Deux personnes seules au monde
de Yōñ-Ha Kim

critiqué par Débézed, le 2 mai 2019
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Machiavéliques !
Kim Young-ha est l’une de mes portes d’entrées dans la littérature coréenne moderne, avant de le découvrir, j’avais déjà lu quelques livres d’auteurs coréens mais je n’avais pas vraiment accroché, je trouvais leurs textes très elliptiques, pas facile à en percer le sens profond. Après avoir lu « Ma mémoire assassine » de Kim Young-ha, je suis entré dans un autre monde, j’ai découvert d’autres auteurs sortant d’une littérature un peu fossilisée, proposant des textes novateurs. Le présent recueil se situe dans cette droite ligne littéraire, dans ce recueil, l’auteur propose trois nouvelles écrites avec la même virtuosité que son roman cité ci-dessus.

La deuxième nouvelle est particulièrement remarquable, l’auteur y déploie toute sa virtuosité pour construire une intrigue particulièrement sophistiquée. Une intrique qui démonte la machination machiavélique qu’un éditeur a élaborée pour se débarrasser de son écrivain vedette devenu trop coûteux pour ce qu’il produit ou ne veut même plus produire. Ce texte comblera les amateurs de romans le plus noirs qui soient, tant l’intrigue y est machiavélique. Cette nouvelle commence par le récit de la visite chez son psychiatre d’un patient qui se prend pour un épi de maïs.

« Que vous arrive-t-il ? l’interrogea le psychiatre.
- Je suis poursuivi par des poules. J’ai tellement peur. »
… d’une voix douce, son psy tenta de le rassurer.
- Vous n’êtes pas un épi de maïs, vous êtes un homme. Vous le savez, n’est-ce pas ?
- Moi, je le sais bien sûr, mais elles, docteur ? »

Dans cette nouvelle où l’on ne sait plus qui manipule qui, l’écrivain en panne d’imagination comprend vite qu’il est l’épi de maïs qu’une grosse gallinacée voudrait bien picorer mais l’homme de lettres peut comprendre les coups les plus tordus. Il a l’esprit plus affuté que l’assassin le plus machiavélique qui soit.

Les deux autres nouvelles ne manquent pas d’intérêt elles aussi. L’une raconte comment un père écrase totalement sa fille préférée qui ne trouve sa voie dans la vie qu’après le décès de celui-ci. L’autre raconte l’histoire bien pathétique d’un couple qui s’est fait ravir son enfant unique et qui ne le récupère que quand l’épouse a sombré dans la folie et que l’enfant devenu adolescent refuse cette famille invivable qu’il ne connait pas entraînant une chute tout à fait inattendue.

Incontestablement Kim Young-ha est un grand écrivain, un grand conteur, il sait construire des intrigues très sophistiquées dans lesquelles il égare le lecteur le plus attentif pour le surprendre par une chute des plus inattendues.