Geoffroy Monde et son monde seront à Saint-Malo !

Dans les découvertes BD de la rentrée, il y a le Poussière de Geoffroy Monde. Je serais tenté de dire que cet album est encore plus étonnant que son ouvrage précédent aux mêmes éditions Delcourt, De rien. Seulement, si la première fois il s’agissait en quelques sortes de nouvelles absurdes, surprenantes et humaines, ici, cette fois, dans Poussière, il s’agit d’une histoire en plusieurs volumes… Encore de l’absurde ? Non, pas vraiment mais toujours autant d’humanité…

Seulement, le chroniqueur est bien embêté, pour ne pas dire plus, au moment de vous parler de l’intrigue… sans tout dévoiler… Oui, comment faire, par où commencer… Je vais essayer et ne m’en voulez pas trop si vous ne comprenez rien et si vous n’arrivez pas à classer cette bédé… D’ailleurs, je ne suis pas certain que Geoffroy souhaiterait être classé, rangé, enfermé dans une boite…Ce qui est certain, c’est que Geoffroy nous plonge dans un monde – la planète Alta – en pleine guerre, une guerre inégale, injuste et cruelle, celle qui met les Cyclopes, de terre et de mer, face aux humains… Enfin, drôle d’humanité quand même, drôles de Cyclopes aussi d’ailleurs… Le combat fait rage mais le pire c’est qu’il semble être déterminé et répétitif… Quand les Cyclopes meurent au combat, ils ressuscitent, par un artifice que je vous laisse découvrir, tandis que les humains…

Un dessin fantastique, narratif, des personnages époustouflants et un album aux couleurs vives presque dérangeantes au départ… Et on plonge, on se délecte, on y croit, on tremble pour l’humanité et on se demande de quelle légende s’est inspiré l’auteur, quelle mythologie il est en train de nous raconter, de faire revivre, de s’être approprié…Et j’ai envie de dire que c’est maintenant qu’il faut que je m’arrête concernant ce scénario finement ciselé et aux rebondissements incroyables… Oui, je sais bien que vous ne savez pas encore dans quelle époque se déroule l’histoire… dans quel pays vivent ces Cyclopes… quelles sont les armes des uns et des autres… Mais j’ai envie de vous dire : foncez, allez y, ne vous posez pas de question, laissez-vous faire, acceptez l’inconnu et les surprises… Oui, laissez Poussière vous recouvrir…

Alors, oui, cet album ne plaira probablement pas aux lecteurs trop conventionnels, trop rigoureux dans leur logique, trop rationnels… Oui, cette histoire va déstabiliser ceux qui sont figés sur les canons de la SF et du fantastique, ceux qui pensent qu’il ne faut pas trop dévoyer les mythes… Probablement…

Mais j’avoue pour ma part avoir été embarqué dans cette histoire, de l’avoir dévoré avec bonheur et avoir été secoué profondément par certains rebondissements en fin d’album… J’attends la suite avec impatience et je suis pressé de rencontrer Geoffroy Monde à Saint-Malo à l’occasion de Quai des Bulles 2018

Dialogue dans le couple par Zelba qui sera bien à Saint-Malo…

Je ne vais pas encore vous ressortir mes couplets classiques sur la place des femmes dans la bande dessinée, que ce soit d’ailleurs dans les créateurs, les éditeurs, les lecteurs… Non, j’espère que vous avez bien compris que cet art narratif est universel, qu’il ne devrait pas y avoir de différence de traitement pour les unes ou les autres et que, surtout, la bédé pour filles n’est pas un genre… Il y a les bédés que l’on aime, celles qui nous touchent et celles, bien sûr, qui nous lassent indifférents, du moins au moment où on les lit car il ne faut jamais jurer de rien…Oui, mais les femmes dans la bédé ne parlent que d’histoires pour les femmes ! Tiens donc, vous en êtes sûrs ? Vous n’avez pas lu, je pense, Clinch de Zelba car cette histoire n’est pas une histoire de femmes mais de couple ! Et un couple, jusqu’à nouvel ordre ce n’est pas une histoire de femmes mais une histoire d’amour, de tension, de haine, de délire, de combat, de survie… Vous n’avez pas lu Sous les bouclettes de Mélaka car c’est une histoire de vie et de mort, de passion et de maladie, d’amour et de tendresse, de famille, de voisinage, de culture, d’écriture… Oui, les femmes, comme les hommes, écrivent les histoires qui les habitent et bien souvent nous touchons-là la vie tout simplement, dans toutes ses dimensions !Oui, même si vous plongez dans vos clichés en ouvrant le dernier opus de Mademoiselle Caroline – Ma vie d’artiste – ou de Mathou – Et puis Colette – vous allez découvrir des histoires profondément humaines et universelles, des histoires qui nous font grandir…

