’ai discuté avec le même homme. Oui, malgré le succès de la série, malgré l’exposition qui a été consacrée à ses personnages, malgré les centaines et centaines de lecteurs, il est toujours simple, modeste et prend le succès pour un cadeau, pour une chance… Je continue à lire ses histoires avec le même plaisir et je suis profondément heureux de voir que critiques et public sont au rendez-vous, encore et toujours…

Le second coup de cœur est de voir Laurent Galandon à l’honneur, une fois de plus. Il s’agit d’un excellent scénariste, pétri d’humanisme et de sagesse, qui offre dans ses histoires des destins fascinants, des personnages crédibles que l’on aimerait avoir comme amis, le tout dans des albums que l’on prend beaucoup de plaisir à lire, que dis-je, à dévorer ! Citons quelques-unes de ces séries : L’envolée sauvage, L’enfant maudit, Le cahier à fleurs et sa petite dernière, objet du prix de Chambéry, Pour un peu de bonheur !

Récapitulatif du palmarès :

Prix du Public France 3 : Zhang Xiaoyu pour « le Temple Flottant »

Prix Jeunesse : Patrick Sobral, pour « Les légendaires »

Prix du Meilleur scénario : Laurent Galandon pour « un peu de bonheur », éditions Bamboo

Album de l’année : « Tyler Cross » de Brüno et Fabien Nury, éditions Dargaud

Prix Coup de cœur : Rick Leonardi, auteur américain de Spider man 2099

Prix de l’Ensemble de l’œuvre : Philippe Druillet

La photo est à mettre au crédit de Bruno Fournier.

Lignes de front, une série signée Jean-Pierre Pécau

Il est de bon ton de raconter aujourd’hui, sous toutes les formes possibles, des destinées marquées par la guerre de 14-18 – centenaire oblige – ou par le conflit de 39-45 – à cause du double anniversaire du débarquement et de la libération des grandes villes française – et il n’est pas étonnant de voir la bande dessinée s’engouffrer dans la brèche comme la littérature, les jeux vidéo, le cinéma, les téléfilms…

Les grands auteurs de bandes dessinées, ceux qui ne veulent pas se contenter de produire pour vendre, sont obligés de se torturer le cerveau droit, celui de la création, pour trouver un angle d’attaque original, un thème encore peu ou pas abordé ou un style atypique pour plonger le lecteur dans l’enfer de la guerre… Comme la production est très abondante, la recherche initiale est délicate et avouons que certains albums finissent par avoir un air de déjà lu, de déjà vu, de déjà passé dans nos mains !

Jean-Pierre Pécau que je considère comme un grand scénariste contemporain – Arcanes, Le Grand Jeu, Histoire secrète, Jour J… – aurait pu se contenter de nous offrir une énorme Uchronie comme il sait si bien les faire, une vision complotiste de la guerre comme il les aime, mais il a choisi un autre style pour raconter une grande aventure de la seconde guerre mondiale. Il a pris six jeunes gens qui se rencontrent lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 et qui vont ensuite vivre cette guerre de l’intérieur. Ces/ses personnages sont un Français, un Australien, deux Allemands, un Anglais et une Américaine. Le cadre est ainsi posé et il fallait encore, pour parfaire l’environnement de cette série, une ambiance culturelle. Jean-Pierre Pécau a choisi la chanson universellement connue, Lili Marlène, qui va ainsi nous accompagner d’album en album…

Comme le mécanisme de la série implique une cadence infernale de sortie pour maintenir le lecteur dans le tempo de l’histoire, les dessinateurs seront différents d’un épisode à l’autre. Trois albums sont déjà sortis, et avec au crayon Brada, Benoît Dellac et Bane. Pour vous donner envie de découvrir cette série qui est en cours de parution et qui devrait compter huit albums, je vais vous donner quelques compléments d’information sur les trois premiers parus.

Le premier, Stonne, est constitué de deux parties, un chapitre qui a pour cadre les Jeux Olympiques à Berlin – c’est là que nous faisons connaissance de Joachim Klein-Combourd, Tim Page, Emile Soubise, Peter Yates, Magdalena Kopps et Cheryl Matthew – tandis que la seconde nous projette lors de la campagne de France où on retrouve Emile Soubise dans une unité française de blindés. J’ai trouvé la narration graphique très dynamique mais pas assez aboutie et finalisée. Un peu comme si le premier tome avait été terminé trop vite, comme si l’auteur et le dessinateur étaient pris par le temps !

