Festival d’Angoulême 2022, neuvième partie du reportage…

Après avoir si bien commencé mon vendredi au festival d’Angoulême, j’ai continué mes rencontres avec enthousiasme et un moral remonté à fond. Seule ombre au tableau, avouons-le, je savais qu’après la dernière interview, il me faudrait prendre la route pour Chalon-sur-Saône soit environ six heures de route ce qui n’est pas rien après une journée complète de travail… Mais avant tout cela, il fallait déjà rencontrer Boulet et Aseyn et partir pour cet univers particulier de Bolchoï Arena… Cette série, déjà trois albums de parus, est très difficile à classer, cerner, présenter… Ce qui est certain c’est que la toile de fond est un tableau de ce que pourrait devenir Internet, une illustration de ce Metavers dont on parle souvent mais que peu cherchent à définir précisément. De quoi parle-t-on ? D’un Internet qui serait complété et renforcé par un mélange de réalité augmentée, de réalité virtuelle, de persistance, d’interactions possibles sans limites ou presque… Un peu comme si d’autres vies étaient possibles dans Internet (ou dans le Bolchoï Arena si vous préférez…)… Un peu, aussi, comme si les sciences pouvaient avancer plus vite ou différemment que dans la réalité, comme si les enjeux de pouvoir et d’argent trouvaient dans le Bolchoï leur aboutissement ultime… Bref, comme si la vie dans cet univers y était plus importante que dans la vie réelle !

Maintenant, ce n’est là que la toile de fond car dès que l’on rentre dans l’histoire, on est dans une histoire profondément humaine avec des personnages qui tentent de vivre leur vie avec des relations « normales », vous savez amitié, amour, confiance, trahison, solitude, pouvoir, tension, compétition… Rien de bien nouveau sur cette Terre… Enfin, à part que l’on n’est pas non plus réellement sur Terre et que l’univers du Bolchoï change un grand nombre de rapports humains…

C’est passionnant, très bien construit par le scénariste Boulet qui s’est très bien documenté sur le sujet et qui offre au lecteur des perspectives, des réflexions, des informations… Le dessin et surtout le jeu des couleurs mis en place par Aseyn sont totalement adaptés à l’histoire et le lecteur est plongé dans le Bolchoï de façon si efficace que dès la quatrième ou cinquième page du premier album on devient, nous aussi, une sorte d’acteur de cet univers !

Anecdote en passant, Boulet était assez dubitatif devant le grand nombre de professionnels et festivaliers qui avaient abandonné le masque (comme le gouvernement l’avait autorisé) et il s’avère que finalement il avait bien raison puisque le festival d’Angoulême fut une sorte de cluster avec un coronavirus qui fut bien partagé… Mais c’est une autre histoire !

Dès cette interview terminée, je quitte le stand Delcourt pour rejoindre l’hôtel Mercure ou m’attend un collègue, Cédric, qui va réaliser ses premières interviews d’auteurs durant ce festival. Ensemble, nous retrouvons Georges Bess et son épouse… Nous allons pouvoir aborder le travail admirable qu’il a réalisé sur deux romans gothiques anglais du XIX° siècle, Dracula et Frankenstein !

Georges Bess, qui a déjà 75 ans, est pour beaucoup d’entre nous un grand de la bande dessinée et nous avons chacun, dans sa production, notre petit préféré. Moi, c’est indiscutablement la série Juan Solo tandis que Cédric reste attaché à la série Le lama blanc. Mais je l’avoue, depuis que j’ai ouvert Dracula, ces deux derniers albums, adaptation très fidèles, sincères, personnelles, graphiques et réussies, ont un peu pris la première place…

L’échange est comme un moment hors du temps qui se déroule sur un rythme paisible, profond… Je ne sais pas si j’aurai encore l’occasion d’interviewer Georges Bess mais j’en profite pleinement près de 25 ans après notre première rencontre… Ce sera l’un des temps forts plein d’émotion de ce festival et ce sera à revivre dans le kiosque à BD sur RCF en Bourgogne très bientôt…

Après ce moment collector, si je puis me permettre, nous prenons le temps avec Cédric de nous sustenter quelque peu car l’après-midi sera encore bien rempli…

Festival Angoulême 2022, huitième partie du reportage de Shelton…

Et nous voici arrivés au dernier jour de mon festival d’Angoulême 2022. Oui, cette année, suite à différents problèmes organisationnels et de santé, je ne suis pas resté les samedi et dimanche. Donc, le vendredi avec ses douze rencontres programmées allait clôturer mon séjour dans la Charente…

Mais, avant de me précipiter vers la salle de presse pour y rencontrer mes premiers invités, je décide de prendre le temps pour aller voir de près la façade décorée par Catel en hommage à René Goscinny. Il faut dire que cette année le scénariste Goscinny, disparu en 1977, aura été bien à l’honneur : une exposition de qualité au musée de la ville d’Angoulême et une inauguration officielle de cette façade… Après tout, l’heure des scénaristes est sur le point d’arriver… Qui sait ?