Mais, comme nous sommes en pleine préparation de Quai des bulles 2018, à Saint-Malo, revenons à une autrice qui sera là et que nous allons rencontrer, Zelba ! Parlons donc de Clinch, de ma lecture de Clinch, la bédé de Zelba qui est sortie il y a quelques mois…

Au départ, le lecteur est un peu perdu… De quoi s’agit-il ? Le sous-titre lui annonce « deux amis, un combat, une nuit blanche ». Très vite, il est en compagnie de deux garçons et il ose imaginer que c’est là les deux amis… Mais, une amitié peut en cacher une autre…

Là, je réalise toute la difficulté pour parler de Clinch en respectant le lecteur pour ne pas détruire le suspense magnifiquement construit par Zelba. Car si on a bien deux amis, ils sont plutôt là en spectateurs, en parieurs, en commentateurs… Oui, on assiste à un combat de boxe et on a bien le droit de parier sur le vainqueur ! Non ?Oui, mais une femme ne peut pas écrire sur un combat de boxe, quand même ! C’est une affaire d’hommes, sans blague ! Pourtant le combat est un corps à corps et je ne vois pas ce que cela aurait de spécifiquement masculin, non ? Oui, mais alors si on parle de corps à corps, on parle d’amour et de sexe et votre bande dessinée est tout simplement un titre girly de plus pour lectrices qui s’ennuient ou se prélassent… Une bédé pour fille, quoi !

Depuis plusieurs années, j’explique dans ma famille, avec l’aide d’un de mes fils, que la catégorie «pour filles» cela n’existe pas ! Non, ni en bédé, ni en cinéma, ni en littérature… C’est ainsi : il y a des histoires policières, des romances, des aventures périlleuses, de la science-fiction, du fantastique, de la biographie, des histoires sociales, politiques, rouges, noires… et j’en passe et des meilleures ! Mais, «pour filles», oubliez, cela n’est pas une catégorie et, donc, Clinch n’est pas une bédé pour filles, c’est un roman graphique pour adultes tout simplement… Les ados confirmés s’y retrouveront aussi, bien sûr, mais ce n’est pas pour les jeunes lecteurs, tout simplement…

Clinch est la confrontation entre deux êtres humains, un garçon et une fille, deux adultes pris dans leur vie, deux amis d’enfance, deux destinées qui doivent en une nuit prendre leur chemin propre… Quelle place à l’amour ? Quelle perspective commune ? Quelle direction suivront-ils ? Les spectateurs gagneront-ils leurs paris ? Zelba vous charmera-t-elle comme elle m’a charmé en moins de cent planches ?

Un roman graphique qu’il faut lire en une seule fois, sans a priori, sans se poser de questions et en acceptant tout ce qui va se passer durant cette nuit… Alors, au petit matin, vous aurez le droit de vous déclarer touchés ou pas, vous choisirez votre camp, et vous comprendrez définitivement que la bande dessinée pour filles par des filles avec des filles cela n’existe pas ! Par contre, vous aurez la preuve en main que la bande dessinée peut tout raconter, toutes les situations humaines, avec talent, pour tous les goûts… Certains seront déçus – pourquoi pas – tandis que d’autres seront énervés… J’espère que vous serez nombreux à me rejoindre dans ceux qui auront passé un moment très agréable avec les personnages de Zelba et que vous classerez cette autrice dans celles qu’il faut guetter pour être certain de ne pas manquer son prochain album…

Alors, pour ceux qui n’auront pas la chance d’aller la rencontrer à Saint-Malo, je vous invite dès maintenant à réserver un peu de temps pour aller la croiser à l’Antre des bulles de Chalon-sur-Saône, le 10 novembre !

Quand la bédé parle de la neurofibromatose avec Joël Alessandra…

Certains ont de la bande dessinée une image simpliste, un peu comme si elle était toujours une histoire d’aventure mal dessinée pour les garçons en manque de culture… Oui, je sais que l’image de la bédé évolue mais malheureusement, ces clichés restent bien solides dans la tête de certains… Pourtant, ceux qui lisent de la bande dessinée, qui fréquentent les librairies spécialisées ou qui lisent avec avidité certains sites – suivez mon regard – savent que la bande dessinée peut aborder tous les sujets, de l’aventure – elle existe bien encore – jusqu’à la vie quotidienne, en passant par la SF, le Fantastique, la Fantasy, le polar, l’introspection, le documentaire, le Western, l’amour, le reportage… Oui, en bédé, on peut tout raconter, avec plus ou moins de talent, mais il n’y a pas d’exception !

