Préparons nos rencontres d’Angoulême 2019 : Christophe Bec

Et voilà, ça recommence, il n’y aura donc jamais de fin à cet engrenage incroyable et terrible… Christophe Bec continue de sévir… Je m’explique…

Christophe Bec est un scénariste qui sévit sur moi avec régularité, à chaque fois le même mécanisme. Je prends la bande dessinée dans les mains, je lis la quatrième de couverture, j’ouvre l’album et regarde le graphisme rapidement… Les dessinateurs changent mais à chaque fois je suis légèrement dubitatif… On verra bien… et je commence à lire !

Au bout de quelques pages, j’ai le sentiment d’une histoire bien ficelée, j’ai envie d’aller plus loin et finalement je trouve cette narration graphique bien efficace… Quelques pages encore et je ne peux plus poser la bande dessinée, il me faut lire jusqu’au bout… mais comme toujours, c’est à suivre… Alors, il faut attendre… parfois longtemps (c’est toujours trop long quand vous attendez une suite d’histoire !).

Puis, quand le nouvel album arrive, je relis le ou les précédents, histoire d’être bien dans l’ambiance de l’histoire et je savoure la nouveauté… Ce fut le cas avec Sanctuaire, Bunker, Le Fulgur…Quand j’ai ouvert pour la première fois le tome 1 de la série Olympus Mons, dessin de Raffaele, j’ai encore eu ce même sentiment… On va bien voir… De la science fiction avec une pointe de fantastique et une écriture proche des thrillers… Oui, pourquoi pas… des anomalies, des retours dans le passé, un glissement dans le futur… La conquête de Mars… Oui, ça tient la route…

Puis, soudain, on glisse entièrement dans l’histoire, on jubile, on se laisse prendre au jeu et c’est tout simplement jubilatoire… Le tome 5 vient de sortir et j’ai relu il y a deux jours les quatre albums précédents avant de prendre le temps de lire le dernier sorti mais pas le dernier de la série…

C’est toujours aussi bon et agréable et c’est avec beaucoup de plaisir que nous allons rencontrer Christophe Bec à Angoulême, plaisir partagé car un des étudiants est tombé dans le piège de Bec… Et oui, on peut partager de telles bandes dessinées même avec presque 40 ans d’écart…

Préparons nos rencontres d’Angoulême 2019 : Christophe Simon

Oui, je sais que certains vont me dire que cette bande dessinée est agaçante, pénible, moralisante, trop belle pour être utile… C’est vrai que le jeune ingénieur François est trop gentil, trop naïf, trop mignon et que le personnage manque un peu de réalisme… Oui, tout cela est bien vrai… et pourtant !

Faudrait-il pour autant abandonner l’idée de dire que ce qui se passe dans la province du Kivu est inhumain, inacceptable, affreux et insupportable ? Faudrait-il abandonner l’envie de dénoncer ces crimes, désigner les criminels et aider ceux qui au quotidien luttent contre le mal pour tenter de sauver une partie de la population ? Faudrait-il refuser de montrer avec des dessins l’ampleur du drame humain vécu par cette région avec la complicité des grandes entreprises multinationales ? Non, même si cet album de Jean Van Hamme – scénario – et Christophe Simon – dessin – peut agacer, il est aussi salutaire et c’est même une bonne chose qu’un grand scénariste ait accepté d’écrire cette histoire…

Attention, il ne s’agit pas d’une belle histoire pour enfant ! Le drame de cette région du Congo est marqué par le crime, le viol, la prostitution, les enfants soldats, la corruption, l’esclavagisme, le colonialisme, le capitalisme sans limite… Donc, la lecture de cet album de bande dessinée évoque tout cela avec parfois des détails terribles…J’ai été bouleversé par cette lecture car je connais un peu l’Afrique et je sais que tout cela n’est pas exagéré. Je n’ai pas les moyens de tout changer mais au moins il est possible d’en parler, de faire savoir et ainsi de rendre la tâche moins aisée à ceux qui exploitent cette région, ce pays, ce continent…

C’est aussi pour cela que j’ai demandé aux éditions Le Lombard de pouvoir interviewer le dessinateur Christophe Simon durant le prochain festival international de la Bd d’Angoulême. Christophe Simon est un dessinateur formé par le grand maître Jacques Martin. Après avoir fait ses armes sur Orion et Lefranc, il a dessiné quatre albums des aventures d’Alix… Ce sera donc un plaisir de le rencontrer et de l’interviewer pour la seconde fois…

Préparons nos rencontres d’Angoulême 2019 : Olivier Jolivet

La série Team Rafale est une série particulière qui vient se positionner dans la lignée des séries consacrées à l’aventure aéronautique. Il faut dire que lorsque trois compères, Hubinon, Charlier et Troisfontaines, avaient créé le personnage de Buck Dany, pilote de l’aéronavale américaine, ils ne savaient pas qu’il y aurait autant de « descendants », à commencer par Michel Tanguy et son incroyable ami Ernest Laverdure, sans oublier Dan Cooper. Depuis, la filière a toujours existé, a ses lecteurs fidèles pour ne pas dire passionnés, et Team Rafale vient trouver sa place à l’ombre protectrice de ces grands pilotes…

Deux personnages principaux, deux pilotes de chasse français, Tom Nolane et Jessica Nate, pilotes sur Rafale vont vivre des aventures multiples, plutôt très bien construites et se basant sur des thèmes très réalistes même si cela reste de la fiction.