Une autre petite anecdote sur cette façade. Elle est située rue Goscinny. Je n’avais pas regardé à l’avance l’emplacement sur la carte et je pensais que des habitants de la ville m’indiqueraient facilement la direction… On peut toujours rêver ! En effet, la rue Goscinny ne semble pas très connue et j’ai mis du temps à la trouver. Heureusement, c’est l’un des membres du bureau de l’association qui organise le festival qui finira par me mettre dans la bonne direction… Et, surprise, cette rue est exactement dans le prolongement de la rue Hergé…

Je peux alors me mettre en route pour l’hôtel de ville où se situe la salle de presse… Avant, je rappelle à tous ceux qui ne l’auraient pas encore lu qu’il existe un très beau livre sur Goscinny (et sa fille)… bien sûr, vous l’aurez deviné, un roman graphique de Catel elle-même !

Ce matin-là, je vais avoir trois duos d’auteurs à la suite et ce sera tout d’abord Rodolphe-Griffo. On peut dire deux grands de la bande dessinée sans enlever quoi que ce soit aux autres auteurs reçus ce festival. Les deux septuagénaires se retrouvent sur un projet né d’un rêve de la femme de Griffo que ce dernier a repris et organisé avant de faire appel à Rodolphe pour le transformer en véritable scénario… Un beau travail collectif, basé sur la confiance et l’amitié. La bande dessinée, un one shot, Iruène, est à la fois réaliste mais fortement imbibée de mysticisme, de réincarnation, de volonté de sa faire pardonner, de salut de l’âme… C’est aussi un hommage au peuple primitif d’une île sur laquelle vit Griffo… Une île des Canaries… La Palma… Alex vit de nos jours mais il va pouvoir revenir dans le passé et corriger sa propre histoire, celle de son peuple… Le voilà redevenu Bencomo chef de son peuple Guanche… Mais, pourra-t-il réellement protéger son peuple et son île face aux Conquistadors ?

En tous cas, l’interview se déroule très sereinement dans cette grande salle de presse encore calme… Mais, une fois cette première rencontre terminée, il me faut pénétrer dans l’antre populaire et bruyante car la prochaine a lieu sur le stand Delcourt où m’attendent, ou presque, Serge Lehman et Frederik Peeters… D’ailleurs, finalement, c’est quand même plus calme que ce que je pensais initialement ce qui tente à prouver qu’effectivement la fréquentation du festival 2022 sera inférieure à celles des autres années… On parlera dans le bilan de -25%… Et ce fut peut-être bien pire que cela !

Nous voici donc autour de cette série atypique dont deux tomes sont déjà parus, Saint-Elme. Cette série est à la fois policière, financière, familiale, délocalisée et surprenante, hantée de personnages tous plus fous les uns que les autres (« Mais jamais déprimés ! » précise immédiatement Frederik Peeters). Je pense qu’il faut l’ouvrir sans idées préconçues, juste avec l’envie de se laisser surprendre par l’histoire, par son traitement graphique, par ses couleurs…

Alors, bien sûr, comme il y aura au total cinq albums dans la série, il est difficile de tout vous raconter ou de raconter sans casser le suspense… Donc, il vous restera surtout à écouter l’interview lors de sa diffusion sur RCF en Bourgogne puis de vous précipiter sur ces albums et d’en profiter car je l’avoue j’ai adoré et j’attends la suite avec beaucoup d’impatience…

Ayant sous la mais ces deux auteurs, j’en profite pour parler rapidement d’Oleg (avec Frederik Peeters) et de la suite donnée à La brigade chimérique (Serge Lehman)… Après tout, il est bien normal de rentabiliser son temps, ses déplacements et d’être à fond durant 30 minutes !!!

Par contre, nous n’en étions qu’au début de cette grande journée de festival…

(A suivre !)

Festival Angoulême 2022, septième partie du reportage de Shelton…

Bien, le temps passe et je réalise que je ne vous ai pas encore raconté tout mon festival d’Angoulême. Certes, ce n’est pas vital mais cela peut quand même donner des idées de lecture… Alors, reprenons où nous en étions, je quittais l’hôtel Mercure pour rejoindre le Champ de Mars et le stand des éditions Delcourt où j’avais rendez-vous avec Giorgia Casetti.