Tandis que le second volume, Le vol de l’aigle, m’a donné une impression de plénitude, de perfection, de maîtrise. Le dessin de Benoît Dellac est pour moi de toute beauté et parfaitement adapté à cette journée du 18 août 1940 où les forces aériennes allemandes et anglaises s’affrontent violemment au-dessus de la Grande-Bretagne dans ce qui restera la Bataille d’Angleterre. On n’avait pas imaginé Benoît dans ce registre mais il excelle et on en redemande !

Enfin, dans le troisième volume de cette très bonne série, LRDG, on va aller entre Egypte et Lybie pour un épisode de la Guerre de Désert. Ce sera l’occasion pour Peter Yates de confirmer son caractère de chien, ses distances prises avec les règles et lois, sa volonté d’avancer quoi qu’il puisse arriver… Le dessin de Bane est de bonne qualité, assez classique malgré tout pour ce type de bande dessinée et le scénario de Jean-Pierre Pécau, lui, prend de l’épaisseur et on sent bien que l’auteur s’enfonce progressivement dans son histoire sans se laisser enfermer par l’Histoire.

Voilà donc un très bon travail, Lignes de front, qui permet en quelques pages de parcourir le second conflit mondial, avec originalité, avec un fond romanesque bien construit et agréable à lire, avec une excellente approche historique de chaque épisode. Bref, je ne vois là que des atouts pour lire, offrir, faire lire cette série bédé de très bonne tenue qui mérite d’être distinguée dans la masse de séries qui abordent la seconde guerre mondiale !

Confirmation du talent de ce scénariste contemporain, Jean-Pierre Pécau, que certains critiques et lecteurs n’ont pas encore lu et qui est un grand de la bande dessinée !

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Série Lignes de front

Scénariste : Jean-Pierre Pécau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tome 1 : Stonne

Dessin : Brada

Couleurs : Thorn

ISBN : 9782756032320

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/41316

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tome 2 : Le vol de l’aigle

Dessin : Benoît Dellac

Couleurs : Fernandez

ISBN : 9782756035093

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/41505

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tome 3 : LRDG

Dessin : Bane

Couleurs ; Thorn

ISBN : 9782756035116

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/42227

Débézed prend son temps aux Mots Doubs

J’avais boudé les deux éditions précédentes, trouvant qu’il y avait trop d’auteurs locaux présentant des livres qui n’avaient pas grand-chose à voir avec la littérature, trop de ceux qu’on appelle les « people », qui garnissent les rayons des librairies et des supermarchés en déballant leur vie qui ne m’intéresse absolument pas, trop de gens qui se prétendent écrivains parce qu’ils ont profité de l’actualité pour publier un texte dont la plus grande valeur ne réside souvent que dans un titre très accrocheur, trop peu de vrais auteurs, du moins ceux que je considère comme tels,  ceux qui écrivent des livres que j’aime lire. Tout cela est très personnel, très partial, mais c’est ce qui motive nos choix et je fonctionne un peu comme tout le monde.

Cette année, l’affiche me semblait un peu plus alléchante et ce salon a pris une nouvelle dimension sur la scène littéraire nationale, j’ai donc décidé de tenter l’aventure d’une visite que je n’ai pas pu éluder quand l’ami Shelton a répondu favorablement à mon invitation. Donc, après avoir pris un repas fort convivial à la maison et avoir déjà longuement disserté sur nos lectures et bien d’autres sujets encore, nous avons pris le chemin des jardins de l’institution départementale où le salon est hébergé depuis sa création. Le soleil illuminait ce site bien sympathique sous le rempart médiéval, en bordure du Doubs. Arrivés sur place, nous nous sommes bien vite séparés, vous connaissez tous nos goûts assez divergents, donc Shelton s’est orienté directement vers le secteur réservé à la BD, alors que je préférais rencontrer des auteurs de romans que j’ai déjà lus ou que j’ai envie de découvrir. Albin Michel avait délégué un solide contingent d’auteurs qu’il édite car, depuis plus d’un an maintenant, il a racheté la librairie Chapitre de Besançon, j’ai donc commencé ma visite par ce stand où figurait Craig Davidson, Joseph Boyden, et bientôt d’autres encore. Comme je n’avais pas envie d’entamer une discussion par le truchement d’une interprète, j’ai boudé Boyden qui est pourtant sur mes listes depuis longtemps, je me contenterai donc d’un emprunt à la médiathèque locale.

