Marc_Galan
avatar 03/03/2007 @ 00:46:41
D'abord, Bonjour à tous les participants et lecteurs de ce forum
J'ai écrit une saga sur la préhistoire récente de l'Europe (il y a 5000 ans) et j'ai souhaité vous offrir sous forme d'un feuilleton une partie de mon livre. Bien sûr, chacun pourra commenter, qualifier mon texte de génial (merci) ou de nul (merci aussi, s'il m'explique pourquoi).
Vous constaterez à la lecture du résumé que AUBE, la saga de l'Europe, est un roman historique, à cela près que la période traitée ne nous est connue que par déduction et en fonction de faits qui n'ont été connus que 20 à 45 siècles après les événements décrits. Tout est possible, sinon probable, mais aucun de mes personnages n'a évidemment d'existence historique attestée par des documents ou des témoignages de l'époque. C'est ainsi que les choses ont dû se passer. C'est tout.
Mais aujourd'hui, un petit résumé de l'histoire qui commencera le 1er Mars au rythme d'un extrait par jour

----------------------------------

Saga historique, épopée au ton d’heroic fantasy, AUBE raconte l’histoire des Indo-européens, ancêtres des nations de l’Europe, d'une partie de l’Asie, des Amériques et de l’Océanie.
Cette saga de l'Europe se déroule à l'aube des peuples, à la fin de la préhistoire, moment où l’histoire commence et où la civilisation apparaît. A l’est de l’Europe vit cet ensemble de tribus aux institutions et au langage communs qui sont la base de la plupart des langues, des mythologies et des systèmes politiques et sociaux de l’Occident. AUBE raconte leur histoire au travers de celle de quelques-uns de leurs représentants à cette époque cruciale où leur peuple éclate et se disperse.

LIVRE I : LA PIERRE-SOLEIL
- On n'aurait pas dû !
Non, ils n'auraient pas dû s'arrêter au village des loutres, mais ils étaient si las, après une saison de combats, et il était si près... Ils auraient mieux fait de camper dans un champ d'orties
Ils avaient vite compris. Ils l'avaient traité selon ses mérites, et étaient partis. La gloire et les honneurs les attendaient. Ils devaient s'en aller !? C'était tant mieux !
... C'était tant pis.

LIVRE II : LE PRINTEMPS SACRÉ
L'ambition est une qualité... mais si elle se heurte à un homme trop favorisé, tout change. Elle devient la mère de tous les crimes
Parce que les dieux l'ont mis en travers de l'ambition de Thonronsis, Kleworegs va devenir l'objet de sa haine. Il va échapper à plusieurs tentatives de meurtre... jusqu'à ce que l'une d'elles soit bien près de réussir.
... Et si la mort ouvrait la porte sur un autre monde... Si la volonté de refuser ce monde l'emportait sur la fatalité du destin promis ?

LIVRE III : PLAINE ET FORÊT
("J'ai voulu lui donner sa chance !" )
Kleworegs, favorisé et élu par les dieux, en a fait un peu à sa tête avec les lois humaines. C'était un amusant défi d'offrir à Udnessunus, paysan roublard, les mêmes opportunités qu'à un roi. Malgré ses qualités, il ne saurait quoi en faire.
Il avait bien choisi son homme... trop bien. Udnessunus a réussi très au-delà de ses espérances, à faire honte à bien des rois... Et même à lui, à qui la chance n'a guère souri.
Laissera-t-il la jalousie l'emporter ?

Tistou 03/03/2007 @ 09:10:35
Bonjour et Bienvenue Marc Galan.
Selon le principe de Vos Ecrits, la démarche n'est pas à sens unique. Il ne s'agit pas uniquement d'exposer des textes pour y recevoir des critiques. Il s'agit d'en faire de même, de lire ce qui est proposé et d'émettre des critiques. Et de participer, dans la mesure des possibilités aux échanges proposés. Je veux dire par là, plus convivialité que club de lecteurs.
Sur les présentations que tu proposes, j'avoue que le Livre I, La Pierre Soleil, laisse passablement perplexe ?

Marc_Galan
avatar 03/03/2007 @ 15:32:17
Bonjour

Bien compris le mécanisme. Je vais bien sûr regarder et commenter un certain nombre de posts. J'en ai trouvé qui donnent envie dans la liste des derniers parus.

Qu'entends-tu par "perplexe" ? Et quelles sont les raisons de cette preplexité.