Les dessins d’avions, les détails sur la vie des pilotes, l’entretien des matériels et les conditions des missions de guerre, sont très soignés et demandent de toute évidence une enquête, une documentation, des contacts privilégiés avec des pilotes de l’armée française… D’ailleurs, les albums sont toujours agrémentés d’un dossier texte et photos pour préciser certains éléments bien réels.C’est donc une belle série pour ceux qui aiment ce genre et actuellement on en est au dixième album. La série a été créée par Frédéric Zumbiehl (scénario) et Eric Loutte (dessin). Olivier Jolivet a, pour sa part, dessiné les tomes 9 et 10, North Korea et Le vol af414 a disparu à chaque fois sur un scénario de Frédéric Zumbiehl, le scénariste unique de la série, ancien pilote de combat… et qui a aussi commis quelques albums du côté de Buck Dany et Tanguy et Laverdure… Je vous disais bien qu’il y avait des liens entre ces séries !

 

C’est Olivier Jolivet que nous allons rencontrer à Angoulême cette année et je ne doute pas un seul instant que ce sera un véritable plaisir !

Un petit bilan expositions 2018…

Comme pour la bande dessinée, il est bien difficile de classer et comparer des expositions qui n’ont rien à voir entre elles. Entre l’exposition consacrée au travail de vulgarisation-bédé de Marion Montaigne à Angoulême et celle consacrée à l’œuvre entière de Miro, il n’y a bien sûr rien de commun, si ce n’est que ce sont bien deux expositions qui m’ont marqué cette année 2018…Tout avait donc bien commencé en janvier à Angoulême et en compagnie de Marion Montaigne, une autrice bédé pas tout à fait sur le modèle habituel. Oui, cette femme est un peu scientifique, un peu journaliste, une vulgarisatrice, un peu dessinatrice et, surtout, une bonne autrice de bande dessinée que j’apprécie beaucoup !L’exposition a surtout permis de montrer que l’on pouvait faire rire en se basant sur du sérieux, du solide, du scientifique. Que ce soit du caca des animaux à la conquête de l’Espace, tous les sujets peuvent ainsi être abordés par Marion Montaigne, y compris sexe, mort et pouvoir… La voir jouer au guide dans son exposition, passant alternativement de professeur à dessinatrice en passant par humoriste, fut un véritable bonheur. Oui, la bande dessinée peut accompagner les apprentissages, oui, la bande dessinée est un art narratif complet et riche qui peut être scientifique et sérieuse tout en faisant rire… Bravo Marion Montaigne !Et pourquoi associer dans le souvenir, Marion Montaigne et Miro ? Tout simplement parce que l’exposition est un lieu particulier qui autour d’un thème ou d’un artiste, d’une œuvre ou d’une vie entière de création, provoque de l’émotion, du questionnement, de l’intérêt pour un visiteur. Or, si Marion Montaigne a bien suscité de l’émotion, Miro à travers cette magnifique rétrospective du Grand Palais m’a, lui aussi, profondément touché.En fait, comme beaucoup, je connaissais Miro de façon superficielle. J’avais quelques tableaux en tête, une ou deux statues… J’ignorais la profondeur de cet artiste, la façon dont il avait traversé le vingtième siècle, ses liens avec les autres artistes, l’impact des évènements politiques sur son travail… Bref, ce fut une découverte totale et un choc devant quelques toiles époustouflantes…Ces deux expositions ne sont que les deux extrêmes de l’année et j’aurais pu aussi parler de celle consacrée à Peyo à Paris qui permettait de découvrir Peyo à travers des planches mais aussi un excellent film d’interview sans oublier l’exposition des travaux de Benjamin Lacombe qui eu un succès presque inattendu car un jeune auteur d’illustrations qui voit le public accourir ainsi ce n’est pas si courant…Dans quelques semaines, les premières expositions d’Angoulême ouvriront leurs portes et ce sera reparti pour une nouvelle année d’exposition ! Bonne année à tous !