Comme Oriane Jeancourt Galignani était disponible, je me suis présenté à elle en lui disant que j’avais lu ces deux livres, « Mourir est un art, comme tout le reste » à propos du suicide de Sylvia Plath et « L’audience » qui sort à l’occasion de cette rentrée littéraire, que je les avais bien aimés et que je les avais commentés. Elle m’a dit qu’elle connaissait CrtiquesLibres, qu’elle avait lu mes commentaires et qu’elle les avait bien appréciés, flatteuse, elle a même ajouté que j’avais une belle plus, je ne suis pas dupe mais ça fait plaisir tout de même. Nous avons bien sûr parlé de Sylvia Plath, de la distance qu’elle avait prise avec la biographie pour écrire son roman, de sa manière de raconter et d’écrire une histoire que j’apprécie particulièrement et pour terminer de ses projets car je suis curieux de voir ce qu’elle pourrait proposer en écrivant un fiction pure et non un texte inspiré d’un personnage ou d’un événement ayant réellement existé. Elle ne sait pas encore car elle n’a terminé son dernier livre qu’au printemps et qu’elle n’a pas encore remis un texte en chantier. Elle est toujours rédactrice en chef de la revue « Transfuge » et ne consacre donc pas tout son temps à l’écriture.

Après cette sympathique et cordiale rencontre, mon étape suivante a été consacrée à Romain Slocombe qui siégeait derrière Oriane Jeancourt Galignani, je l’ai abordé en lui disant que j’avais lu son livre, que je l’avais apprécié mais qu’il y avait une ambigüité entre la lettre annoncée et le texte publié. Je pense qu’il a dû répondre cent fois à cette question mais il est resté très aimable et m’a répondu en souriant que ce livre faisait suite la commande de la jeune éditrice qui avait lancé la collection ayant pour caractéristique de publier des livres sous forme de « lettre à… » et il a bien convenu que son texte n’était pas, dans sa forme, en totale adéquation avec le projet de l’éditrice. J’ai aussi évoqué avec lui l’écriture un peu datée qu’il a utilisée pour rédiger ce texte, il m’a confié qu’il avait choisi un personnage très cultivé comme rédacteur de cette lettre pour pouvoir lui donner un langage élaboré qu’il a glissé dans le français de l’époque qui n’est pas son écriture habituelle, il a fait l’effort d’essayer d’écrire comme à l’époque en se nourrissant de textes contemporains de son intrigue. Comme j’ai bien apprécié son écriture, je lui ai dit qu’il avait plutôt bien réussi cet exercice. J’aurais voulu prolonger cet entretien et lui acheter son dernier livre mais des clients intéressés par une dédicace attendaient derrière moi, j’ai donc écourté mon propos en disant  que je reviendrais et évidemment, la visite étant longue, je ne l’ai pas fait… Il ne connait pas notre site, je lui ai dit qu’il y était en compétition cette année pour notre célèbre prix, il a noté consciencieusement notre adresse, promettant de nous rendre visite.

Thierry Beistingel, n’était pas à son poste, je suis passé plusieurs fois, peut-être n’était-il pas présent le samedi, les écrivains ne viennent en général qu’un jour ou deux sur les trois que dure le salon. J’étais un peu déçu parce que Feint me l’avait chaudement recommandé. J’ai donc poursuivi ma visite en me dirigeant vers le quartier réservé aux auteurs étrangers, c’état comme ça cette année, ils avaient un stand spécifique. Lyonel Trouilot était seul, je l’ai abordé en lui disant que j’avais lu son livre en compétition cette année pour notre célèbre prix, il ne savait pas, ne nous connaissait pas, il a noté. J’ai acheté son dernier livre et comme d‘autres lecteurs attendaient, j’ai laissé la place aux fans. Alaa El Aswany était à proximité, il partait pour une conférence à laquelle il participait, je lui ai glissé que j’avais beaucoup aimé son livre qui résumait bien la situation en Egypte juste avant les émeutes. Je lui ai aussi dit qu’il avait une belle place sur notre site, il était pressé, il m’a laissé sa carte de visite pour que je lui envoie l’adresse de son texte sur CL, ce que je ferai rapidement. Notre échange a été bref mais nous avons parlé comme deux vieilles connaissances qui se croisent sans avoir le temps de disserter.