Tistou 03/03/2007 @ 17:17:48
"Non, ils n'auraient pas dû s'arrêter au village des loutres, mais ils étaient si las, après une saison de combats, et il était si près... Ils auraient mieux fait de camper dans un champ d'orties
Ils avaient vite compris. Ils l'avaient traité selon ses mérites, et étaient partis. "

Ma perplexité venait de ce que "ils n'auraient pas dû s'arrêter", puis "ils l'avaient traité".
Ca me paraissait à l'envers puisque ce sont "ils" qui s'arrêtent, on s'attendrait à ce que ce soit "ils" qui soient traités.
Voilà.

Marc_Galan
avatar 03/03/2007 @ 17:28:48
En fait, ils sont reçus de façon à peu près correcte, mais ils ont le sentiment de quelque chose qui cloche... et ils découvrent le secret honteux de ce village ("ses mérites"). Ils le punissent alors, mais sans violence et sans violer les règles de l'hospitalité. C'est dans ce sens que j'emploie le mot "traités".
L'histoire est vue du point de vue de ses héros, non de ceux qui les côtoient. Il existe un autre personnage important, celui que j'appelle "Il", dont l'histoire est racontée en parallèle jusqu'à ce que les deux n'en fassent plus qu'une.
Mais j'en dis trop, là.

Laffreux 04/03/2007 @ 14:09:41
Tu délires parfait Tistou.
S 'abonner à la critique systématique , est un enfer.
bien sûr ,tu as raison sur la forme , t'en retires un plaisir particulier?
Je t' ai pourtant proposé de me contacter,lettre morte?
Il est toujours temps pourtant,et je pense vraîment que nous avons des choses en commun;à dire!

Laffreux 04/03/2007 @ 14:21:24
Tu délires parfait Tistou.
S 'abonner à la critique systématique , est un enfer.
bien sûr ,tu as raison sur la forme , t'en retires un plaisir particulier?
Je t' ai pourtant proposé de me contacter,lettre morte?
Il est toujours temps pourtant,et je pense vraîment que nous avons des choses en commun;à dire!

Marc_Galan
avatar 05/03/2007 @ 12:24:47
LA PIERRE-SOLEIL



IL



... Flanc fendu, boitant bas, il était rentré de sa chasse ; il avait appris l'outrage fait aux siens ; il était reparti, blessures bannies. À quoi bon chercher plus avant ! L'honneur à venger ne souffre pas l'attente.
Pour mener sa quête, il n'avait qu'un nom : Kleworegs, roi du clan du Cheval ailé.
C'était le nom de sa cible. C’était assez.
... Il prit sa piste.

Pourquoi n'avait-il pas été là le jour de l'affront ? Il aurait su l'empêcher, lui... Il fuyait sa vie d'avant... si morne, si lourde d'ennui.

Pourtant, tout autour de lui, à son insu, le monde était en marche. Mais comment, fils d'un fief perdu, aurait-il connu les arcanes du siècle et les secrets des rois ?



ENCORE LA NUIT


De la tête aux pieds, l’homme seul dans la steppe n’était que sang. Il courait – cheveux collés, raidis en épaisses touffes poisseuses, visage tiré sous la couche noirâtre de sève séchée, vêtements imprégnés de la rouge liqueur –, unique rescapé d’une proche tragédie, d’un aveugle massacre régal des corbeaux. Le guerrier ondoyé de tout ce sang avait mené un combat sans merci. Les coups les plus féroces y avaient été portés ; les vaincus, exterminés sans recours. Maintenant seuls les lièvres, détalant devant lui, comme lui, voyaient sa douleur, sa honte.
Il ne fuyait pas. Il avançait à fermes foulées, toutes forces bandées, se refusant tout répit ou repos. Un seul souci le poussait : rencontrer, avant que ses assaillants ne soient trop loin avec leur butin, un parti des siens. Jusque là, il se l’était juré, il ne cesserait de courir.
Il devait le croiser avant la nuit. Passé ce délai, les Muets maudits auraient pris trop de champ. Nul espoir alors de les rattraper. À cette allure, il pourrait tenir son serment. Il ne s’écroulerait pas, fauché par la fatigue, laissant l’ennemi prendre un surcroît d’avance. Chaque foulée le rapprochait de la vengeance. La moindre pause était sacrilège.
Il courait, cœur empli de honte et de colère, corps souillé de sang. S’il avait pu couler de la gorge de ses vainqueurs ! Cruelle réalité ! Cette sève de vie enfuie était un acide. Traversant sa peau, elle venait lui ronger, lui brûler l’âme. Il devait les retrouver et s’en laver dans le leur. Il ressentirait, sinon, cette morsure à jamais. (« Encore un effort, les tiens sont tout près. Cours, cours, comme si ta vie en dépendait ! ... Elle en dépend. La vie de qui n’a vengé les siens ne mérite plus ce nom. » )