Fin du petit bilan BD…

Voilà, pour clore ces souvenirs de lectures BD de 2018, quelques albums qui m’ont marqué… Pour certains, j’ai déjà écrit des chroniques conséquentes, pour d’autres pas encore… Mais voilà quelques éléments…Clinch, parce que ce fut une belle surprise ! Zelba nous offre un texte fort, une narration graphique tonique, une histoire profondément humaine…Le chant des Stryges, parce que c’est la fin de la série de Corbeyran et Guérineau que j’ai suivie depuis le premier volume… Parce que j’aime ce genre de fantastique et cette apothéose graphique du dernier volume…En attendant Bojangles, car j’ai beaucoup aimé cette histoire coincée entre folie et amour… Je n’avais pas lu le roman et donc je ne porte pas de jugement sur l’adaptation de Carole Maurel et Ingrid Chabbert, elles m’ont juste emporté et j’ai beaucoup apprécié cette lecture…Elma une vie d’ours, parce que dès le départ je me suis senti un gros ours refuge… Une très belle bande dessinée pour jeune lecteur… mais aussi pour tous les autres !Le Fulgur, parce que dès le départ et durant trois volumes j’ai retrouvé l’ambiance de mes lectures de Jules Verne. Christophe Bec et Dejan Nenanov réalisent là une très belle bande dessinée pour tous ceux qui aiment l’aventure pure et dure…Sous les bouclettes, parce que j’ai tellement apprécié Gudule que ce fut une petite bulle douce que de dialoguer avec sa fille en évoquant cette autrice de qualité… Mélaka signe là un très beau roman graphique…Algériennes, parce que Meralli et Deloupy font revivre la guerre d’Algérie par les femmes montrant là leur rôle essentiel dans l’évènement ce qui a aussi pour effet de redonner de l’humain dans cette période… Après tout, les femmes sont bien les seules capables de rétablir du lien humain même après une guerre… non ?L’homme gribouillé, parce que ce fut un choc de lecture, le premier de 2018 et que Serge Lehman et Frederik Peeters proposent là un ouvrage atypique, mythique, féminin, pétri d’humanisme… J’ai adoré !

Voilà, une sélection, c’est toujours frustrant et, en plus, j’ai un peu triché car certains auteurs seront présents à travers quelques expositions dont je viendrai parler prochainement… Heureusement, je garde tout cela en mémoire et je vous remercie, vous les auteurs, de nous offrir tant de belles bandes dessinées…

Et, maintenant, direction Angoulême 2019 !

Bilan BD, 4ème volet

L’avantage de chroniquer la bande dessinée c’est que l’on finit par aborder en une année tous les sujets de société, tous les thèmes de la vie, tous les aspects de cette humanité, les bons comme les mauvais… Alors, en 2018, il fut question plus d’une fois de la migration des peuples… Pour aborder ce sujet, j’ai retenu deux albums différents mais de qualité, L’Odyssée d’Hakim de Fabien Toulmé et Humains : la Roya est un fleuve de Baudoin et Troubs.Oui, je sais bien que pour beaucoup de Français la question des migrants est une question simple : y a qu’à, il suffit de, on devrait, pourquoi ce manque de fermeté, c’est la faute de l’Europe… Et une fois que cela est dit, on a bonne conscience et on fait cuire son diner…

Je sais bien que c’est trop facile de critiquer ces positionnements simplistes avec des mots. Je sais bien que je ne vais rien changer avec ma chronique et que des milliers de migrants vont continuer à souffrir, être rejetés, exploités, parqués, refoulés et rejetés à la mer, renvoyés chez eux et, pour certains, la mort surviendra durant cette grande migration ou en rentrant chez eux… Et nous ne voulons pas le voir ! Et c’est là, la première force et richesse de l’ouvrage de Baudoin et Troubs, « Humains, la Roya est un fleuve » : ce livre montre et permet de voir ceux que l’on appelle les migrants. Ici, ils sont d’abord Bashar, Mohamed, Adam Sidik… Ce sont des humains, de simples humains qui entrent chez vous et se posent… Fabien Toulmé, lui, va interviewer, longuement, un Syrien pour le comprendre, pour mesurer tout ce qu’il a vécu, enduré, souffert… et il restitue cela sans pathos, avec objectivité, tout simplement…Ces livres ne sont pas des ouvrages d’intellectuels ou de politiques qui voudraient nous faire comprendre, nous convaincre, nous motiver, nous pousser à… Non, juste nous montrer les visages de ces êtres humains qui tentent d’échapper à la violence, à la dictature, à la guerre, à l’injustice, à la misère, au climat défavorable… Ces êtres humains ont souvent un rêve, une envie, une espérance… Retrouver le bonheur quelque part sur cette planète…