Au bout du stand, il y avait un écrivain moldave, je crois que c’est la première fois qu’un livre traduit du moldave me tombe entre les mains, je l’ai feuilleté, l’auteur s’est approché pour nous proposer de répondre à nos questions. J’ai donc profité de sa disponibilité et de son amabilité pour nouer un petit dialogue car il ne parle pas parfaitement le français (mais il le possède suffisamment pour traduire Villon dans sa langue natale), assez cependant pour échanger quelques mots sur la littérature moldave. Comme je lui confiais que je n’avais jamais lu d’auteurs moldaves il m’a rétorqué qu’il n’était déjà pas très nombreux à habiter dans ce pays et que les écrivains n’y étaient effectivement pas très présents. Il n’en connait apparemment pas beaucoup mais, même si sa biographie dit qu’il habite à Chisinau, il a passé une bonne partie de sa vie en URSS, d’abord avec son père officier dans l’armée soviétique et puis comme journaliste, et la carte qu’il m’a laissée pour que je lui envoie mon commentaire indique qu’il réside à Montréal, donc il n’est peut-être pas très représentatif de la littérature moldave. J’en saurai plus après lecture de son livre.

Il commençait a se faire tard, j’aurais voulu évoquer avec Carole Martinez, les sources qu’elle avait consultées pour écrire son livre « Du domaine des murmures » qui se déroule au Moyen-âge dans la région de Besançon, car ayant moi-même étudié cette période, j’ai eu l’impression qu’elle avait fait des études un peu semblables aux miennes au moins pour cette partie ou alors elle a eu accès à des sources très précises car les personnages, les lieux, les faits qu’elle évoque, correspondent exactement à ce que j’ai trouvé dans les manuscrits et autres documents que j’ai consultés quand j’ai travaillé sur mon mémoire de maîtrise qui était consacré aux chroniques médiévales bisontines en langue française. Comme ce livre a eu un grand succès en Franche-Comté et que de plus elle présentait une BD dont elle a écrit le scénario, elle était absolument inabordable. Dommage, je suis sûr que nous avions des choses à échanger, peut-être une autre fois, ailleurs…

Il était temps de rejoindre Mrs Jone et Shelton qui étaient en grande conversation avec notre Pascal Marmet à nous, je suis resté à l’écart ne voulant rentrer dans une discussion déjà bien engagée avant que j’arrive. Le soleil déclinait sur l’horizon il était temps d’escalader la colline où, en 1668, Louis XIV avait installé ses canons pour soumettre notre bonne ville d’empire à la volonté du roi de France.

Une belle journée avec des amis de qualité, des auteurs passionnants et talentueux et j’ai hâte de retourner au « Mots Doubs » l’an prochain pour faire encore de belles rencontres… avec certains d’entre-vous peut-être !

Belles rencontres au Livre sur la place de Nancy et aux Mots Doubs de Besançon…

Cette année, j’ai eu l’occasion et la chance d’aller à la fois au Livre dur la place de Nancy et aux Mots Doubs de Besançon, deux des deux grands salons littéraires de la rentrée. Dans les deux cas ce fut aussi une rencontre avec le site « critiques libres », à Nancy avec Septularisen et à Besançon avec Débézed…

Un salon littéraire, c’est avant toute chose un espace où de très nombreux auteurs, parfois trop, tentent de nous accrocher, de retenir notre attention, de nous vendre leur livre. Ce n’est pas très facile pour les auteurs car rappelons que vendre n’est pas leur métier, eux ils écrivent dans la solitude ! Certains d’entre eux sont plus forts, plus bavards et on les aurait bien vus en bonimenteurs sur les marchés provinciaux. Mais ce ne sont pas toujours les meilleurs, ceux qui nous parlent le plus, ceux que l’on aurait envie de lire. D’autres, parfois, s’ennuient à mourir, regardent leur téléphone, écrivent sur une feuille comme pour s’échauffer pour la dédicace qui tarde à venir, lisent l’ouvrage de leur voisin d’infortune…

C’est ainsi qu’à Nancy, j’ai découvert un Antoine Volodine bien seul alors que sa consœur dont je tairai le nom était submergée par les lecteurs. Il a répondu à mes questions – une était même une suggestion de Septularisen – et a pris le temps de parler encore avec nous, de dédicacer un livre à chacun. Une belle rencontre pour clore un de mes temps forts de lecteur car j’ai été séduit par son Terminus radieux !