Marc_Galan
avatar 06/03/2007 @ 12:19:01
Le combat résonnait dans sa tête, y vivait. Y vivrait, au moindre détail, à jamais. Ils revenaient d’un raid qu’il n’aurait jamais oublié. C’était son premier. Le butin en avait été plantureux. N’y manquaient ni captifs encore farouches (Qu'ils en profitent ! La servitude saurait les briser.), ni chevaux agiles, ni gras bovins... sans oublier les peaux, les vivres, les bijoux, le sel, et surtout leurs idoles, statuettes grossières et vermoulues. Il n’était prise plus prisée. Arrachés de haute lutte à des fidèles prêts à mourir pour eux, ces trophées témoignaient de leur vaillance. Ils s’en approprieraient les vertus... Et les hommes immolés à leur courroux sauraient, de l’au-delà, leur défaite. Ils en sauraient gré à leurs vengeurs. Ils les avertiraient de tout péril en se glissant dans leurs songes.
Sa tribu se sentait en sûreté. Son butin était abondant, l’âme de ses guerriers sereine. Leur lente avance, femmes et enfants à la traîne, ne leur pesait guère. Les dieux les avaient favorisés. Pourquoi les rejetteraient-ils soudain ? Elle avait pour eux un profond respect. Il ferait beau voir que l’un d’eux osât n’y répondre. Il paierait son ingratitude. Nul ne lui sacrifierait plus. Le feu s’éteindrait sur ses autels… Il reviendrait vite à de meilleurs sentiments !
Il ventait fort. Les âges extrêmes frissonnaient. Ils avaient coupé par les bois. « Ce sera un abri, et un raccourci », avait dit le roi. Et tous avaient loué sa sagesse. Rien ne manquait à leur bonheur, qu’une halte. Aucune clairière ne s’y était prêtée. Si ce pouvait être la prochaine, là-bas !
À quoi pensaient, alors, ses frères ? Lui – dernier souvenir agréable – à une jeune captive, belle comme lune, sale comme truie. Il la demanderait lors du partage. Il en avait fait assez, à son premier raid, pour se la voir accordée. Nul ne conteste à un hardi compagnon une exigence raisonnable. Épouillée, lavée, la rondelette serait de plaisant commerce.
Soudain, un hurlement avait retenti.

Mae West 07/03/2007 @ 06:10:01
oh là là ...

TELEMAQUE 07/03/2007 @ 08:21:50
oh là là ...


ouille, ouille, ouille, comme on dit dans Germinal...
Notre auteur est allé au charbon...

Marc_Galan
avatar 07/03/2007 @ 09:16:55
Merci à Télémaque et à Mae West, leurs critiques me rendent un grand service pour améliorer mon texte.
Pour Mae West
Ce garçon ne vous veut aucun mal, voyons
Pour Télémaque.
Vu l'époque, c'est plutôt au bois qu'au charbon, mais l'important est que ça chauffe