Edmond Baudoin à Saint-Malo

Baudoin et Troups sont allés sur place, dans cette vallée dont on parle beaucoup depuis quelques années, celle de la Roya… Un petit fleuve côtier qui naît en France et va jusqu’à Vintimille… Un passage entre la France et l’Italie… Oui, ces migrants cherchent à poursuivre leur voyage, leur errance et, pour cela, doivent passer la frontière entre la France et l’Italie…

En arrivant dans cette vallée, les auteurs découvrent d’autres être humains… Ils se nomment Cédric, Isabelle, Alex, Enzo, Jacques… Ils n’ont pas tous les mêmes motivations, ni le même âge, ils viennent d’un peu partout et se comportent juste en humains… Ils aident des humains qui souffrent… Parfois c’est un repas chaud, dans d’autres cas c’est une escale de deux ou trois jours, ou une aide pour remplir des dossiers administratifs, enfin, c’est aussi un accueil définitif pour aider ceux qui viennent encore…

Fabien Toulmé, lui, est resté chez lui mais il a offert le thé à ce Hakim, au fur et à mesure des rencontres, la confiance s’est établie, tout a été dit, sans ombre… Finalement, Hakim était juste un jeune Syrien, comme les autres… Il avait envie de construire sa vie, d’avoir un métier, une famille et de rester en contact avec ses parents, ses proches… et ce n’est pas lui qui a choisi de se mettre sur les routes de l’exil via la Jordanie, le Liban, la Turquie…

Les auteurs ne recherchent pas des arguments, ne cherchent pas à nous attendrir ou nous émouvoir, ils nous montrent des femmes et ces hommes qui se rencontrent dans cette vallée, qui s’écoutent dans un appartement français loin des combats de Syrie… Ils les dessinent pour que l’on ne les oublie pas, qu’ils survivent quoi qu’il arrive…

Ces albums de bande dessinée sont des récits pas des fictions, des témoignages pas de l’esthétique, une mémoire vivante pas un souvenir figé… Ceux qui aident ces migrants sont venus du monde entier, chacun donne ce qu’il peut, certains venus quelques jours n’arrivent pas à repartir et restent beaucoup plus longtemps… Fabien Toulmé ne savait pas comment les aider, il leur donne son crayon, ses oreilles, sa voix…

Ce travail de Baudoin et Troubs et cet album de Fabien Toulmé, sont magnifiquement et profondément humains aussi. Pour faire parler les humains en errance, ils proposent un échange simple : quelques mots contre un dessin, un livre contre un dialogue… Et cela fonctionne, certaines langues se délient, on mesure certaines souffrances, on perçoit les désirs les plus profonds, on a envie de tendre la main, nous aussi… Après tout, nous sommes humains aussi, non ?

Bilan BD, 3ème volet

Cette année, 2019, la série XIII fêtera ses trente-cinq ans ! L’année 2018 a été l’occasion de quelques publications qui m’ont poussé à relire un grand nombre d’albums, soit de la série initiale, soit de la deuxième saison, soit, enfin, de XIII Mystery. Dernièrement, il y a eu cet album « Judith Warner » (scénario de Jean Van Hamme et dessin d’Olivier Grenson) pour clore cette série XIII Mystery et un très bon prolongement de l’album 13 de la série initiale, « L’Enquête ». Tout cela pour dire qu’il m’est difficile de parler de mes lectures 2018 sans évoquer, ne serait-ce que quelques instants, la série XIII…Il y a quelques années, on me mettait dans les mains le premier volume de la série XIII, c’était ma bibliothécaire si je me souviens bien. Immédiatement, je reconnaissais un graphisme, celui de William Vance, celui que j’avais adoré dans les adaptations des aventures du héros de mon adolescence, Bob Morane. Cette fois-ci le scénario était signé Jean Van Hamme, un auteur que je ne connaissais pas encore et que j’ai appris à découvrir, décortiquer, analyser et suivre depuis… Ce n’était pas à la création de la sortie (1984) mais plutôt entre 1992 et 1994 si mes souvenirs sont exacts. On en était donc déjà au tome 9, « Pour Maria »…

Attendez, j’ai le sentiment qu’il y en a encore quelques uns qui ne connaissent pas la série… Un homme est découvert agonisant sur un bord de mer. Un retraité qui pêchait là le ramène à la maison. Isolé de tout ou presque, lui et son épouse décident de ne pas appeler les forces de l’ordre mais de faire appel à une voisine qui a été médecin par le passé. Elle va sauver notre homme qui a été blessé par balle. Il va survivre mais il est devenu amnésique et, du coup, la saga peut démarrer : qui est cet homme, pourquoi a-t-il un XIII tatoué dans le creux de la clavicule, pourquoi ses sauveurs, Abe et Sally, sont-ils assassinés sauvagement, pourquoi à peine sauvé est-il déjà en danger ? Les questions vont nous suivre pendant des années et nous suivent encore puisque toutes les réponses ne sont pas encore publiques…