Alors, pourquoi ne pas raconter une maladie ? Sur le coup, je ne voyais pas trop ce que cela pourrait donner que de raconter en bande dessinée une maladie, une vie de chercheur ou le destin d’un malade et sa famille… Larmoyant, triste, sanguinolent, désespérant, noir… cela aurait pu donner de nombreuses situations et je n’étais pas certain d’y trouver là du positif que ce soit pour les malades, leurs familles, les médecins, l’ensemble des soignants, les chercheurs… le grand public aussi ou, comme aurait dit Jules Romains, les malades qui s’ignorent…

C’est donc avec prudence que j’ai ouvert « A Fleur de peau » de Joël Alessandra aux éditions Filidalo. La maladie, la neurofibromatose pour être précis, va être racontée par l’intérieur c’est-à-dire par une jeune malade, Fleur. Le but n’est pas tant d’émouvoir le lecteur que de l’informer. Qu’est-ce que cette maladie, comment l’attrape-t-on, comment en prendre la mesure, en suivre l’évolution et bien comprendre où en est la recherche, les soins…

Joël Alessandra, auteur de bande dessinée reconnu, s’est complètement investi dans la rencontre avec malades, familles, soignants, chercheurs pour offrir au lecteur un document simple, efficace et précis. La bande dessinée nous montre là qu’elle est un véritable outil de vulgarisation scientifique, médicale et humaine. Pas un mot de trop, pas de sentiment inutile, une efficacité remarquable, une histoire solide, des personnages crédibles… Pourtant, la jeune malade, Fleur, n’existe pas à proprement parler. Le personnage de fiction est un mélange de plusieurs malades rencontrés, sa famille aussi… En clair, tout est fiction mais tout est vrai !

On va donc suivre Fleur de sa naissance à son premier amour – oui, il faut que je vous dise que les malades qui ont la neurofibromatose ont le droit de vivre, aimer, travailler… – et on comprend que tout n’est pas terminé, qu’il y aura encore des hauts et des bas… mais comme c’est toujours le cas dans la vie humaine, de toute façon ! Cet ouvrage informe, nous aide à accepter l’autre, nous pousse à plus d’humanité sans pour autant donner dans le moralisme total…

La narration graphique de Joël Alessandra est toujours aussi agréable à lire et suivre, ses couleurs toujours aussi belles et pertinentes… Bref, du grand art et en plus c’est d’utilité publique ! Que demander de plus ?

En novembre 2018, le congrès mondial sur la neurofibromatose se déroulera à Paris et cet album est l’occasion de vous documenter avant et de lire une belle histoire…

Ce sera donc avec beaucoup de plaisir que nous allons rencontrer Joël Alessandra à Saint-Malo à l’occasion de Quai des Bulles 2018 !

Emile Bravo sera bien à Saint Malo avec son ami Spirou… Nous aussi !

Les éditions Dupuis ont décidé, il y a quelques années, de confier, pour une histoire, les personnages de Spirou et Fantasio à un auteur de bédé ou un duo… C’est ainsi qu’en 2008, Emile Bravo a eu cet honneur, car il s’agit bien d’un honneur, de passer après le créateur, Rob-Vel, mais aussi des signatures aussi prestigieuses que celles de Jijé ou Franquin sans oublier Tome et Janry… Emile Bravo a relevé donc ce défi, cela en est un aussi, et il l’a fait après Yoann, Vehlmann, Le Gall, Tarrin et Yann… Qu’allait-il nous offrir ?La première surprise, elle est de taille, c’est qu’il a choisi de nous raconter une des premières aventures de Spirou. En effet, et ce n’est pas seulement un choix esthétique, Spirou ne connaît pas encore Fantasio, il travaille bien au « Moustic Hotel », il est groom et il est bien dans sa tenue traditionnelle…

A ce stade, j’ai même eu peur de tomber dans les premières histoires car je n’ai jamais trop apprécié les débuts de Spirou avec Rob-Vel. Mais dès le départ, on sent que Bravo va nous raconter tout autre chose en faisant de son héros d’une histoire un personnage en fabrication. Ce n’est pas un véritable ingénu, c’est un jeune homme en devenir et la période choisie, qui correspond bien avec la réalité de la vie de Spirou, est cette période où les Européens croient qu’il est encore possible d’éviter la guerre avec l’Allemagne… Une rencontre secrète aura lieu au « Moustic Hotel » entre une délégation polonaise et un officiel allemand de très haut niveau… Le sort de l’Europe, du monde qui sait, est en train de se jouer…

On pourrait croire qu’Emile Bravo règle ses comptes avec Tintin mais je crois que c’est beaucoup plus subtil que cela. En effet, il y a de nombreuses allusions aux aventures de Tintin et pas seulement le pantalon « civil » que s’offre Spirou et qui fait penser, sans aucune hésitation, à celui de Tintin des heures de gloire. La première, pour moi, est celle où Spirou prend la place de la standardiste de l’hôtel. En effet, Tintin se fait embaucher comme radio à bord du Speedol Star (Tintin au pays de l’or noir) pour mener son enquête… Spirou y apprendra, lui aussi de nombreuses choses même s’il ne les comprend pas tout de suite…

La deuxième grosse allusion est le marché sur lequel il achètera son atlas du monde. En effet, on y voit un vendeur directement sorti de chez Hergé et il a dans son stand une certaine « Licorne » (Tintin et le secret de la Licorne).