A Nancy, comment oublier la rencontre avec Joël Alessandra, un auteur de bandes dessinées qu’il faut absolument découvrir ! Son travail sur la corne africaine ou le Tchad est de toute beauté, pétri d’humanité, profondément littéraire, passionnant à lire ! Une belle interview, une rencontre douce et agréable, un moment de pur bonheur, quoi ! J’en profite pour citer quelques albums à lire : Errance en mer Rouge, Retour au Tchad, Frikie

Enfin, une belle découverte avec une auteure que je ne connaissais pas du tout. Elle fait des albums pour enfants, enfin non, des livres illustrés pour toute la famille. Elle est lumineuse, fine et dessine merveilleusement bien, raconte tout en douceur et elle m’a impressionné. Son nom est simple, Marie Dorléans, et on dirait qu’elle nous parle de la vie, de la terre, de nous… Des albums à ne pas manquer, à lire, à offrir, à commenter avec les jeunes ou moins jeunes lecteurs : On dirait que…, L’invité, La tête ailleurs.

A peine les bruits de Nancy ont-ils fini de s’estomper que les Mots Doubs arrivent à l’horizon. Heureusement, pour nous, Shelton et Mrs Jones, c’est d’abord l’occasion de retrouver la famille Débézed. Chaque salon est toujours l’occasion de retrouver un membre au moins de la communauté CLienne et ce n’est pas pour nous déplaire, bien au contraire. Mais c’est aussi le moment de rencontrer d’autres auteurs car d’un lieu à un autre, d’une manifestation à une autre, les invités changent. D’autres auteurs, d’autres livres, d’autres découvertes…

La première du jour sera le plaisir de retrouver une amie, Elise Fisher, une Lorraine. Une Lorraine dans le Doubs ? Oui, mais à Nancy, elle était bien là, assaillie par ses lecteurs fidèles, inaccessible pour une petite discussion entre amis. A Nancy, elle me dit avoir signé plus de 750 ouvrages en trois jours ! Là, à Besançon, c’est plus calme, elle est d’ailleurs plus détendue et j’aime la revoir ainsi de salon en salon…

Puis je me suis surtout consacré à des rencontres avec des auteurs de bandes dessinées ou de lectures pour la jeunesse : Yaël Hassan, Nancy Pina, Fred Neidhardt, Yatuu, Allan Barte… Enfin, pour terminer mon petit voyage livresque sur les bords du Doubs, quelques mots échangés avec René Cagnat et Pascal Marmet… Pascal Marmet ? Oui, celui-là même avec qui il y eut sur ce site quelques tensions jadis, mais en même temps la discussion autour de son livre sur le café a été plutôt bien sympathique… Vous en prendrez bien une petite tasse avec nous ! Non ?

Et pour clore cette seconde journée littéraire de ce beau mois de septembre, quelques pas le long du Doubs ou au-dessus de Besançon pour découvrir une magnifique ville qui n’attend que votre arrivée car elle s’offre avec plaisir à tous ses visiteurs !!!

Les jouets cultes, un sacré programme…

L’été est fait pour jouer et jouer n’est pas réservé aux enfants !!!

Aussi, en pensant à tous ces enfants joueurs et aux adultes nostalgiques de leur enfance, j’ai choisi aujourd’hui un livre alliant jeu et lecture, tout simplement. En effet, Pascal Pinteau, journaliste plus ou moins spécialisé dans la culture populaire, nous propose aux éditions Nouveau Monde, un ouvrage sur tous ces jouets qui ont marqué nos vies. Pour les plus âgés d’entre nous, ce sera l’occasion de retrouver ceux qui ont disparu des magasins spécialisés – qui d’ailleurs n’existent presque plus eux non plus – et pour les plus jeunes, ils découvriront avec effroi que les Lego existent depuis 1949 ! En plus, la petite brique en plastique emboitable n’est pas américaine mais danoise… Que de surprises pour le jeune joueur qui croyait que les Etats-Unis avaient tout inventé !