Dès ce premier album, on va découvrir tous les héros ou presque qui vont animer la série, la faire rebondir aux moments les plus improbables, à commencer par le mystérieux et cynique colonel Amos et la terrible Mangouste, deux hommes que nous allons finir par connaître sur le bout des doigts alors que leur première apparition nous laisse de marbre…

Le graphisme du premier épisode est assez proche de celui des Bob Morane déjà cités et le personnage de XIII n’est pas encore arrivé à maturité. William Vance s’échauffe en quelque sorte pendant que son compère scénariste, lui, s’occupe de faire défiler des scènes qui n’ont pas encore leur sens. Il pose ses personnages et il est même obligé d’en laisser quelques-uns uns mourir car il faut aller à l’essentiel. Ainsi va disparaître la pauvre Martha, plutôt sympathique malgré son alcoolisme. Heureusement, elle meurt après un baiser de XIII, le fantasme de toutes les femmes… Non ?

Nous étions alors en 1984 et trente-cinq après la série fonctionne toujours ! Rien qu’un tel élément permet d’affirmer que Jean Van Hamme avait créé là une des meilleures séries de la bande dessinée. Fallait-il qu’elle soit si longue ? Etait-il indispensable de la prolonger aujourd’hui ? Devait-on mobiliser d’autres auteurs pour des séries parallèles et explicatives ? C’est un tout autre débat mais XIII restera bien une grande série de notre neuvième art chéri !Et, puisque nous sommes au bilan de cette année 2018, il est temps de rentre hommage à William Vance, le créateur graphique de la série décédé le 14 mai 2018 en Espagne où il résidait. C’était un grand de la bédé comme Frank Giroud, scénariste d’un des albums de la série XIII Mystery, « Martha Shoebridge » qui lui décèdera le 13 juillet 2018. Je pense qu’au paradis des auteurs, ce sont deux belles signatures qui viennent d’arriver et les parutions seront, n’en doutons pas, excellentes !

Bilan BD 2018, 2ème volet

Poursuivons notre petit voyage au cœur des lectures 2018 dans le genre dit de la bande dessinée. Après avoir parlé assez longuement de la collection Aire Libre qui a fêté ses trente ans, je voudrais le temps d’évoquer le travail de FabCaro et celui, très différent, d’Emile Bravo.

Il est toujours très délicat de porter un regard sur un objet nouveau (même s’il est nouveau depuis maintenant quelques années), non identifié et qui plus est appartenant à la catégorie des œuvres d’art. Précisons cela avec soin…

Tout d’abord, vous le savez bien si vous me suivez depuis longtemps, la bande dessinée est un art ! Certes, un art narratif mais cela n’enlève rien à son patrimoine artistique, sa réalité profonde et les émotions qu’elle va apporter au lecteur-admirateur-spectateur…

Deuxième élément, très délicat, face à l’œuvre d’art, nous allons tous ressentir des émotions qui peuvent être très diverses, de l’indifférence absolue à l’admiration totale. Tous ces sentiments, ce vécu, cette expérience… tout cela est légitime car c’est lié à ce que nous sommes, ce que nous avons vécu et expérimenté, à notre éducation… Donc, je ne vais jamais vous dire ce qu’il faut ressentir mais ce que j’ai expérimenté moi-même en lisant telle ou telle bédé… Comme je dis souvent, je ne critique pas une bande dessinée, je la chronique… J’assume cette situation, oui, je suis chroniqueur !

J’en reviens maintenant à ma première considération, en effet, quand je suis confronté, pour la première fois, à une forme de bande dessinée nouvelle, à un thème novateur, à un style narratif d’avant-garde… je suis d’abord surpris, étonné, déstabilisé… ce qui m’empêche parfois d’admirer ou même simplement de comprendre l’histoire proposée…Il y a quelques années, je me suis retrouvé par hasard avec un petit opuscule dans les mains, « Zaï Zaï Zaï Zaï »… Comme beaucoup de lecteurs, j’ai été agréablement surpris par une « petite » bande dessinée qui ne payait pas de mine au premier abord. Je suis entré doucement, puis j’ai été secoué par un premier éclat de rire, puis un second, un troisième… Franchement, cela faisait longtemps que je n’avais pas rigolé avec une bande dessinée…

Par contre, quand je me suis retrouvé devant mon écran vierge pour écrire ma chronique, ce fut assez difficile de trouver les mots… Pourquoi avais-je ri en premier ? Parce que le héros prend un poireau pour se défendre ? Parce que le délit est d’avoir oublié sa carte de fidélité ? Parce que la menace extrême du vigile est de faire une roulade arrière ? En fait, difficile de le préciser car une fois que l’on est entré dans cette histoire, tout devient drôle, absurde, profondément humain et… aussi, désespérant comme une vie sur terre quand on sait que l’on va mourir un jour…

Du coup, la seule chose que je me suis dit et que j’ai gardée en tête c’est que FabCaro était un auteur contemporain comme Becket et Ionesco. Oui, c’est un chantre de la vie humaine comme ces deux dramaturges l’avaient été avant lui… Certes, il ne fait pas du théâtre mais de la bande dessinée… mais, finalement, c’est la même chose !C’est ainsi que j’ai lu en 2018, « Et si l’amour c’était aimer ? » puis « « Moins qu’hier (plus que demain) » et la fibre ne s’est pas brisée, le rire était toujours là ainsi que mon admiration profonde pour cet auteur venu d’on ne sait où… ou, tout simplement, du cœur de l’humanité !