Troisième gros hommage, comment appeler cela autrement, Spirou est obligé de prendre la même position que Tintin sur une voiture directement sortie du Lotus bleu tout cela pour suivre le diabolique et infernal Fantasio, transformé pour l’occasion en paparazzi comme certains journalistes dans « Les Bijoux de la Castafiore »… C’en est beaucoup trop pour que ce soit agressif et méchant. C’est bien une façon de saluer Hergé. Mais saluer une lecture d’enfance ne signifie pas pour autant accepter toutes erreurs humaines et politiques de l’auteur belge.

En effet, Emile Bravo en profite pour stigmatiser une partie de la bourgeoisie occidentale – les Belges ne sont pas seuls – qui ne comprend rien aux enjeux de cette période, qui ne comprend pas pourquoi les Juifs sont en danger, qui est prête à faire la paix avec Hitler quel qu’en soit le prix à payer…

Le côté le plus touchant est de découvrir la première histoire de cœur de Spirou. Souvent on parle des héros de cette époque comme de petits garçons graines de machos… ici, Spirou, en jeune ingénu, je le reconnais, découvre que l’on peut passer du temps avec une belle jeune ukrainienne et ne pas arriver à lui dire sa flamme… mais avec une pointe de rouge sur les joues, quand même !

Enfin, j’apprécie de découvrir comment la conscience est venue à notre ami animal Spip et cela le rapproche, aussi, d’un certain Milou qui a une conscience aussi…

Cette lecture m’avait donné beaucoup de joie et je confirme que ces personnages de nos enfances sont beaucoup plus que des amusements. Non, ils sont devenus, les Spirou, Tintin, Gaston, Modeste, Cubitus… les acteurs de nos changements, de nos expériences, de nos apprentissages de la vie et je leur en suis reconnaissant ! C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je les retrouve et les accompagne dans leurs nouvelles aventures…Or, voilà que dix après Le journal d’un Ingénu, Emile Bravo revient à Spirou avec le premier tome – et il y en aura quatre – de L’espoir malgré tout. C’est la suite directe du premier album, cette fois la guerre a bien commencé et elle va balayer toutes les certitudes des Belges. Spirou ne comprend plus rien à ce monde qui tremble sur ses bases et nous allons découvrir les affres de l’occupation avec ce personnage de Spirou.

Voilà un bel album, accessible à tous car on peut le lire comme une simple aventure tandis que l’on peut en avoir une lecture beaucoup plus politique. J’ai beaucoup aimé l’explication de l’antisémitisme faite par un paysan, le Père Anselme, au jeune Spirou…

Comme il va y avoir quatre tomes au total nous aurons l’occasion d’y revenir mais en attendant j’ai hâte de rencontrer Emile Bravo à Saint-Malo, à l’occasion de Quai des bulles 2018…

Qui ouvrira le Baby Box de Jung à Saint-Malo ?

Coréen adopté, « arbre sans racine », Jung est un auteur atypique du monde de la bande dessinée. Il est né en Corée du Sud, le 2 décembre 1965. Mais comme de nombreux autres enfants du pays à cette période, il a été abandonné et adopté par une famille belge en 1971. Ce début de vie viendra frapper à la porte de sa mémoire et ne le quittera plus. Du coup, sa production en bédés est devenue très orientée….

« Couleur de peau : Miel », sera la série autobiographique majeure, celle où il va tenter de régler les problèmes avec lui-même : qui suis-je, d’où je viens, qui m’aime… Il y aura même une adaptation cinématographique avec Laurent Boileau…

La première fois que j’ai rencontré Jung, c’était déjà à Saint-Malo, et il avait répondu à nos questions avec un certain repli, une prudence et une sagesse paisible qui mettait une distance entre lui et nous, entre lui, auteur, et lui, sujet du livre…  Mais, dans un deuxième temps, on avait découvert un personnage attachant et captivant, celui que l’on avait rencontré dans sa bédé autobiographique « Couleur de peau : Miel ». A travers cet ouvrage, il retrace avec humour et sensibilité son enfance et son adolescence d’enfant adopté qui cherche tout d’abord à enterrer ses origines coréennes mais qui est peu à peu rattrapé par son envie de comprendre et découvrir ses racines. Depuis il s’est rendu à plusieurs reprises en Corée afin de creuser son passé, et il nous a conté ses aventures et découvertes dans le tome 4 de cette série…Je ne savais pas ce que ferait Jung après. Reviendrait-il à des séries comme Yasuda ou Kwaïdan ? Poursuivrait-il dans l’introspection ? La réponse arrive partiellement avec Baby Box, un magnifique album qui sort aux Editions Soleil dans la collection Noctambule