Si je présente cet ouvrage ici, sur le blog, c’est pour avoir le plaisir de mettre quelques images et quand on parle jouets cela me semble indispensable. L’évocation visuelle de certains de nos grands jeux d’enfance va faire rêver, c’est sûr !!!

J’avoue que lorsque je feuillette un tel ouvrage je commence par rechercher ma propre jeunesse et la mienne n’a pas commencé par les Mécano ou les Lego. C’est ainsi, j’ai plutôt joué au départ avec des modèles réduits. Je ne sais plus quel âge je pouvais bien avoir quand j’ai eu ma fameuse Batmobile. J’étais en primaire, c’est sûr, probablement une dizaine d’année. Je me souviens très bien où elle a été achetée par ma mère, dans un bazar, dans le village voisin. Il y avait là toutes sortes de jouets, mais je n’avais d’œil et d’attention que pour la Batmobile. Pourtant, je ne connaissais pas très bien le personnage de Batman… comme quoi il n’y a pas nécessairement de liens de cause à effet dans ce type de passion et d’envie. Il devait déjà y avoir comme un mécanisme de mode, il fallait avoir une Batmobile et je l’ai eue ! J’ai su avec cet ouvrage que le modèle réduit est arrivé en 1966 et que cet « engin » avait bien trois gadgets : le coupe-chaine, le lance-missiles et le réacteur avec une flamme en plastique qui était modulable en fonction du déplacement de la voiture… Et je me souviens bien de tout cela, comme si c’était hier… Pourtant, contrairement à certains de mes amis, je n’ai plus ma Batmobile ni d’ailleurs mon Aston Martin façon James Bond ! C’est ainsi, je n’ai pas tout conservé…

Après, j’eu d’autres voitures, des Matchbox bien sûr pour rester dans celles présentées dans l’ouvrage, mais aussi des Dinky Toys qui n’y sont pas. Les concurrents directs de Dinky Toys étaient Gorgi Toys et Solido, les Gorgi Toys sont très bien présentés dans le livre de Pinteau. Mais avec toutes ces pages je revois assez bien ma collection de véhicules en tous genres, puis celle de mon fils ainé consacrée plus particulièrement aux formules 1…

Dans les jouets cultes, il y a, c’est absolument indiscutable, les fameuses briques Lego. Je ne suis pas affirmatif seulement à cause du livre mais aussi parce que lors du dernier salon Kid Expo, j’ai vu des grands-parents, des parents, des enfants et des petits-enfants jouer ensemble autour d’un gros tas de Lego. Avec ces briques magiques on peut laisser son imagination prendre ses aises, tout devient possible, l’être humain devient architecte, designer, artiste… et l’adulte redevient enfant en quelques minutes !

Je ne parlerai pas dans cette critique des chapitres consacrés au GI JOE et aux Transformers, car ce sont des jouets d’une autre génération. Il en faut pour tous les âges, je vous ai parlé de mes jouets, vous retrouverez bien les vôtres…

Une seule critique forte pour cet ouvrage extraordinaire et magique, il est écrit par un garçon pour des garçons car il manque indiscutablement les jouets de filles. Enfin, je me reprends, il manque des jouets comme les Barbie, les poupées et les dinettes, jouets qui peuvent aussi enchanter les garçons, bien sûr !

Alors, cet été, lisez et jouez ! Le jeu est aussi un très bon vecteur de liens intergénérationnels et par expérience je vous certifie que les plus jeunes aiment tous les jeux si on prend le temps de jouer avec eux ! Jouets cultes, un livre de Pascal Pinteau, aux éditions Nouveau Monde, à lire et à jouer !