Fabcaro est un auteur de bandes dessinées difficile à cerner – il n’est d’ailleurs pas certain qu’il souhaite à tout prix être cerné – et pour résumer on pourrait dire qu’il développe dans ses récits un triptyque incroyable : absurde-humour-humain ! Alors quand il parle d’amour, il se lâche totalement et cela fait du carnage !

Ces ouvrages sont d’une humanité forte et profonde tout en nous plongeant dans l’absurde, un absurde qui touche à notre nature humaine et ce que nous appelons l’amour, la fidélité, la réussite, la chance… Il regarde cette humanité au révélateur de l’amour, du coup de foudre et de la séparation… Parfois, le lecteur éclate de rire, tandis que d’autres images ou textes le poussent à la réflexion, voire le plonge dans la mélancolie… Mais, c’est sa force incroyable, après nous avoir fait toucher du bout des doigts le désespoir, il nous propulse dans la vie : oublie tout cela et vis !

Attention, avant de dire quelques mots d’Emile Bravo, je dois préciser que lire Fabcaro comporte des risques d’addiction ! C’est dit…

Donc, cette année, ce fut aussi le retour de Spirou, du moins le Spirou d’Emile Bravo avec la première partie de « L’espoir malgré tout »…  Les éditions Dupuis ont décidé, il y a quelques années, de confier, pour une histoire, les personnages de Spirou et Fantasio à un auteur de bédé ou un duo… C’est ainsi qu’en 2008, Emile Bravo a eu cet honneur, car il s’agit bien d’un honneur, de passer après le créateur, Rob-Vel, mais aussi des signatures aussi prestigieuses que celles de Jijé ou Franquin sans oublier Tome et Janry… Emile Bravo a relevé donc ce défi, cela en est un aussi, et il l’a fait après Yoann, Vehlmann, Le Gall, Tarrin et Yann… Qu’allait-il nous offrir ?

La première surprise, elle est de taille, c’est qu’il a choisi de nous raconter une des premières aventures de Spirou. En effet, et ce n’est pas seulement un choix esthétique, Spirou ne connaît pas encore Fantasio, il travaille bien au « Moustic Hotel », il est groom et il est bien dans sa tenue traditionnelle…

A ce stade, j’ai même eu peur de tomber dans les premières histoires car je n’ai jamais trop apprécié les débuts de Spirou avec Rob-Vel. Mais dès le départ, on sent que Bravo va nous raconter tout autre chose en faisant de son héros d’une histoire un personnage en fabrication. Ce n’est pas un véritable ingénu, c’est un jeune homme en devenir et la période choisie, qui correspond bien avec la réalité de la vie de Spirou, est cette période où les Européens croient qu’il est encore possible d’éviter la guerre avec l’Allemagne… Une rencontre secrète aura lieu au «Moustic Hotel» entre une délégation polonaise et un officiel allemand de très haut niveau… Le sort de l’Europe, du monde qui sait, est en train de se jouer…

En effet, Emile Bravo en profite pour stigmatiser une partie de la bourgeoisie occidentale – les Belges ne sont pas seuls – qui ne comprend rien aux enjeux de cette période, qui ne comprend pas pourquoi les Juifs sont en danger, qui est prête à faire la paix avec Hitler quel qu’en soit le prix à payer…

Le côté le plus touchant est de découvrir la première histoire de cœur de Spirou. Souvent on parle des héros de cette époque comme de petits garçons graines de machos… ici, Spirou, en jeune ingénu, je le reconnais, découvre que l’on peut passer du temps avec une belle jeune ukrainienne et ne pas arriver à lui dire sa flamme… mais avec une pointe de rouge sur les joues, quand même !