Quand on rencontre pour la première fois une autrice, on doit s’attendre à tout pour ne pas être surpris. Dans mon cas, puisque je fais de la radio, les problèmes majeurs sont soit un voix qui passe mal, soit un manque total de répartie, soit des auteurs qui ne parlent que par « oui » ou « non » sans jamais développer… et, n’oublions pas non plus les auteurs d’origine étrangère qui parlent peu, mal ou pas du tout le français ! Certes, on peut passer par une langue commune, mais le résultat est quand même rarement très radiophonique…

Quand je découvre Giorgia Casetti, j’avais tout cela en tête mais très vite je souffle intérieurement : elle parle très bien le français, elle est vive et je sens que tout va très bien se passer. On peut donc entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire l’album « Abby & Walton » qu’elle a dessiné sur un scénario d’Anaïs Halard…

Il s’agit d’un conte pour la jeunesse mais le traitement, le sujet, la qualité de la narration graphique… en font un album grand public qui peut être lu à tous les âges ou presque. Plusieurs thèmes d’ailleurs sont abordés dont d’une certaine façon la mort, les enfers, les relations entre les personnes et, aussi ou surtout, les relations entre une mère et sa fille jeune adolescente… Attention, il ne s’agit pas d’une bande dessinée d’horreur dont l’objectif serait de faire peur… Bon, le lecteur peut avoir un petit peu peur, mais pas trop car même avec la Mort, il y a un peu d’humour…

Giorgia est jeune, très dynamique, parle avec clarté, explique ses choix, ses démarches, ses goûts et ses envies… Son dessin est marqué par le manga, par Disney et elle travaille dans la bédé franco-belge. Le mélange est de qualité, la narration graphique est pertinente et agréable à lire… Et l’entretien dont je viens de réécouter quelques passages est fluide et passionnant !  Après l’entretien, je vais apprendre qu’elle était très tendu au départ car elle n’avait pas l’habitude des interviews et que cette expérience lui a fait du bien car elle s’est rendu compte qu’un entretien avec un journaliste n’est quand même pas la mer à boire !

Avant de rencontrer l’autrice suivante et dernière de la journée, Mademoiselle Caroline, je discute avec quelques auteurs, journalistes et attachées de presse dans la salle Delcourt. Un petit coucou amical à Davy Mourier que je ne vais pas interviewer cette année à Angoulême mais qui est un ami que j’apprécie rencontrer dans les festivals même quand je ne lui tends pas le micro… En plus, il est en train de « chasser » le Pokémon ce qui fait bien rire, avouons-le, tous ses amis…

Si je découvrais Giorgia, j’avoue qu’avec Mademoiselle Caroline, il s’agit plutôt de retrouvailles après quelques années sans se croiser, du moins dans la vie réelle car je suis non seulement ses ouvrages parus mais aussi ses dessins et autres mots sur les réseaux sociaux !

Ce fut donc une belle rencontre avec la possibilité d’aborder des ouvrages différents. En effet, il y a ceux dans lesquels Mademoiselle Caroline se met au service d’une cause (La différence invisible, Le journal de Célia), ceux où elle raconte un épisode de sa vie (par exemple Ma vie d’artiste) et ceux où l’on retrouve ses dessins de blog ou de réseaux sociaux (Carnet d’aventures ordinaires).

Ce fut donc une très belle façon de terminer la journée, une belle tranche de festival de la bande dessinée… et surtout une belle fatigue qui va me permettre de m’écrouler sur mon lit jusqu’au lendemain matin…

Angoulême 2022, sixième partie de festival…

Il est grand temps que je continue à vous raconter mon festival d’Angoulême… En effet, après la très belle rencontre avec Tiburce et Philippe, j’ai du courir un peu pour rejoindre l’hôtel Mercure où m’attendait Sandrine Revel. Heureusement, pour moi, elle m’attendait patiemment et j’ai pu l’interviewer avant qu’elle ne reparte, elle-aussi, pour une autre interview…

Je suis très heureux de cette rencontre car elle aborde un sujet délicat et important, sociétal et profondément humain… La violence sexuelle n’est pas que l’apanage des prêtres et autres instituteurs, elle touche tous les milieux, toute la société et si on veut l’éradiquer, alors il faut en parler et changer nos modes d’éducation… Le conte peut être un moyen d’aborder le sujet sans tomber dans l’inaudible, dans le glauque, dans l’inabordable avec les enfants… sans pour autant oublier la gravité des faits !