Chalon dans la rue : Les Philébulistes, programmation IN

Comme il s’agissait d’un spectacle du IN, comme la structure paraissait belle, comme j’avais vu les acrobates s’exercer en plein après-midi le mercredi, comme les avis étaient mitigés dans le journal et parmi les festivaliers, j’ai voulu aller voir les Philébulistes au square Chabas. Je n’irais pas jusqu’à affirmer que j’aurais mieux fait d’aller voir un autre spectacle, mais je comprends, par contre, pourquoi certains sont restés de marbre devant ce spectacle, pourquoi certains n’ont pas applaudi de bon cœur.

En fait, la structure est parfaite et elle était bien installée au cœur du square Chabas. Le public bien réparti de chaque côté de la structure pouvait voir le spectacle sans aucune difficulté et être assis dans l’herbe, c’est toujours aussi bien que d’être sur un goudron trop chaud, un macadam fondu ou un terrain vague poussiéreux. Qu’on se le dise !

Première remarque, on apprend au début du spectacle – enfin, c’était aussi annoncé dans la presse – qu’un des artiste ne participait pas car il s’était blessé. Il s’agissait d’une acrobate qui laissait ses cinq compagnons se débrouiller seuls, même si on se doute bien qu’elle aurait préféré éviter la blessure. Il n’empêche que cela déstabilisait probablement une partie du spectacle et depuis ma déception est doublée d’une autre interrogation : si elle avait été là, le spectacle aurait-il été tout autre ? Je n’aurai la réponse que si un jour je revois ce spectacle avec la troupe complète. En attendant, je préfère me dire que cette acrobate était la vedette extraordinaire qui manquait cruellement hier soir lors de cette représentation à Chalon…

Spectacle trop long, trop mou, mal écrit, dégageant trop d’ennui, acrobaties trop simples, trop de ratés, pas assez de rêve, trop peu d’énergie partagée, bref, pour un peu, je me serais endormi à la fraiche dans l’herbe humide… Heureusement, ma voisine de derrière râlait, ça me maintenait éveillé !Je ne veux pas être trop méchant pour ce spectacle, mais je suis sorti très déçu et je m’interroge encore du pourquoi de ce spectacle dans le IN du festival. Il y a tant de belles troupes, tant d’artistes de qualité dans les arts de la rue ! Heureusement, d’ailleurs, je pense que je vais oublier très vite cette soirée en compagnie des Philébulistes et que les deux jours à venir je vais encore faire plein de belles découvertes !!!

http://youtu.be/wglAa2b4Ino

Chalon dans la rue : Les Traînes-Savates

Oui, je sais, vous en avez marre de ces fanfare qui vous saoulent avec leur musique. Pour vous un spectacle c’est autre chose, une énergie qui se transmet entre artistes et spectateurs, un moment d’échange et de partage, une construction plus intellectuelle, un projet plus abouti qu’une simple suite de morceaux de musique…Je peux entendre un tel discours mais j’ai deux remarques à formuler avant de parler des Traîne-Savates. La première est simple : et s’il en fallait pour tous les goûts ? La rue est à tous, tous les goûts sont dans la nature et sans chercher à créer des hiérarchies improbables et peu crédibles, laissons chacun produire son art et chacun choisir ses spectacles. Le monde présent hier soir pour la première de Aire 2 funk à Chalon semble laisser à penser que ce type de spectacle plait énormément…

Mais je peux prolonger la réflexion en allant plus loin. Et si une fanfare produisait un spectacle écrit, construit, avec un véritable projet artistique et humain, seriez-vous capable de la percevoir, d’en profiter. Délicat d’être certain de cela car souvent les remarques contre les fanfares relèvent d’à priori sans intérêt.

Ici, la fanfare funky bien connue des chalonnais qui l’apprécient depuis qu’elle vient à Chalon dans la rue, propose une rencontre artistique et musicale entre un groupe instrumental funky, les Traîne-Savates, et des danseurs hip-hop. La rencontre dure 45 minutes environ et plus si affinité – avec le public bien sûr ! De plus, ce spectacle est plein d’humour ce qui ne gâche rien !

La prestation d’hier soir fut presque parfaite, dynamique, enthousiasmante avec des échanges d’énergie incroyables entre le public, les musiciens et les danseurs. J’ai eu le sentiment que tout le monde était à la hauteur et que nous vivions tous un grand moment de convivialité, de fête, de musique… de festival, tout simplement.