Enfin, j’apprécie de découvrir comment la conscience est venue à notre ami animal Spip et cela le rapproche, aussi, d’un certain Milou qui a une conscience aussi…

Cette lecture m’avait donné beaucoup de joie et je confirme que ces personnages de nos enfances sont beaucoup plus que des amusements. Non, ils sont devenus, les Spirou, Tintin, Gaston, Modeste, Cubitus… les acteurs de nos changements, de nos expériences, de nos apprentissages de la vie et je leur en suis reconnaissant ! C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je les retrouve et les accompagne dans leurs nouvelles aventures…

Or, voilà que dix après Le journal d’un Ingénu, Emile Bravo revient en 2018 à Spirou avec le premier tome – et il y en aura quatre – de L’espoir malgré tout. C’est la suite directe du premier album, cette fois la guerre à bien commencé et elle va balayer toutes les certitudes des Belges. Spirou ne comprend plus rien à ce monde qui tremble sur ses bases et nous allons découvrir les affres de l’occupation avec ce personnage de Spirou.

Voilà un bel album, accessible à tous car on peut le lire comme une simple aventure tandis que l’on peut en avoir une lecture beaucoup plus politique. J’ai beaucoup aimé l’explication de l’antisémitisme faite par un paysan, le Père Anselme, au jeune Spirou… Comme quoi, un Spirou peut en cacher un autre…

Comme il va y avoir quatre tomes au total nous aurons l’occasion d’y revenir mais ce livre est d’une très grande qualité et mérite d’être lu et placé dans les mains de beaucoup de lecteurs de 7 à 77 ans… Que les lecteurs de Spirou et de Tintin ne déterrent pas immédiatement la hache de guerre…

Ces deux auteurs, FabCaro et Emile Bravo m’ont donc offert cette année de bien belles lectures et je ne pouvais que partager cela avec vous… Mais nous aurons certainement l’occasion de revenir en compagnie de l’un ou de l’autre dans les mois à venir…

Bilan BD 2018, 1er volet

L’hirondelle ne fait pas le printemps de même que le trentième anniversaire de la collection Aire Libre ne peut pas résumer à lui seul l’année de la bande dessinée. Certes. Néanmoins, on peut dire que dès janvier la barre était placée haut en célébrant cette collection qui a produit durant trois décennies quelques belles bandes dessinées, quelques beaux chefs-d’œuvre. Impossible de tous les citer donc gardons seulement en mémoire quelques beaux titres… SOS Bonheur, par exemple avec Jean Van Hamme au scénario et Griffo au dessin… D’autant plus pertinent que l’année 2017 avait vu sortir le premier tome d’une seconde saison avec Desberg au scénario cette fois-ci… Il s’agissait de nous faire réfléchir à l’avenir de l’humanité… et c’était remarquable !Pourrais-je réaliser une sorte de top 5 de cette collection ? Je pourrais dire – du moins aujourd’hui – que ces albums seraient : Dali de Baudoin (2012), Le photographe de Guibert, Lefèvre et Lemercier (2003), Lune de guerre de Van Hamme et Hermann (2000), Quelques mois à l’Amélie de Jean-C Denis (2002), SOS bonheur de Van Hamme et Griffo (1988)… et j’ai déjà mangé mon quota !!! Quelle tristesse quand je pense à tous les autres que j’ai dévorés avec plaisir !!! Disons pour être parfaitement honnête que je n’ai pas pris en compte dans mon choix les deux derniers albums lus en janvier 2018, deux merveilles que sont Cinq branches de coton noir de Steve Cuzor et Yves Sente et Jolies ténèbres de Fabien Vehlmann et Kerascouët…

Et je souffre déjà de ne pas avoir cité L’enragé de mon ami Baru (2004)… ni aucun album de Cosey… Voyez, en trente ans cette collection a drainé de tels ouvrages qu’il est impossible de se limiter à juste une liste banale…

2018 cela aura donc été les trente ans de cette magnifique collection et pour moi la lecture de cet ouvrage de Steve Cuzor et Yves Sente, Cinq branches de coton noir… Cet album m’avait échappé et c’est un ami qui m’a poussé à le lire… Grand bien m’a fait de l’avoir écouté car c’est bien une grande bande dessinée… Une très grande…Steve Cuzor est un dessinateur que j’ai rencontré la première fois autour d’une série chez Casterman, Blackjack, au début du vingt-et-unième siècle… j’avais beaucoup aimé sa façon de dessiner ses personnages. Je l’avais lu dans la série Quintett pour laquelle il avait dessiné le tome 3 puis, je l’avais perdu de vue…

L’histoire de ces Cinq branches de coton noir est à la fois simple et complexe car elle se déroule sur plusieurs époques et plusieurs lieux. Pour faire simple, sans pour autant vous priver du suspense, on peut dire que nous allons partir à la recherche du premier drapeau des Etats-Unis, celui conçu par George Washington lui-même, celui créé par Betsy Ross, celui modifié par une certaine Angela Brown… C’était en 1776…

Ce drapeau a connu toute une vie perturbée car il fut pris par l’ennemi, s’est retrouvé en Allemagne, en Angleterre, en France… Et voilà que des soldats américains reçoivent comme mission de le reprendre à un dignitaire nazi qui l’a récupéré… Nous sommes pendant la Seconde Guerre Mondiale…