Sandrine Revel nous raconte comment est né le projet, comment Théa Rojzman a conçu son conte, pourquoi elle a tout de suite accepté de le dessiner, comment elle a travaillé… Le résultat est merveilleux, c’est un très beau livre et c’est pour cela que je suis heureux qu’il ait obtenu, c’était le lendemain de notre rencontre, le prix des lycéens 2022, FIBD/Académie de Poitiers. C’est entièrement mérité et justifié !

Pour ce qui est du conte lui-même, je vous laisserai découvrir pourquoi certains se taisent, pourquoi certains personnages semblent avoir perdu la tête et surtout pourquoi on croise tant de « bleus »… D’ailleurs, vous l’êtes peut-être aussi et cela vous fera du bien de lire cet album…

Dès que notre entretien est terminé, je n’ai qu’à juste changer de salle pour rencontrer Stephen Desberg et partir pour l’enfer… Sérieux, quand je dis « l’enfer », je ne parle pas de la qualité de l’entretien avec Stephen Desberg, mais bien de la visite dans laquelle il m’entraine en compagnie de son dessinateur Tony Sandoval !

La descente aux enfers est un sujet classique et fortement marquée par nos éducations. Desberg arrive avec un catholicisme solide, celui de sa maman, un athéisme certain, celui de son père et Tony Sandoval la culture mexicaine autour de ces enfers… Le tout est explosif, effrayant et, pourtant, plein d’espérance comme le lecteur s’en rendra finalement compte…

Cet album est intéressant, pour ne pas dire plus, pour sa construction, sa réalisation artistique et les valeurs qu’il porte. Pour ce dernier point, le plus important selon moi, passée l’émotion artistique bien réelle et justifiée, est de comprendre que nul n’est totalement mauvais (il y a des circonstances, des explications, des psychologies… et jamais d’excuses) et que l’enfer est avant tout notre enfermement dans nos absurdités, nos dysfonctionnements, nos erreurs et dès que l’Amour reprend le dessus, alors les portes de l’enfer peuvent se rouvrir pour le meilleur ! « Volage » est donc un livre à lire et relire !

Quand on rencontre Stephen Desberg, avouons-le sans détour, il est difficile de ne pas parler de toutes ses autres séries, ou du moins de celles que l’on a le plus appréciées… Donc, je me laisse aller à en aborder quelques-unes comme la suite donnée à SOS Bonheur ou IRS… Ce qui est fascinant c’est de constater que Desberg se laisse aller à avouer que certaines suites ou prolongements de séries ont été trop commerciales tandis que certains albums ont été personnels et forts… Il regrette aussi clairement que certains auteurs comme Jean Van Hamme n’aient jamais été récompensés à Angoulême… Un beau moment de vérité, de simplicité, d’authenticité humaine que j’apprécie beaucoup ! Merci monsieur Stephen Desberg de ces minutes passées ensemble !

Heureusement, après ces deux entretiens au Mercure, je n’ai pas besoin de courir car la rencontre suivante avait été annulée pour train manqué…

(A suivre !)