Là, il s’agit d’une fiction largement inspirée par tout ce qu’il a vécu et découvert en Corée. C’est une histoire d’abandon, d’adoption, de haine et d’amour… Claire est une jeune femme qui va découvrir tardivement et par hasard – la mort accidentelle de sa mère – son histoire personnelle… Oui, elle a bien été adoptée et les éléments de base de cette histoire sont enfermés dans une boîte en carton dans une armoire…

Claire décide de partir à la rencontre d’elle-même, part pour la Corée découvrir où elle a été abandonnée… C’est profond, beau, profondément humain et pas larmoyant du tout… Grave, très bien rendu par la narration graphique simple, percutante, vivante et poétique… J’ai adoré !

C’est lors de ce voyage que Claire apprendra l’existence d’une Baby Box, lieu aménagé pour recevoir les bébés abandonnés… C’est cruel, inhumain, incompréhensible… mais c’est en passant par cette épreuve délicate que Claire pourra se reconstruire et repartir dans la vie… Jung décrit avec beaucoup de psychologie cette phase de vie qu’il connaît bien car il l’a vécue, lui aussi, avec ses particularités… Mais au bout du compte, tous les humains passent par ce passage existentiel. Oui, même celui qui croit être aimé depuis toujours par des parents qui seraient ceux du sang, doit, pour grandir, comprendre d’où il vient et devenir lui-même… A ce titre, cette bande dessinée est tout simplement universelle !

Alors, vous l’avez bien compris, quand on tombe sous le charme d’un album on a très envie de rencontrer l’auteur et de l’invité dans son émission de radio… Ce sera chose faite lors du prochain festival Quai des bulles de Saint-Malo, dans quelques jours…

Donc à très vite !

Toujours en pleine préparation de Quai des bulles 2018 !

Toujours en pleine préparation du reportage à Saint-Malo, hier soir, partage avec l’équipe sur les lectures déjà faites, sur les thèmes à aborder avec les auteurs… Certains auteurs ont la cote, certains albums font l’unanimité… Des exemples ? Le dernier ouvrage de Navie, Moi en double ! Ou, Fab Caro pour l’ensemble de son œuvre… Sans oublier Davy Mourier…Certains auteurs sont moins faciles à vendre auprès de mes étudiants, certaines séries semblent moins les intéresser mais dans l’ensemble équipe est bien au travail… Oui, lire dans la perspective d’une interview, c’est bien du travail…Actuellement, nous avons 36 rendez-vous qui se profilent à l’horizon… On est 9, on pourrait dire 4 interviews chacun… Mais, il est possible que j’en fasse un peu plus si les volontaires manquent pour certaines rencontres… C’est comme ça, il y a des auteurs pour les vieux…On espère aussi avoir à ajouter quelques surprises et rencontres improbables, car il ne faut pas se limiter à ce qui est planifié… On vous tient informés de la poursuite de nos travaux, donc à très vite !

Fabien Toulmé, l’auteur à ne pas manquer à Saint Malo ?

Dans quelques jours, à Saint-Malo, à l’occasion du festival Quai des bulles, nous allons avoir le bonheur de retrouver Fabien Toulmé, un auteur qui vient de publier « L’Odyssée d’Hakim », un très bon témoignage bédé d’un migrant… Avant de vous présenter cette nouveauté que je viens de terminer, je voulais revenir sur son premier livre, Ce n’est pas toi que j’attendais, un roman graphique de 2014… Voici ce que j’en disais à l’époque…

« Fabien Toulmé est un papa, je dirais même un papa comme tous les autres, avec ses élans positifs comme avec ses réticences, ses a priori, ses angoisses… Un jour, Fabien Toulmé attend un second enfant, c’est une petite fille et le jour de la naissance, la première fois qu’il la voit, il comprend instantanément que cette enfant est atteinte de trisomie. Il pense instantanément : «Ce n’est pas toi que j’attendais ! ». Le mystère de l’enfant handicapé arrive chez lui et comme de nombreux parents avant lui, il ne se sent pas prêt à supporter cela…

Attention, l’ouvrage que je veux vous inviter à lire aujourd’hui ne sombre pas dans le pathos, dans le tragique, dans le désespoir… Fabien Toulmé va passer par plusieurs étapes, de la révolte à l’incompréhension, de la peur de l’inconnu à l’acceptation stoïque avant d’arriver à une sorte de plénitude que l’on peut résumer par ce dernier dialogue de la bande dessinée :
- Vous ne méritiez pas cela !
- Bien sûr que l’on mérite notre fille… D’ailleurs on a de la chance qu’elle nous ait choisis !