Marc_Galan
avatar 07/03/2007 @ 12:44:31
Les ennemis, en embuscade, avaient bien choisi. Le clan était trop engagé au sein des fourrés. Il ne pouvait manœuvrer. Ils s’élançaient, en un discordant concert de cris et d’imprécations. Leurs archers le criblaient de flèches, de ces flèches barbelées, au bout en arête, qu’on ne retire qu’au prix de sa chair. D’autres lançaient leurs javelots, à pointe barbelée comme les traits, et aussi perfides. Le reste se précipitait, l’épieu ou le court poignard de silex à la main. Les épieux fouillaient les chairs. Le silex lancéolé les lacérait. De rose, l’avenir s’était fait rouge et noir. Il avait saisi son arme ; il s’était jeté contre l'ennemi au sein ardent du combat.
Était-ce l’ivresse du sang, cette fureur qui l’avait envahi ? Quel nom donner au tourbillon auquel il s’était livré ? Il avait frappé. Sa lame avait fouillé des ventres ennemis, tranché des gorges forcées à s’offrir par sa rage homicide. Tue, tue, tue ! Ce cri résonnait dans sa tête... S’il ne devait se taire qu’à la mort du dernier ?
… Et tout était devenu noir.
Il s’était réveillé... plus tard. C’était toujours la même nuit, striée d’écarlate. Un horrible silence régnait, à peine rompu par les cris des choucas. Il avait tenté de bouger. Si ses muscles répondaient, une pesanteur à lui interdire de se mouvoir jamais écrasait ses épaules. Il avait fini par se libérer un bras. Moitié poussant, moitié tirant, il s’était ouvert une trouée. Il agitait sa main. Le vent soufflait dessus. Il devait mieux écarter, ouvrir plus larges ses paupières collées.
Le vague souvenir lui revenait, par bribes légères, effilochées comme les petits nuages de beau temps, d’un fait important, grave, tragique. Il y avait sans doute pris part. Pourquoi était-ce si flou, si ténu ? Pourquoi sa mémoire restait-elle engluée, captive, comme lui de cet amas de corps sanglants ?
Ces corps ! Les questions étaient inutiles. Il avait fini par ouvrir les yeux. Bien à tort. Un tel carnage ! Il commença à se dégager du charnier où il était resté – longtemps ? – enseveli. Il y voyait enfin clair. En quelques mouvements, il se sortit du monceau de cadavres des siens et aussi, grâces aux dieux ! de leurs ennemis.

Mae West 08/03/2007 @ 08:06:01
oh là là ...


ouille, ouille, ouille, comme on dit dans Germinal...
Notre auteur est allé au charbon...


Aïe aie aïe, trop dur à lire pour moi qui suis un vrai boulet, je retourne à la bédé relire "coke en stock" et "anthracite contre les rats noirs".

Marc_Galan
avatar 08/03/2007 @ 08:28:54
Mais non, Mae West, je suis sûr que vous faites des complexes. Aube n'est pas si difficile à lire.
A part ça, Coke en Stock et Anthracite (en fait tous les Tintin et tous les albums de Macherot) sont d'excellentes lectures dans lesquelles je me plonge moi aussi très souvent.

Mae West 08/03/2007 @ 12:31:04
Sans doute de formation trop classique, je n'accroche pas dans l'ensemble à l'heroic fantaisy. iCI?
Honnêtement, je n'accroche pas au style, je préférais celui de "La guerre du feu". J'ai l'impression ici d'être devant un jeu video auquel je n'ai pas envie de jouer. Trop d'images, tout est montré, rien n'est suggéré. Ces brutes parlent et agissent trop clairement, on dirait qu'ils savent à tout moment ce qu'ils font, ne laissant pas la place à une vision plus impressionniste des choses, moins définie, plus floue.

En tous cas c'est mon avis personnel.

Il me semble les récits des splendeurs et misères de la grande marche de l'humanité ont besoin du souffle de la poésie ou de l'épopée pour que je puisse marcher moi aussi.

Marc_Galan
avatar 08/03/2007 @ 15:36:20
Debout, il examinait le charnier. Guerriers, vieillards, femmes, enfants, ennemis, étaient entassés. Comment n'avait-il pas étouffé ? Il respira un grand coup. Était-il blessé ? Sa peau ! Rouge sang ! Il avait été écorché vif ! Mais il ne ressentait aucune douleur... Ce n’était que du sang répandu. Il avait été si peu écorché qu'on lui avait laissé ses vêtements. Il se palpa. Les Muets, au dire des vieillards gardiens des traditions, mutilent leurs victimes. Ils leur coupent les oreilles – ils s’en font des trophées – et la virilité – ainsi diminuées, elles n’oseront venir réclamer vengeance auprès des dieux. Au mieux, ils les dépouillent et les dénudent. Voici qu’il était intact, du moins entier. Il se caressa la tempe. Sa chair était à vif ! On lui avait arraché l’oreille ! Il se détrompa. Cette plaie n’était que la trace du coup qui l’avait étendu à terre, raide comme bâton, le laissant encore abasourdi.
Il continua à se tâter. Il n’avait rien de grave. Comment, à la différence des siens, avait-il pu être épargné ? Blessure bienvenue ! Le laissant pour mort, elle lui avait sauvé la vie.
Il revint au tas de cadavres qui l’avait protégé. Au moment de l’assaut final, ils s’étaient regroupés, faisant le dernier carré autour de lui. Ils lui étaient tombés dessus, le masquant à la fureur dépeceuse de l'ennemi. Ces maudits n’avaient pas, dans leur hâte, pris le temps de les retourner pour s’emparer de tous leurs biens. Ils avaient paré au plus pressé, ne s’attardant à dépouiller et à mutiler que les mieux vêtus et ceux qui semblaient commander. En auraient-ils eu le loisir que, devant son aspect, ils y auraient renoncé. Sa fourrure miteuse était indigne d’un butin ; ses oreilles, ourlées comme celles d’une femme, pas plus dignes de figurer parmi des trophées. Le contenu des chariots et les ornements pris sur les chefs, à eux seuls, justifiaient les risques de cette attaque loin de leurs bases. Ils ne s’attarderaient pas pour une vieille peau pleine de sang et le mesquin plaisir d’essoriller un gamin. Ils partiraient vite, ne prenant que le temps d'honorer leurs morts.
Il maudit son roi. « Un abri, un raccourci ! » … Un abri contre le vent, pour un raccourci vers la mort. Puis il tomba à genoux. Le message des dieux était clair. Ils l’avaient laissé vivre pour laver l’affront. Ils avaient ordonné. Il obéirait. À l’instant.