Festival d’Angoulême 2022, cinquième partie…

Toujours surprenant de constater que les rendez-vous ne se répartissent pas de façon régulière dans une journée de festival. Parfois, on a des creux, des moments presque de méditation, tandis qu’à certaines heures, il faudrait être à plusieurs endroits à la fois… Il me faut donc être patient, rapide dans mes déplacements, précis dans mes questions pour ne pas perdre trop de temps… Et ce jeudi matin d’Angoulême, tout a commencé paisiblement… Une seule interview au programme, la rencontre avec Frédéric Brémaud, un scénariste…
Petite information en passant. Ne vous inquiétez pas si vous voyez parfois Brrémaud avec deux « r », ou Brémaud avec un seul « r », il s’agit bien du même scénariste !
J’attendais cette rencontre car j’ai beaucoup apprécié ses adaptations de romans d’Agatha Christie. Avec Alberto Zanon au dessin, il a fait chez Paquet trois albums avec Poirot comme héros : ABC contre Poirot, Le crime du golf et, petite nouveauté, Drame en trois actes. J’aime sa façon de découper les histoires, de sortir du modèle de la série TV avec David Suchet… On sort du regard que cette série TV a imposé, on est dans une création personnelle même si les romans restent les mêmes, les coupables sont connus, les meurtres ne changent pas… Mais, le passionné d’Agatha Christie s’y retrouve tout en étant embarqué dans la mécanique de Brémaud qui fonctionne très bien… Frédéric me confie qu’il avait été sur le point de refuser de faire ces adaptations mais qu’il avait accepté car finalement on lui avait laissé la liberté de choisir les romans, que la pagination permettait de construire un polar de qualité, que l’on n’était pas obligé de se limiter aux romans les plus connus…
Mais Frédéric Brémaud c’est aussi un très bel album que j’ai adoré, Les vacances de Donald. Chez Glénat, on nous propose depuis quelques petites années, des histoires des héros de Disney mais avec des bédéistes franco-belges aux commandes. C’est globalement très réussi et chaque auteur peut se laisser aller à raconter le Mickey qu’il avait attendu, le Donald de son enfance, la Minnie dont il était amoureux, le Patibulaire qui lui faisait peur… Là, Frédéric Brémaud nous invite à lire un album sans texte, très dynamique, que l’on dévore sans répit… De la bande dessinée à l’état pure, un récit brut d’une perfection étonnante… J’ai adoré et l’entente avec le dessinateur Federico Bertolucci semble avoir été si bonne qu’ils vont certainement récidiver prochainement… Mais les deux artistes se connaissent bien car ils ont réalisé ensemble, entre autres, les série Love et Brindille. Un très beau moment pour des albums de qualité à découvrir ou relire…
Le reste de ma matinée est consacré à la conférence des éditions Dupuis qui annoncent leur anniversaire… 100 ans, ce n’est pas rien ! Mais disons que cette conférence de presse m’a un peu laissé sur ma fin. Peu dynamique, manquant de participation d’auteurs, avec peu d’informations précises… Bref, en sortant, une seule chose est certaine : Gaston Lagaffe va revenir ! Enfin, on a trouvé un dessinateur pour reprendre la série, Delaf, coscénariste et dessinateur de la série Les nombrils. Petit bémol, même si les éditions Dupuis semblent sûres d’elles, la fille de Franquin, elle, est opposée à cette reprise… Alors, attendons et voyons bien ce qui se passera…
Si la matinée fut calme et sans surprise, l’après-midi fut plus mouvementée avec 5 interviews et deux lapins… Le premier lapin fut rapidement posé, Stéphane Créty a raté son train et donc il allait arriver seulement pour le lendemain et n’avait aucun créneau libre pour rattraper on absence. Je le croiserai rapidement le lendemain et nous avons décidé de nous voir à Metz, sa ville de résidence, ville de ma Lorraine de cœur, donc rien de perdu… Quant au deuxième lapin, plus banal, il est lié au fait que Lionel Richerand a tout simplement disparu après sa séance de dédicace… Heureusement, on a retrouvé trace de cet auteur plus tard dans la journée et j’aurai l’occasion de l’interviewer prochainement à Paris…
L’après-midi commença donc par la rencontre avec Philippe Pelaez (scénariste) et Tiburce Oger (dessinateur). Ils sont là pour présenter le premier volume d’un diptyque, Enfer pour Aube… Il faut que vous sachiez que les rendez-vous avec auteurs à Angoulême sont grosso modo calibrés à 30 minutes et que nous devons respecter les horaires pour ne pas perturber l’organisation de chaque maison d’édition. Cette rencontre eut lieu dans l’espace presse des éditions Soleil/Delcourt et tout a bien failli mal finir, c’est-à-dire hors délais…
Il faut dire que Tiburce, à peine arrivé, a voulu nous montrer, à son scénariste et à moi-même, les originaux magnifiques qu’il avait avec lui… Moment exceptionnel, travail étonnant en grand format, bonheur absolu pour les amateurs de bande dessinée, mais qui nous a fait perdre du temps d’interview et qui ne peut pas être « montré » en radio…
Il a donc fallu le stopper dans ses élans même si par ailleurs on aurait bien aimé tout voir et le faire commenter… Heureusement, une fois plongés dans l’entretien les deux auteurs sont passionnants… On finit même par rire de bon cœur quand Philippe Pelaez nous avoue se sentir un usurpateur à Angoulême, se sentant plus prof que scénariste… tandis que Tiburce avoue qu’il triche parfois dans découpage pour éviter de dessiner certaines scènes ou mouvement… Un usurpateur et un tricheur pour une série qui se déroule dans les bas-fonds parisiens…
Un très beau moment centré sur la bande dessinée, l’art, l’histoire, la politique… Ouvrez seulement cet album et vous comprendrez très vite pourquoi j’ai été séduit…
Mais, à peine la trentième minute écoulée, je suis obligé de les quitter pour foncer vers le fameux hôtel Mercure d’Angoulême où m’attend la prochaine de ma liste, Sandrine Revel… Mais c’est une autre histoire…
(A suivre !)