En discutant avec un musicien des Traîne-Savates, nous en sommes venus à parler de Hakim Bey et de ses zones d’autonomie temporaire (ZAT). Dans un de ses ouvrages, il prend le temps de parler des festivals, des temps hors du temps, ou des personnes, artistes et spectateurs, se rencontrent pour partager un moment spécifique, un instant d’énergie particulière, pour quitter la vie quotidienne et ses ronronnements, pour atteindre l’instant où l’humanité se transcende…

C’est peut-être bien cela un spectacle des Traîne-Savates, allez savoir ?    

Chalon dans la rue : A vélo vers le ciel !

A vélo vers le ciel annonçait le titre du spectacle de cette compagnie belge Theater Tol ! Mais le voyage était peut-être plus important que ce qui était annoncé puisque non seulement nous sommes bien partis vers le ciel mais nous avons atteint l’extase, le nirvana, le paradis !

Bien, commençons d’abord par quelques remarques désagréables entendues ici ou là : trop long, trop classique, pas d’histoire, trop élitiste, pas assez de feu d’artifice… Oui, c’est vrai qu’il faut reprendre tout cela calmement si on veut être objectif, et, surtout, vous donner envie d’aller voir ce spectacle dimanche soir…

Tout d’abord, ne croyez pas qu’il s’agit ni d’un feu d’artifice ni d’un spectacle pyrotechnique. Il s’agit bien d’un spectacle musical de danse aérienne avec grosse machinerie. C’est une sorte de féérie, d’enchantement, de rêve éveillé, de spectacle onirique, poétique… La musique qui sert d’appui à ce spectacle est non seulement classique, mais fortement lyrique. Là encore êtes prévenus, mais qui a dit que le lyrique est désagréable ? Ce qui est vrai c’est qu’il s’agit bien d’une musique que certains n’ont pas l’habitude d’entendre et ils peuvent être surpris… Pour certains ce sera donc peut-être un peu long, pour moi ce fut trop court : les quarante-cinq minutes du spectacle semblent passer en quelques secondes et on est tout surpris par le final sonore et visuel. Quoi, c’est déjà terminé ! Oui, mais c’était tellement beau…

Revenons sur un autre point de ce A vélo vers le ciel, c’est une sorte de danse aérienne, mais c’est bien une danse ! Donc, ne vous attendez pas à des textes explicatifs, des dialogues toniques ou des sous-titrages dans votre langue préférée. Ici c’est bien le corps et le geste qui vont donner du sens à cette recherche de hauteur, de bonheur, d’absolu… Car c’est bien de cela qu’il s’agit : oublier le monde avec ses laideurs, prendre de l’altitude pour conquérir un univers plus paisible, sympathique, rassurant…

Mais la danse s’appuie sur une technique, sur une machinerie, sur des éléments qui vont donner immédiatement une autre ampleur à la gestuelle, à la danse, au chant, à la musique… Il y a, dans un premier temps un système à pédales pour permettre aux anges de se déplacer sans bruit au milieu de la foule, puis il y a au loin une grue géante qui va donner l’envol à un cycliste avant de soulever une énorme structure ronde qui va provoquer l’émerveillement de tout le public, c’est-à-dire environ 2348 personnes (selon les organisateurs et autant d’après moi qui ai pris le temps de valider le décompte officiel).

Plusieurs musiques, extraits lyriques ou autre Ave Maria, donnant naissance à des tableaux visuels et aériens, tous plus enchanteurs les uns que les autres. On n’a pas le sentiment d’une histoire au sens traditionnel du terme, juste une narration pacifique et dont la poésie nous fait oublier soudainement tous nos problèmes… la magie du spectacle opère parfaitement et à la fin on n’en aurait presque oublié que nous étions à Chalon dans la rue, dans le IN du festival, que nous n’étions pas seuls sur cette place et que beaucoup avaient l’air d’être heureux, tout simplement…

Les photos ne donnent pas la pleine mesure de la beauté de l’ensemble, phénomène aggravé par l’absence du son… néanmoins, cela peut quand même vous donner l’envie d’aller les voir quand ils passeront à quelques kilomètres de chez vous…

Cette féérie sera rejouée à Chalon le 27 juillet, puis à Bergen aux Pays-Bas le 29 aout, pour la suite rendez-vous sur le site de la compagnie : http://www.theatertol.com/