Marc_Galan
avatar 08/03/2007 @ 15:42:20
Sans doute de formation trop classique, je n'accroche pas dans l'ensemble à l'heroic fantaisy. iCI?
Honnêtement, je n'accroche pas au style, je préférais celui de "La guerre du feu". J'ai l'impression ici d'être devant un jeu video auquel je n'ai pas envie de jouer. Trop d'images, tout est montré, rien n'est suggéré. Ces brutes parlent et agissent trop clairement, on dirait qu'ils savent à tout moment ce qu'ils font, ne laissant pas la place à une vision plus impressionniste des choses, moins définie, plus floue.

En tous cas c'est mon avis personnel.

Il me semble les récits des splendeurs et misères de la grande marche de l'humanité ont besoin du souffle de la poésie ou de l'épopée pour que je puisse marcher moi aussi.


J'appelle mon travail "heroic realism". Effectivement, j'ai beaucoup aimé la Guerre du Feu. Mais du temps a passé depuis. On écrit différemment.
En fait, il y a une raison pour que mes personnages aient ici un peu cet aspect "fantasy". Mais je ne le révèle pas tout de suite.
Merci en tout cas de l'attention que vous portez à mon travail. Toute critique intelligente est pour moi la bienvenue. Au fond, c'est le lecteur qui termine l'oeuvre. Elle reste inachevée ans lui.

Marc_Galan
avatar 09/03/2007 @ 13:08:19
Il se pencha, observa les traces. Celles des chariots étaient profondes. Aucun risque, sauf pluie violente et prolongée, de les perdre. Il leva le regard vers le soleil. Il était resté évanoui trois de ses pas. Il huma les bouses encore chaudes laissées par les bœufs de trait. Les derniers massacreurs étaient partis depuis trois, voire quatre, fois moins longtemps.
Il l’avait vérifié par une foule d’autres détails, s’était de même assuré de leur nombre et de leur route. Les leçons apprises, dès sa prime enfance, des hommes d’âge et de savoir, avaient afflué. Ils avaient mis leur ultime fierté, employé leurs ultimes forces, à le transmettre et à former la jeunesse avide de les égaler. Leurs efforts n’auraient pas été vains. Elles lui avaient profité...
Il s’était mis à courir. Là où il dirigeait ses foulées, il trouverait un clan de guerriers de sa race. Il lui ferait le récit de son malheur. Il lui demanderait vengeance. Pourvu qu'elle soit puissante et riche en hommes forts et vaillants ! Ses assaillants avaient eu de lourdes pertes. Leurs rangs comptaient nombre de blessés. N’importe ! Il lui fallait la meilleure troupe. Il n’allait pas mener un raid. Il allait faire payer le prix du sang.
Il courait. Le soleil était toujours plus bas, les ombres toujours plus longues. Il courait. Bientôt la nuit – où nul ne s’aventure… des puissances hostiles y rôdent ; où la vie, comme les hommes, est assoupie – viendrait. Les muscles de ses jambes n’étaient plus que douleur ; son souffle, un brasier desséchant. Il courait. Il courrait jusqu’à rencontrer des frères, et entendre leur serment de venger les siens. Après, il serait toujours temps de songer à la souffrance... Après.
La pluie vint lui rafraîchir le gosier, une pluie battante, circonscrite, d’autant plus forte qu’elle n’arrosait qu’une faible surface. Elle ravina le sang séché sur son visage, lava les failles où il s’était craquelé ; les îlots noirâtres qu’elle laissa sur sa peau bronzée lui firent un masque plus sinistre encore. Cette ondée était une aide des dieux. Il respirait mieux. Sa course reprit une ardeur nouvelle. Malgré la tombée de la nuit, il continuerait, quitte à en affronter les forces mauvaises… La belle affaire ! Se soucier de piteux démons, quand l’attendait la vengeance !
Courir, courir encore, courir à en mourir. La nuit était tombée depuis au moins un pas de la Brillante. De quoi désespérer. Les dieux, pourtant, désiraient que son clan soit vengé. Il avait compris. Ils le voulaient lui aussi. Il n’aurait que le temps de mettre les siens sur la piste de ses assaillants... Si c’était leur prix !
Cachés jusqu’alors par une petite levée de terre, des feux apparurent au loin. Ils l’avaient exaucé. Il avait trouvé un camp... de son peuple, il le fallait ! Il se dirigea vers eux. Soudain, des abois retentirent. Des molosses se ruèrent sur lui, mâchoires à tout déchirer. La pluie battante pouvait avoir lavé son visage, il semblait une pièce de viande. Ils allaient le dévorer. Un ordre retentit. Ils se mirent à l’arrêt. On lui cria de ne plus bouger.
Il reconnut les mots. Il était arrivé. Tout était bien. Les dieux pouvaient le prendre.
Mais qu’ils le laissent, avant, délivrer son message !