Festival d’Angoulême 2022, quatrième partie…

La dernière interview de cette première journée sur Angoulême, à l’occasion du 49ème festival international de la bande dessinée, fut une rencontre avec Sylvain Runberg. Comme à chaque fois avec un scénariste, on ne parle pas d’une seule nouveauté mais de plusieurs albums parus plus ou moins récemment… Du coup, la discussion est plus variée, plus ouverte… et n’allez surtout pas croire que je n’aime pas les dessinateurs !

Nous avons donc commencé par un superbe voyage sur la planète Mars, une planète rouge transformée en centre pénitentiaire et d’exploitation minière. Une histoire en trois tomes dessinés par Grun. Dans cette trilogie profondément humaine on va être confronté aux questions presque habituelles de l’humanité : pouvoir, violence, emprise sectaire, argent… et il sera question de l’avenir de cette planète et même de celui de l’humanité !

J’ai beaucoup aimé ce « On Mars » et la discussion est très intéressante, je dirais même passionnante… Je fais remarquer à Sylvain Runberg qu’il manque quand même le thème de l’amour mais il répond très à propos que l’amour en prison n’est pas le sentiment le plus répandu… Non ?

« On Mars » est une histoire née directement de l’imagination de Sylvain Runberg tandis que nous allons évoquer ensuite des adaptations à partir de romans de Franck Thilliez. Là, on retrouve Luc Brahy au dessin (Cognac, Imago mundi, Les fantômes du passé…) et une construction très classique pour une bédé policière de qualité. Deux volumes sont déjà sortis et il y en aura d’autres, d’une part pour clore la trilogie commencée mais aussi pour adapter d’autres romans de Franck Thilliez…

Sylvain Runberg fait aussi partie de l’aventure de Conan le Cimmérien. Jean-David Morvan avait en tête d’adapter en bédé toutes les nouvelles de Robert E. Howard racontant Conan. On parle bien ici des douze histoires originales et non de celles qui furent écrites par la suite (Howard est décédé en 1936). Pour ces douze albums, Jean-David a recherché des talents, des volontaires, des binômes d’auteurs… C’est ainsi que Sylvain Runberg s’est chargé de l’adaptation de l’histoire « Le peuple du cercle noir » dessinée par Park Jae Kwang, jeune coréen de talent !

Enfin, nous avons terminé par évoquer le travail original avec Marc Lévy sur « L’agence des invisibles ». En effet, adapter Marc Lévy en bédé a déjà été fait plusieurs fois mais, là, il s’agit de collaborer avec Marc Lévy pour transformer une idée originale directement en bédé sans passer par la case « roman ». Cela fonctionne très bien et après ce premier volume qui pose les éléments clefs (à savoir ce qu’est cette agence des invisibles), nous attendons maintenant de belles enquêtes avec des personnages crédibles… Le travail entre le romancier et le scénariste BD semble bien fonctionner et en tous cas ce dernier est très heureux de cette expérience…

C’est ainsi que je terminais les interviews de cette première journée à Angoulême, quatre très belles rencontres qui ont été complétées par quatre visites d’exposition, une soirée d’inauguration et un concert dessin…Tout cela restera bien gravé dans ma mémoire et je peux dire que j’étais déjà très heureux de mon déplacement à Angoulême !

Soirée d’inauguration, troisième partie

A situation exceptionnelle, il faut bien une inauguration exceptionnelle. Or tout était exceptionnel, reprise du festival après une trêve pandémique, festival en mars (tient, Mars est bien le dieu de la guerre !), festival durant une guerre…

Il y eut donc ce que les dessinateurs savent le mieux faire, un concert de dessin.

Difficile de résumer un tel moment…Un pianiste franco-ukrainien et une douzaine de dessinateurs de plusieurs nations… Visiblement un leader, Alfred mais nous ne ferons pas l’erreur d’oublier tous les dessinateurs présents et ceux qui avaient envoyé leurs dessins…

Ce qui est certain, c’est que ce soir-là, il y eut bien des acteurs de la BD, des journalistes et des festivaliers qui pensèrent au peuple ukrainien… C’est peu par rapport à ce que cette population vit au quotidien et c’est quand même mieux que si cela n’avait pas été fait…

Comme quoi, on peut monter des actions avec célérité contrairement à ce que certains veulent nous faire croire parfois…

Festival d’Angoulême 2O22, troisième partie…

Toujours le mercredi après midi, c’est-à-dire durant ce temps réservé aux journalistes avant que le festival soit ouvert au public, j’ai eu la chance de rencontrer Etienne Oburie, dessinateur de bandes dessinées, en particulier la dernière parue, Monsieur le Commandant. Il s’agit d’une adaptation en bédé du roman épistolaire de Romain Slocombe, avec un scénario de Xavier Bétaucourt.