Je n’ai pas envie de vous en dire beaucoup plus car le scénario est tellement bien dosé et calibré au millimètre que pour vous sauvegarder la lecture il faut savoir se taire un peu… Attention, quand même, ne croyez pas qu’il s’agit d’un simple hommage aux Américains, à leur bannière étoilée et aux guerriers… En fait, le propos de l’album est beaucoup plus large, beaucoup plus humain, beaucoup plus profond…

Il est question d’une histoire qui prend ses racines dans l’histoire des Etats-Unis et qui va parler de l’humanité entière car elle aborde les notions, concepts et réalités de la nation, de l’amitié, de la fidélité, de l’égalité des hommes, du travail, de la guerre, de la vie, de la mort, de la transmission, de l’autorité… Oui, tout passe en revue, le lecteur se laisse prendre, n’oppose aucune résistance…

Il est maintenant temps de vous parler du graphisme de Steve Cuzor, des spécificités de sa narration graphique, de l’adéquation de son style à cette histoire ! Oui, j’ai le sentiment de voir un dessinateur arriver à son paroxysme et je ne voudrais pas dire par là qu’il ne fera plus rien après, seulement qu’il ne pourra plus faire comme avant ! La première chose qui saute aux yeux c’est que nous sommes ici dans une bande dessinée où les visages délivrent les sentiments, les émotions, les informations… Quand on était dans l’exposition, on sentait cela, quand on lit l’album on se pénètre de cette réalité et quand on referme le livre, que l’on tente de se souvenir… on voit le visage de Betsy, de Justin, de Lincoln, d’Angela, Johanna… et tous les autres car même les personnages secondaires sont bien dessinés ce qui les rend vivants, attachants, bien réels…

Et donc, encore un merci sincère à celui qui m’a poussé à lire cette bande dessinée qui sera donc dans mon top dix mais je ne vais pas donner de numéro dans ce top dans l’exercice est délicat… A suivre, bien sûr !

Vers un bilan 2018 de mes lectures ?

On arrive à l’époque où traditionnellement on va me demander : Au fait, c’est quoi ta meilleure bande dessinée de l’année 2018 ? Et là, comme à chaque fois, je vais rester silencieux de longues minutes car j’ai beaucoup de mal à répondre à une telle question. Comment comparer des albums aussi différents que le dernier album de la série Le chant des Stryges ou le roman graphique Amour minuscule ? Comment arriver à mesurer les avantages de cette histoire profonde Le chemisier en le comparant à ce travail quasi journalistique L’Odyssée d’Hakim ?  C’est juste impossible et ce serait faire comme si la bande dessinée était un genre simple, unifié et destiné à un seul public… alors qu’il s’agit d’un genre hybride, complexe et d’une diversité incroyable ! Il ne vient jamais à l’idée d’un critique de cinéma de comparer Mon voisin Totoro avec le Jeanne d’Arc de Victor Fleming ! Et, pourtant, c’est ce que l’on me demande trop souvent… Alors, jouons un peu le jeu… Juste un peu !J’ai toujours revendiqué d’être un chroniqueur et non un critique, c’est-à-dire que je prends plaisir à vous raconter et vous partager mes lectures, mes spectacles, mes expositions sans prétendre en faire l’analyse exhaustive et complète. Certains pensent que je suis trop gentil mais, en fait, je ne parle que de ce que j’aime. Quand je n’aime pas, je préfère m’abstenir ! Comme nous arrivons en fin d’année, il me semble judicieux de faire un petit retour en arrière et vous rappeler les spectacles, les romans, les bandes dessinées, les expositions qui ont retenu mon attention. Pour les lectures, ce sont parfois des parutions plus anciennes mais lues ou relues cette année 2018. Il s’agit donc bien d’un bilan 2018 et rien de plus… et comme toujours, je suis tout sauf objectif ! Normal, puisque je vous parle de ce que j’ai aimé !J’ai décidé arbitrairement de vous diviser cela en chapitres, un pour les romans, un pour la bande dessinée, un pour les livres enfant, un pour les spectacles et un pour les expositions ! Là encore, c’est arbitraire, mais ce sera comme cela ! Et pour les délais, disons que je vous promets cela pour les deux semaines qui viennent sachant que ce genre de promesses n’engage que ceux qui y croient…

Donc, bonne lecture et vous avez entièrement le droit de ne pas partager avec moi ces impressions de lecteur ou spectateur… et vous avez même le droit de le dire !

Pour ce qui de mes amis romanciers, auteurs, dessinateurs ou coloristes… désolé, tout le monde ne pouvait pas être dans la sélection annuelle… mais je vous aime tous, bien sûr !