Pour en arriver là il y a un chemin difficile avec des doutes, des hésitations, des marches arrière, des silences… Le couple Fabien-Patricia va connaitre des moments difficiles et de grandes solitudes avant de relever la tête et de regarder Julia comme une petite fille, comme celle qui arrive dans cette famille et qui heureuse d’être là !

Fabien Toulmé n’a pas transformé cet évènement de sa vie pour faire pleurer dans les chaumières durant l’hiver ni pour être plaint. Il s’est dit, une fois la tempête intérieure passée, que ce qu’il vivait avait certainement des aspects universels et que cela valait la peine de le raconter pour tous les parents, pas seulement les parents d’enfants trisomiques, non pour tous les parents d’enfants différents, tous les parents en général pour qu’ils se reposent les bonnes questions au moment d’accueillir un enfant…

Aucune envie de donner des leçons ni aucune volonté de porter un jugement sur les autres parents. La vie est complexe, chaque parent fait comme il peut, avec son histoire, sa culture, sa famille, ses proches… Comment annoncer aux autres que l’enfant que l’on attendait avec plaisir est une petite fille trisomique ? Comment dire à Louise, la grande sœur, que sa petite sœur sera différente ? Comment s’organiser dans son travail pour avoir le temps de conduire Julia chez les différents spécialistes qui vont l’aider pour acquérir ce que les autres enfants acquièrent à la crèche sans effort ?

Cette bande dessinée peut être lue, d’abord, comme un témoignage. C’est touchant, bouleversant, profond, humain, et chaque lecteur ne peut pas s’empêcher de penser qu’à la place de Fabien il aurait eu, sans doute, les mêmes réflexes ! Qu’il aurait connu les mêmes étapes dont certaines tristes et désagréables, d’autres plus douces et paisibles…

Cette bande dessinée est aussi une aventure humaine et elle montre que la vie quotidienne peut servir de support à de très belles œuvres. Cela prouve aussi, si besoin était, que la bande dessinée peut raconter toutes sortes d’histoires y compris des autobiographies, des témoignages, des introspections… Oui, la bédé est vraiment une forme incroyable de littérature – j’ose utiliser ce mot même si certains sauteront au plafond en hurlant – et je suis heureux de la voir grandir de parutions en parutions. Ce qui n’était qu’une forme de livres pour enfants est en train de faire la preuve qu’elle peut tout raconter pour tous les publics !

Fabien Toulmé prouve aussi qu’il est devenu, très vite puisque c’est là son premier album, un auteur avec qui il va falloir compter maintenant. Ils sont peu à avoir atteint du premier coup une telle maitrise de la narration graphique. Ne vous laissez pas prendre en croyant que son dessin est moyen : lisez et vous constaterez que son « petit » dessin dit tout ce qu’il faut pour comprendre, qu’il transmet les émotions qui bouleverseront le lecteur, qu’il porte une réflexion anthropologique et philosophique, qu’il marquera, j’en suis sûr, l’histoire de la bande dessinée du début du vingt-et-unième siècle car en plus de tout, il dégage une poésie de la vie quotidienne et j’adore cela !

Voilà donc un très beau roman graphique, puisque tel est le nom que l’on donne généralement à ce type d’ouvrage même s’il est grandement inspiré de la réalité et très légèrement romancé aux marges. On trouve en fin d’album quelques belles photos de Julia qui a aujourd’hui 5 ans et que son papa adore…

D’ailleurs, à quel moment le changement de perception s’est-il fait ressentir vis à vis de Julia ? Fabien explique que Julia avait un problème cardiaque et que c’est lors de l’opération à cœur ouvert, vers l’âge de 5/6 mois, qu’il a réalisé qu’il aimait sa fille : « La date de l’opération arriva rapidement, et on renoua avec notre nouvelle habitude de verser quelques larmes. Mais cette fois, c’était tout à fait différent. C’était les larmes de deux parents inquiets pour leur enfant. Oui parce qu’on s’aperçut à cet instant précis qu’on considérait désormais Julia comme notre fille. »

Donc, voici bien un livre magnifique à lire et faire lire, un nom d’auteur à retenir et un plaisir à partager avec vos proches…  »

Et dès mon prochain article, je vous parle du second ouvrage de Fabien Toulmé, Les deux vies de Baudouin…

Du polar classique à la bande dessinée…

Parfois, il est bon de s’appuyer sur un fait. Par exemple, Gaston-Alfred-Louis Leroux est né il y a 150 ans, à Paris, dans le dixième arrondissement… Tout un programme, du moins si vous connaissez ce fameux et illustrissime Gaston Leroux !

Cet homme a commencé par être chroniqueur judiciaire au journal Le matin avant de prendre du grade et devenir grand reporter. Il suit de nombreux procès dont ceux d’anarchistes dont il s’est peut-être inspiré pour créer ses personnages de fiction.