Pour ce qui est de la rencontre avec Etienne, elle est d’autant plus facile à organiser qu’il s’agit d’un auteur travaillant et vivant à Angoulême. Il partage un atelier avec des artistes qui touchent au jeu vidéo, au son, à l’image… Oui, ici, à Angoulême, on ne fait pas que de la bande dessinée… Et Etienne avait à la fois besoin d’un atelier pour ne pas se retrouver seul devant sa planche à dessin, mais aussi riche par la diversité car il ne voulait pas rester enfermé juste avec des auteurs de bédés… Là, il est tout simplement heureux et efficace !

Dans l’ambiance encore paisible de la salle de presse du festival, il prend le temps de présenter avec passion, professionnalisme et conviction, l’ensemble de son travail… On parle surtout du petit dernier qui a eu la particularité de le faire fréquenter durant de longs mois un personnage particulièrement désagréable, au départ, lourd et pénible, en cours d’album, et même foncièrement mauvais à la fin de l’histoire… Et c’est là toute la difficulté pour un dessinateur quand il doit créer un personnage mauvais qui est, de fait, le personnage central de l’histoire. On doit le dessiner et redessiner, on connait ses traits par cœur, ses formes, ses expressions… et, pourtant, on le déteste !

L’album, malgré la noirceur du personnage, est une belle réussite. D’un roman épistolaire, le scénariste Xavier Bétaucourt a fait une histoire claire, facile à lire et le tout avec des personnages bien ciblé et posés. Etienne Oburie a construit une narration graphique solide, efficace et accessible aux lecteurs d’un grand public… Mais, heureusement, la guerre n’est pas d’actualité, les auteurs et Etienne Oburie ne sont pas stressés par la guerre… Les organisateurs ne pensent pas qu’à cela et les lecteurs ont bien autre chose en tête…

Euh… ou pas, en fait !

Pour se changer les idées, d’ailleurs, rien de tel qu’une exposition consacrée à Shigeru Mizuki… Normal, à 20 ans ce jeune artiste est enrôlé dans l’armée impériale japonaise et il perd le bras gauche (alors qu’il était gaucher) et attrape la malaria… avant d’être prisonnier de guerre !

Je ne vous raconte pas toute sa vie car c’est son œuvre qui est importante car ce gaucher va apprendre à dessiner avec sa main droite et va devenir un mangaka reconnu pour ses histoires d’horreur (monstres et fantômes en particulier) et ses récits de guerre…La visite guidée permet de comprendre le travail de Mizuki que je ne connaissais pas vraiment et qui semble à découvrir, du moins pour les histoires qui existent en version française comme « Kitaro le repoussant »…

Enfin, de retour dans la salle de presse du festival, je ne peux que constater qu’il y a encore fort peu de monde ce qui permet d’observer ces meubles en carton mis en place par le sponsor majeur du festival, RAJA…

 Ce sponsor est aussi à l’origine d’une rébellion, si on peut dire, avec la création de « son » prix BD lié à l’écologie. Cette initiative qui ressemble pour certains à du greenwashing provoque la démission du jury, le refus de concourir d’un certain nombre d’auteurs… et c’est quand même toujours un problème quand un sponsor ou mécène veut imposer son point de vue… Quant à moi, je l’avoue, je pense aussi que les meubles traditionnels sont beaucoup plus confortables, mais c’est une autre histoire !!!

 

Festival d’Angoulême 2022, deuxième partie

Ma seconde rencontre du festival international de la bande dessinée d’Angoulême fut celle avec l’un des lauréats du prix Goscinny 2022, Jean-David Morvan. Oui, je sais que beaucoup recherchent durant ce festival des rencontres avec des dessinateurs. Moi, sans les éviter, loin de là, j’aime rencontrer les scénaristes, ceux qui ont créé les histoires (et qui d’ailleurs pour certains les dessinent aussi). Dans la bande dessinée on a besoin des deux (et on pourrait même y ajouter les coloristes pour qui j’ai une tendresse particulière) car une bande dessinée sans bonne histoire n’a aucune chance de satisfaire le lecteur et une bande dessinée avec une excellente histoire mais massacrée au dessin ne pourra pas séduire le même lecteur… Oui, la bande dessinée est bien un art complexe qui a besoin de l’union de plusieurs talents pour offrir la réussite (je n’ai pas parlé ici de succès commercial !).

Jean-David Morvan est l’un des scénaristes contemporains les plus productifs. Je ne vais certainement pas lister tous ses travaux mais durant l’émission nous passons en revue ceux que j’ai aimés, appréciés voir même ceux qui sont devenus cultes pour moi comme la série Sillage que j’apprécie énormément… Le « space opera » commandé par Delcourt dont le premier album est sorti en 1998 voit cette année la sortie du tome 21 ! Le dessin de Philippe Buchet est toujours aussi pétillant et le dessinateur est même devenu le coscénariste car Jean-David Morvan est maintenant submergé par le travail et ses séries sur la guerre… Nous allons en reparler !

La force de Sillage, série de science fiction, tient à mon avis de plusieurs éléments. Il y a les personnages très nombreux dont seule, au départ, Nävis est humaine tandis que tous les autres sont des espèces variées d’extraterrestres dessinées avec génie par Philippe Buchet qui fait preuve d’une créativité géniale tout simplement… Il y a aussi l’organisation de l’histoire qui fait que chaque album peut se lire, se déguster, s’apprécier, de façon indépendante. Mais il y a aussi les thèmes qui bien souvent suivent de près la vie sur la planète avec des réflexions sur la violence, la guerre, la pollution, la colonisation… et dans le dernier album, la question des migrants, du journalisme, de l’exploitation des terres et des populations… Oui, une série dense et de très grande qualité !

Mais Jean-Baptiste Morvan est aussi un scénariste remarquable capable d’adapter en bande dessinée des romans. On ne peut pas évoquer toutes ces adaptations mais relevons que celles de Boris Vian ou Vernon Sullivan (toujours Boris Vian mais sous un autre nom !) sont d’une très grande valeur qui montre que jean-David Morvan aime cet auteur depuis longtemps, peut-être depuis qu’il sait lire, qui sait, ou depuis qu’il a fauché ces ouvrages dans la bibliothèque paternelle, plus surement !

Enfin, dans la dernière partie de notre entretien, nous prenons le temps de parler de ses différents ouvrages sur la guerre. Il y a ceux qui sont directement des adaptations comme le remarquable « Les croix de bois » mais qui est beaucoup plus qu’une simple adaptation du roman de Roland Dorgelès. Il y a les récits comme les cinq volumes d’Irena, superbe bande dessinée qui parle de la guerre et du Ghetto de Varsovie en particulier en s’adressant au public le plus large, c’est-à-dire les enfants de la fin de l’école élémentaire… Enfin, il y a cette « Madeleine, Résistante » dont le premier volume est sorti et qui a valu à Jean-David Morvan le prix Goscinny… Mais un prix qu’il partage avec Madeleine Riffaud, elle-même, car cette fois-ci Jean-David travaille avec une personne vivante et raconte son histoire… Madeleine a 97 ans mais elle semble heureuse de travailler avec Morvan et Bertail (le dessinateur) sur un support qu’elle ne connait quasiment pas et une bande dessinée qu’elle ne pourra même pas lire car sa vue ne lui permet pas… Mais la voilà, elle aussi, avec le prix Goscinny, une distinction que Jean-David Morvan est comblé de partager avec elle !

Un magnifique entretien avec un scénariste heureux d’être récompensé, heureux de voir ses lecteurs et ses amis auteurs, et prêt à représenter Madeleine Riffaud au moment de recevoir le prix car Madeleine, bien sûr, n’a pas pu venir à Angoulême…

En plus, il se dit avec insistance qu’une nouvelle série sur la guerre arrive, avec la même équipe qu’Irina, cette fois-ci pour raconter Simone, l’histoire d’une autre résistante, Simone Lagrange, témoin clef dans le procès Barbie… Décidément, Jean-David Morvan continue ce travail sur notre mémoire et on ne peut que le remercier… et le lire !!!

Soirée d’inauguration, deuxième partie

Après la remise du Grand Prix 2021 de la ville d’Angoulême à Chris Ware, il était temps de passer à la soirée 2022… Le rattrapage lié à la pandémie, on passait réellement à l’inauguration du 49ème  festival international de la bande dessinée d’Angoulême…
Donc, Chris Ware, en grand maitre de cérémonie a ouvert l’enveloppe contenant le résultat du vote final pour l’attribution du grand prix 2022. Rappelons que c’est l’ensemble des auteurs professionnels qui élisent le grand prix de l’année…
Pour faire durer le suspense, Chris Ware a commencé par deux remarques : il a félicité les deux autrices qui étaient en concurrence avec lui dans la finale et s’est interrogé sur un système qui met en opposition des artistes !
Mais, comme il ne peut pas y avoir que des vainqueurs, il a donné le nom de celle qui avait gagné :Julie Doucet ! Cette dernière l’a rejoint et est restée assez assommée par la nouvelle…
Un prix mérité, indiscutablement… Une autrice qu’il faut prendre le temps de découvrir, lire…