Marc_Galan
avatar 10/03/2007 @ 11:26:23
Deux fois déjà, le chef de ses hôtes l’avait écouté. Il n’était pas encore satisfait. Il continuait à l’interroger, à le presser de questions, avide de tout comprendre, attentif à ne lâcher nul fil du lacis de l’assaut. Chaque point pouvait compter.
Il tentait d’avoir réponse à tout. L'hôte avait à cœur d’accomplir son devoir de vengeance. Il ferait tout pour l’aider à la mener à bonne fin. D'autres guerriers, assis à ses côtés, tendaient l'oreille. Ils y allaient parfois, eux aussi, de leur question. Certaines semblaient étranges, anodines, voire stupides, mais chacune se justifiait... Toutes témoignaient de leur sens et de leur science du combat.
Il se sentait bien. Les dieux l'avaient exaucé. Ceux chez qui ils l’avaient conduit connaissaient l’art de la guerre plus que personne, l’aimaient et, à la différence de la plupart, ne seraient pas gens à partir à l’aveuglette. N’eût été leur aspect de bons vivants, il se serait cru face à Thonros et sa troupe.
Mais le dieu des combats n’aurait pas eu besoin de poser toutes ces questions, d’éclaircir tous ces points. Il n’aurait pas eu à ses côtés un guerrier faisant couler par terre la moitié de son hydromel, ni un autre la morve au nez, se l’essuyant de la manche après chaque reniflement. Qu’importe ! Faute d’être ici, il avait mis sur sa route une élite armée. Cela se voyait à la beauté de leurs servantes, auprès de qui l’objet de son désir semblait une souillon, et à l’abondance des bijoux leur enserrant col et poignets. Ils n’avaient jamais connu la défaite.
De tels hommes n’ont peur de rien. Ce n’est pas sans frémir – non de crainte, du plaisir anticipé de l’écrasement de ses bourreaux – qu’il entendit leur chef ordonner aux siens de partir rallier les clans voisins : Butin considérable et sang à laver les attendaient. Lâche et indigne qui ne se joindrait à lui ! Ils partirent dans la nuit. Il revint à son idée première. Sous le commun masque de l’humaine nature, les dieux de la guerre étaient devant lui. Qu’importait sa mort ! Sa vengeance serait accomplie.
... Mais est-ce un dieu qui vous dit, se pinçant le nez, que vous puez le cadavre, et d'aller vous laver ? Est-ce un dieu qui vous laisse un cruchon d’hydromel et vous conseille de le boire à petites gorgées pour ne pas vous étouffer ? Les dieux ne montrent pas cette sollicitude. Il était vivant ! Devant lui, souriant, se tenait le vengeur des siens, le fléau de leurs assassins. Il n’en doutait plus. Homme, dieu, il les ferait expier.

Page 1 de 5 Suivante Fin
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier