Rencontre avec le dessinateur Jérôme Lereculey à l’occasion de la parution du dernier tome de Wollodrïn qu’il signe avec David Chauvel.
Shelton : Bonjour Jérôme Lereculey, aujourd’hui nous partons vers le grand Nord, pour parler de votre série Wollodrïn, une série très forte après le cycle Arthur, avec des personnages eux aussi très forts en caractère puisque on commence finalement à récupérer le bas-fond de la société pour créer le groupe de héros.
Jérôme Lereculey : Oui, c’est vrai qu’au démarrage ce ne sont que des condamnés à mort à qui on propose un marché qu’ils ne peuvent pas vraiment refuser. À priori leur destinée est tracée, certains ne vont pas survivre longtemps, d’autres vont continuer un petit peu (rires).
Shelton : Pour le dessinateur, lorsqu’on a une bande comme ça, hétéroclite, c’est d’abord le plaisir d’avoir des personnages très différents à créer et faire vivre ?
Jérôme Lereculey : Oui au niveau du dessin bien sûr. Avec en plus des personnages variés, comme les orcs, le gobelin…
Shelton : Qui ne va pas vivre trop longtemps (rires)
Jérôme Lereculey : En effet ! Et d’autres personnages plus typés, plus exotiques puis par la suite de gros orcs ! Qui sont un peu le truc qui m’intéressait le plus (rires).
Shelton : Alors il y a des orcs, mais je me souviens que dans le premier album, il y a un nain qui pète les plombs et qui devient fou-furieux. une scène agréable à dessiner, jubilatoire, non ?
Jérôme Lereculey : Oui ! C’est vrai que c’est un personnage bien sympathique, que je trouve amusant, qui fait des blagues et qui, en plus, est dangereux !
Shelton : Justement, par rapport à une série comme Arthur, on est dans quelque chose de plus déjanté, il y a plus d’imaginaire, de choses fantastiques.
Jérôme Lereculey : Oui forcément. Arthur, c’était une retranscription d’un texte existant et en général toutes les scènes suivaient les textes, dont il me fallait être respectueux tandis que Wollodrïn s’inscrit plus dans un registre fantasy, où j’ai plus de libertés de dessin.
Shelton : Quand on doit dessiner des orcs, et puisque c’était une des choses que vous attendiez, est ce que vous essayez, inconsciemment de tenir compte de tout ce qui a été fait au cinéma, le dessin, la bande dessinée, ou est ce qu’à un moment donné on se dit aussi « ce sont les miens d’orcs ».
Jérôme Lereculey : Oui exactement, on essaye de faire ses orcs à soi mais forcément en tenant compte de ce qui a été fait avant. Ça fait des années et des années que je peaufine le style de mes personnages en essayant de les mettre au point, en insistant sur les détails pour qu’ils arrivent à ce qu’ils sont aujourd’hui. Je m’amuse bien avec eux et ils sont très agréables à mettre en scène. C’est vrai qu’ils s’inscrivent dans la ligne Warhammer, Seigneurs des Anneaux, moins le film mais plus les esquisses de Tolkien en ce qui me concerne et également tout ce qui a été fait en illustration.
Shelton : On avait senti pendant tout le cycle d’Arthur que vous étiez plongé dans tout ce qui était celtique, là on s’aperçoit avec les ouvrages qui suivent que finalement votre univers est un peu plus large que ça. Vous avez envie à un moment de revenir à du celtique pur ou finalement, vous vous orientez vers ce qu’on pourrait appeler du « Lereculois » ?
Jérôme Lereculey : Non non (rires). En fait, ce que David voulait en faisant Arthur, c’était de réaliser une transcription de texte mais avec un petit coté fantastique. Mais moi ce que j’aime par-dessus tout, c’est quand même le côté fantastique, donc après avoir fini Arthur, ce qui m’intéressait c’était l’héroïc fantasy, qui est un peu la base de mon inspiration et je voulais vraiment travailler dans un univers comme Wollodrïn où je peux mettre en scène toutes sortes de bestioles, des orcs, des gobelins, des dragons etc. Tout un bestiaire fantastique qui est très rigolo à dessiner.
Shelton : Aujourd’hui, vous souhaitez travailler plutôt dans des séries longue durée ? Avec un album comme Les 7 voleurs par exemple, qui est un one-shot, cela donne plus de liberté pour le dessinateur ?
Jérôme Lereculey : Oui, le côté one-shot, ce qui est intéressant c’est que l’on peut aborder un univers qui est différent, on se fait plaisir, on se donne à fond puis c’est fait et on passe à autre chose ! Puis finalement, Les 7 voleurs c’était la base de Wollodrïn. D’ailleurs on retrouve dans Wollodrïn des personnages issus des 7 voleurs.
Shelton : Vous avez fait aussi un one-shot, Veillée Funèbre, ce sont des choses que vous aimeriez refaire de temps en temps ça, des petites pauses dans votre univers ?
Jérôme Lereculey : Oui, si l’occasion se présente, pourquoi pas ! Je n’ai pas de projet particulier pour le moment, mais j’ai beaucoup aimé travailler sur d’autres personnages. Mais bon pour l’instant c’est vrai que j’ai quand même beaucoup de travail !
Shelton : Wollodrïn c’est une série qui est prévue à très long terme ?
Jérôme Lereculey : Oui. Parce qu’en fait avec David au départ on avait prévu des diptyques, mais là David, à la fin du deuxième diptyque s’est calé sur un modèle série. On a 8 albums de prévus déjà, on sait ce qui va se passer et il a prévu quelque chose pour après…
Clémentine : Je voudrais revenir sur la série Arthur et plus particulièrement sur votre choix de garder les noms propres en gallois. Alors je me demandais si pour vous il fallait prononcer avec l’accent gallois ou si vous les lisiez « à la française » ?
Jérôme Lereculey : Ahaha ! ah non non non non non, moi je ne suis pas à l’aise avec le gallois ancien ! Ni le moderne d’ailleurs (rires). Non, nous quand on se parle entre nous on les prononce d’une manière qui n’a surement pas grand-chose à voir avec l’originale, mais ce n’est pas grave. Je suis allé me renseigner sur les prononciations qui sont tout simplement impossibles… Le seul truc que j’ai retenu c’est que le « w » ce dit « our ». Une fois qu’on a compris ça, ça devient déjà plus facile (rires).Clémentine : Alors quand on parcourt des yeux les paysages d’Arthur, on retrouve vraiment cette lande caractéristique galloise. Est-ce que vous vous y êtes rendu ou vous avez effectué des recherches ?
Jérôme Lereculey : Alors à la base quand j’ai commencé j’avais quand même beaucoup de documentation sur le Pays de Galles et sur les Celtes, les Vikings, donc j’avais bien regardé comment ça pouvait être mais après quand je fais les planches, je ne travaille jamais d’après la documentation, je fais tout de tête avec ce que j’ai emmagasiné.
Donc, les décors, si ça fait penser au Pays de Galles tant mieux, parce que je ne connais pas bien ce pays puisque je ne suis jamais allé là bas ! Ah si, je suis allé à Londres une fois, donc l’Angleterre, je ne connais pas très bien, je n’aime pas trop traverser la Manche (rires) ! Et j’ai été en Irlande aussi, avec de beaux décors, de sites naturels, donc Arthur c’est un peu ça : mes souvenirs d’Irlande mêlés aux souvenirs de mes recherches.
Et aussi, dès que je me ballade en France, je vois un bout de paysage, je me dis « Ah tiens ! Ça serait pas mal pour cette planche. ». Quand je sors de mon atelier, je ne quitte jamais vraiment la BD, on est un peu tout le temps dedans, donc dès que je vais quelque part je stocke les images dans ma tête. Quand j’ai fait Arthur, j’étais tout le temps à la recherche d’une idée de décor, donc dès que je me baladais un petit peu, comme j’ai pas mal tourné en dédicace, cela m’a permis aussi de regarder comme c’était autour de moi !
Jérôme Lereculey, merci de nous avoir consacré ces quelques minutes et on attend toujours, d’année en année, la suite de toutes ces histoires qui nous dépaysent.