En 1907, sort son premier succès en librairie, enfin surtout succès à partir de 1908, « Le mystère de la chambre jaune ». Dans ce merveilleux roman policier, l’enquêteur est un journaliste – comme Gaston Leroux – Joseph Rouletabille. Son regard et son sens de l’observation, sa puissance de déduction et sa capacité à défricher les énigmes impossibles, font de lui le héros d’une série de romans à succès : Le parfum de la Dame en noir (1908), Rouletabille chez le Tsar (1913), Le château noir (1916), Les étranges noces de Rouletabille (1916)…

Le personnage de Rouletabille a-t-il inspiré celui d’Arsène Lupin ? On peut s’interroger car L’aiguille creuse, roman de Maurice Leblanc, premier du cycle des aventures de Lupin, est sorti en 1908, juste après Le mystère de la chambre jaune… Il a aussi peut-être inspiré un autre personnage, cette fois-ci dans la bande dessinée, je veux parler du fameux Tintin de Hergé. Mais qu’importe car pour ce qui est De Rouletabille et Lupin, l’inspiration commune est probablement à chercher chez Edgar Alan Poe et son chevalier Auguste Dupin !

Le mystère de la chambre jaune a été adapté de nombreuses fois, à partir de 1913 et la version muette de Maurice Tourneur. Pour la bédé, c’est 1990 que parut la première adaptation, celle de Duchâteau et Swysen et c’est 2018 que sort celle de Jean-Charles Gaudin, Sibin Slavkovic et Joël Odone…

Le mystère de la chambre jaune est une histoire à énigme. Mathilde, la fille du professeur Stangerson a été agressée dans sa chambre, au château du Glandier. Bien sûr, la chambre est fermée de l’intérieur et le mystère est quasiment impossible à solutionner… Le journaliste Rouletabille est en concurrence avec le policier Frédéric Larsan et ce face à face est un des points forts de cette histoire, très bien rendu dans cette bédé…

La dernière adaptation en date en bédé, a vu le dessinateur Sibin Slavkovic s’y coller, du moins pour le premier tome, Le mystère de la chambre jaune. Cette adaptation graphique sur papier est de très bonne qualité, le dessin assez classique et sans révolutionner l’histoire, le scénariste Jean-Charles Gaudin s’approprie les faits pour en faire une narration efficace, plaisante à lire et respectueuse de celle de Gaston Leroux. Il s’agit donc d’un beau cadeau d’anniversaire pour ce romancier dont le cœur de l’histoire n’a pas pris une ride… Je sais bien qu’aujourd’hui, on nous mettrait une bonne dose d’ADN et de différentes mesures physico-chimiques pour gagner du temps, des certitudes et tuer le mystère !

Pour le second tome, même scénariste, mais autre dessinateur, Christophe Picaud. Cet artiste très éclectique, il a travaillé dans la céramique et le costume, dans le décor de spectacle et dans la caricature, s’est fait remarquer dans la bédé avec sa série Les larmes du démon. Depuis, il travaille régulièrement avec Jean-Claude Gaudin qu’il retrouve ici… Ambiance sombre et complexe, mystère et énigme, tout est là pour faire du classicisme… Seul reproche de mon point de vue, faire tenir un tel roman, Le parfum de la dame en noire, oblige à de telles ellipses que le lecteur doit rester concentré sous peine de devoir reprendre la lecture…

J’ai bien apprécié cette narration graphique, parfois un peu bavarde, et je suis pressé de rencontrer le dessinateur, Christophe Picaud, lors du prochain festival Quai des bulles 2018 à Saint-Malo !

Rideau de fer sur la Manche ?

On dit que désirer voler comme un oiseau est un vieux fantasme de l’être humain mais mon attachement aux séries aéronautiques en bandes dessinées est peut-être beaucoup plus simple. Quand j’étais enfant, mon père a eu un coup de foudre pour le magazine Pilote et en particulier pour la série Astérix. On l’entendait rire, réellement rire quand il découvrait les planches d’Uderzo et Goscinny… Seulement, dans ce journal dessiné, il y avait aussi les aventures de Michel Tanguy et Ernest Laverdure de Charlier et Uderzo. J’avoue sans hésitation que ce fut mon premier véritable coup de cœur en bande dessinée. Il y avait à la fois du gag, de l’aventure, de l’aéronautique, de l’espionnage… Plus tard, j’ai découvert d’autres héros qui partageaient cette passion de l’espace, de la troisième dimension, des avions, et j’ai ainsi dévoré Dan Cooper, Buck Danny, Adler…

Buck Danny, au départ, me touchait moins, du moins dans les albums qui racontent la Guerre du Pacifique. Puis, quand on est revenu vers l’Europe, l’Atlantique, la Guerre froide… j’ai commencé à apprécier et c’est pour cela que j’ai été séduit par le nouvel album de la série « Classic » des aventures de Buck Danny, Opération Rideau de Fer !

Marniquet et Zumbiehl signent là une histoire solide où l’on retrouve tous les ingrédients de la série créée par Charlier, Troisfontaines et Hubinon en 1946. Le seul petit bémol s’il fallait en donner un ce serait que l’humour est plus léger et le pilote Sonny Tuckson même s’il est bien à la source de quelques petites plaisanteries volontaires ou pas, est surtout en situation grave voire dramatique ce qui est presque devenu en quelques albums une signature de cette série « Classic ».

Cette fois-ci, pour « jouer » avec le Rideau de fer, les trois amis pilotes sont mutés temporairement dans la force aérienne américaine et ils quittent avec regret l’aéronavale… Buck Danny, nous sommes en 1961, est colonel et ses deux acolytes, Tumbler et Tuckson sont capitaines… Dès la première mission face à cette frontière mythique, Sonny franchit le Rideau de fer, se fait abattre et se retrouve un peu seul, chez l’ennemi et dans le froid… Mais je vous laisse découvrir cette histoire qui d’ailleurs trouvera sa suite dans le prochain album…

Pour les amateurs de la série signalons que nous allons revoir une femme connue qui devrait jouer un rôle plus important dans la suite de cet album, Lady X, la méchante absolue, fatale et terrible… Mais attendons la suite de l’histoire…

Venons-en au dessin à proprement parler. Jean-Michel Arroyo nous livre là un très bel album parfaitement valorisé par les couleurs de Ketty Formaggio. C’est le cinquième album de cette série et j’avoue apprécier de plus en plus son dessin qui nous éloigne, mais dans le respect, du dessin d’Hubinon et de ceux qui lui ont succédé. Les scènes aéronautiques sont vivantes et dynamiques, les personnages sont très crédibles et les visages très expressifs, les ambiances sont parfaites… Un très bel album qui pourrait plaire même à ceux qui ne connaissent pas la série originale et arriveraient comme cela par hasard sur ce diptyque.

Et, conquis par cette narration graphique, nous allons, à Saint-Malo, à l’occasion du festival Quai des bulles 2018, rencontrer le dessinateur Jean-Michel Arroyo. Reste seulement à savoir si mes étudiants adhèreront à ce genre d’histoires qui est peut-être trop pour les « vieux » comme moi…

Toujours en vue de Quai des bulles 2018 : Moi en double…

Toujours en préparant Quai des bulles 2018, coup de cœur hier matin en lisant Moi en double de Navie et Audrey Lainé.

Coup de cœur car l’histoire racontée par Navie est la sienne, et elle utilise des mots forts, profonds et intimes pour nous plonger dans son univers d’obésité morbide… Oui, je sais bien qu’un tel sujet va en faire fuir plus d’un mais il faut lire cet ouvrage et comprendre la situation de Navie et celle de tous ceux qui, comme elles, y sont confrontés. Navie était malade car c’est ainsi qu’il faut nommer les choses, elle portait sur elle l’équivalent du poids d’une femme moyenne d’où pour l’autrice l’idée d’un double dont il fallait se débarrasser…

Elle raconte son itinéraire pour passer d’une situation de déni à la prise de conscience, puis les difficultés rencontrées pour trouver si ce n’est un équilibre du moins une vie plus apaisée, un apaisement qui passe par l’acceptation de ce qu’elle est, de son corps…

Réellement un ouvrage autobiographique percutant et touchant que j’ai lu très vite car il est très bien construit et pas larmoyant, juste profondément humain…

Mais en bande dessinée, pour faire de l’autobiographie, souvent on dessine soi-même… Là, l’histoire a été confiée à Audrey Lainé qui a su nous faire oublier en quelque sorte dès le départ sa présence. Elle joue le rôle de d’intermédiaire, elle donne chair à la Navie de papier et instantanément on a le sentiment d’être seul avec Navie, en face à face… Sa narration graphique est très dynamique et j’ai immédiatement adhéré…

Du coup, je suis très pressé de retrouver Navie qui avait scénarisé Collaboration Horizontale, ouvrage que j’avais adoré et qu’il faut lire. Ce sera chose faite dans quelques jours à Saint-Malo et elle sera accompagnée de sa dessinatrice Audrey Lainé dont je ferai la connaissance… Un temps fort en perspective…

Mais, même si vous n’avez pas de problème de comportement alimentaire, ouvrez cet ouvrage et n’hésitez pas à aller à la rencontre de la vie quotidienne de Navie… Un ouvrage, Moi en double, à lire et faire lire ! Depuis le temps que je vous dis que la bédé peut aborder tous les sujets sans exception…